Quaregnon : Le XXe siècle y est omniprésent, soigné et imposant

Trésors wallons. Avec quatre biens classés et une centaine d’édifices repris à l’inventaire du patrimoine immobilier, la commune hennuyère possède une richesse architecturale de grand intérêt.

Frédéric Marchesani
Quaregnon - ecole de l'égalité - rue de l'égalité 102 - batiment scolaire.
Quaregnon - ecole de l'égalité - rue de l'égalité 102 - batiment scolaire. ©photo Vincent Rocher SPW-AWaP

La commune de Quaregnon, née de la fusion des communes de Quaregnon et Wasmuel, se situe dans la province du Hainaut, en plein cœur de l’arrondissement de Mons. Elle possède des origines anciennes, car un oratoire dédié à Saint-Quentin y a été fondé en 686 par sainte Waudru. Durant tout l’Ancien Régime, la localité se trouve dans le comté de Hainaut et est la propriété du chapitre de la collégiale Sainte-Waudru de Mons. Au XIXe siècle, en pleine Révolution industrielle, le sort de la commune évolue. Comme pour bien d’autres villes et villages du Borinage, l’industrie du charbon fait la fortune des lieux.

En 1854 sont fondées les Houillères réunies de Quaregnon. À la fin du siècle, la ville abrite un important congrès organisé par le Parti ouvrier belge, créé en 1885 et ancêtre du Parti socialiste. La charte de Quaregnon, adoptée en 1894, est le texte fondateur du socialisme belge. Conséquence de la Révolution industrielle, la croissance démographique est particulièrement importante dans la région: au moment de la fusion des communes en 1977, elle était la localité la plus peuplée du Borinage. Peu de témoins subsistent de son passé ancien. C’est sur les traces de son patrimoine récent que nous vous convions cette semaine.

Quaregnon - Maison Masse devenue centre culturel de Quaregnon.  habitation conçue en 1932 par l'architecte Pigeolet pour le brasseur Marcel Ansar. Immeuble d'esprit moderniste, teinté d'Art déco et d'architecture hollandaise de l'école d'Amsterdam, typé par ses toits plats, l'articulation géométrique de ses différentes composantes et l'organisation spatiale autour de la cage d'escalier
Quaregnon - Maison Masse devenue centre culturel de Quaregnon. habitation conçue en 1932 par l'architecte Pigeolet pour le brasseur Marcel Ansar. Immeuble d'esprit moderniste, teinté d'Art déco et d'architecture hollandaise de l'école d'Amsterdam, typé par ses toits plats, l'articulation géométrique de ses différentes composantes et l'organisation spatiale autour de la cage d'escalier ©photo Vincent Rocher SPW-AWaP

Le patrimoine classé. Parmi les biens classés de la commune, un l’est comme site : le parc situé dans la rue Édouard Anseele, planté de plusieurs arbres remarquables, dont un hêtre pourpre. Ce dernier, seul concerné par cette mesure, mesure 26 m de haut et affiche une circonférence de 4,66 m. Deux autres biens classés comme monuments se situent au centre de Quaregnon. Le plus ancien, témoin de l’époque où la localité n’était qu’un petit village, remonte aux Xe et XIe siècles: il s’agit des vestiges d’un site fortifié, appelé château ou catiau du Diable. Ces fortifications en grès houiller sont aujourd’hui visibles dans la rue de l’Abbé et ont été classées comme monument ainsi que comme site en 1981.

Non loin de là, la tour de l’ancienne église Saint-Quentin, classée depuis 1980, comporte des parties datées des XIIIe et XVIe siècles. De style gothique, érigée au moyen de moellons irréguliers, elle compte quatre niveaux séparés. De gros contreforts talutés viennent soutenir la construction, actuellement isolée au centre de la place principale de la ville. L’église Saint-Quentin a été démolie en 1922 pour faire place à une construction neuve, érigée à quelques pas de là.

Quaregnon - ecole de l'égalité - rue de l'égalité 102 - batiment scolaire - enseignement
Quaregnon - ecole de l'égalité - rue de l'égalité 102 - batiment scolaire - enseignement ©photo Vincent Rocher SPW-AWaP

Un patrimoine moderne. Le centre et les faubourgs de Quaregnon et de Wasmuel sont ponctués d’imposants bâtiments représentatifs des courants architecturaux du XXe siècle. Une vaste campagne d’édification a été entreprise au lendemain de la Première Guerre mondiale pour régler les soucis causés par l’extraction intensive de la houille : celle-ci se traduisait fréquemment par des affaissements de terrain et des inondations qui avaient lentement provoqué une taudification de l’habitat. La plus importante commune boraine se devait donc de réagir. Un programme d’urbanisme, initié par l’Office de redressement économique, dressa un programme ambitieux : amélioration des conditions de vie grâce à la construction de routes et cités-jardins, épuration des eaux et réalisation d’importants équipements publics (maternité, home, piscine, école et église).

La nouvelle église Saint-Quentin a été un des premiers monuments à sortir de terre. Œuvre de l’architecte Maurice Haeck, elle fut inaugurée en 1935. Sobre, d’inspiration romane, elle présente toutefois une sensibilité moderne. Appareillés en moellons de grès, un porche et un baptistère hexagonal complètent le portail avant. Il est a accompagné sur sa gauche d’une construction de même facture, la chapelle des Saints, qui renferme des vestiges de l’ancienne église gothique démolie. Viennent ensuite une nef de trois travées, un transept et un chœur à chevet pentagonal, formant un plan traditionnel en croix latine.

Vue aérienne de la Grand-Place de Quaregnon, avec la tour de l'Eglise Saint-Quentin et l'hôtel de ville.
Vue aérienne de la Grand-Place de Quaregnon, avec la tour de l'Eglise Saint-Quentin et l'hôtel de ville. ©guyfocant@hotmail.com

À deux pas de l’église, l’hôtel de ville de Quaregnon écrase la Grand-Place de sa masse imposante. Merveille de l’architecture moderniste de l’entre-deux-guerres, il a été érigé entre 1938 et 1939 par l’architecte Eugène Bodson, assisté par Maurice Lhoir. Flanqué d’une haute tour élancée, l’édifice allie espace, ordre et lumière. La façade combine un soubassement, un portique et des seuils de fenêtre, cordons et couvre-murs en pierre de taille avec un parement général en briques claires, le tout relevé de quelques éléments de décor en céramique. Articulation des volumes, toits plats, châssis métalliques, entrée monumentale précédée d’un grand perron et tour carrée en sont les principales caractéristiques. Le rez-de-chaussée comprend un vaste hall distribuant les divers espaces intérieurs, tous conservés dans leur état d’origine.

Le programme d’architecture publique a été pour sa part conséquent. De nombreux témoins démontrent encore aujourd’hui l’importance de cette campagne d’édification. La cité Reine Astrid et ses 103 logements se trouvent au cœur d’un domaine sur lequel ont aussi été construits une école, un stade et une plaine de jeux. L’école de l’Égalité, œuvre de Charles Petiau, sort de terre en 1938. Monumentale, elle est dotée d’un portique coiffé d’une frise en céramique de verre opale, sur laquelle s’articulent des allégories de métiers scientifiques et industriels. À l’intérieur, le sol est orné de marbrite, un verre opacifié et coloré dans la masse qui imite le marbre.

Partout, des œuvres d’art glorifient les métiers manuels et la force physique, tandis qu’un large escalier s’enroule sur le périmètre pour distribuer le premier étage. Le tout est éclairé par une toiture percée de briques de verre. Le groupe scolaire primaire des garçons, daté de 1938 également, est pour sa part l’œuvre de l’architecte Léon Leclercq. Abondamment éclairé, il affiche une façade principale mise en valeur par une combinaison de jardins didactiques et de cours de jeu disposés sur deux niveaux.

Plus loin, le stade communal Louis Piérard a été conçu à la même époque par l’architecte Jacques Dupuis mais, bloqué par la guerre, n’a été réalisé qu’entre 1952 et 1955. C’est au même moment que l’architecte procède à l’édification de maisonnettes pour vieux conjoints ou travailleurs âgés. Disposées le long d’une même rue, ces trente-trois habitations rappellent les cités-jardins du début du siècle avec leurs larges pelouses et le soin apporté aux plantations.

Wasmuel, entité de Quaregnon : l'eglise Sainte-Vierge.
Wasmuel - Quaregnon - eglise Sainte-Vierge. ©photo Vincent Rocher SPW-AWaP

La localité de Wasmuel n’a, bien entendu, pas été oubliée par les autorités communales. La Cité scolaire en est le témoin. Construit en 1937-1938 selon les plans des architectes Rousselle et De Meyer et établi en retrait de la voirie, le bâtiment accueille des classes, un gymnase et un réfectoire. De plain-pied afin de faciliter les déplacements des enfants, l’ensemble s’articule sur un plan en U autour d’une généreuse cour de récréation.

À l’extrémité, le volume en rupture de gabarit avec sa rotonde abritait l’habitation du concierge. Les locaux administratifs sont disposés de l’autre côté. Les classes sont, quant à elles, rassemblées dans les deux ailes disposées en épis. L’édifice affiche une grande sobriété, tout en adoptant les codes d’un modernisme tempéré.

La maison Masse, exceptionnelle réalisation de l’architecte Mathieu Pigeolet, a été classée comme monument en 1991. Inaugurée en 1932, il s’agit, à la différence des édifices précédemment cités, d’une construction privée. Elle abrite de nos jours la Maison culturelle de Quaregnon.

Demeure du brasseur Ansar, elle se rattache typiquement, dans ses matériaux et sa conception, à l’architecture Art déco, mais dans un mouvement tendant vers le modernisme. La maison Masse allie la sobriété, le fonctionnalisme et la rationalité de celui-ci avec une approche stylisée des formes et une intégration d’éléments décoratifs propres à l’Art déco.

Implanté en retrait de la voirie, l’édifice est construit sur la base d’un plan libre qui génère des volumes simples à toiture plate, au dessin essentiellement géométrique. La sobriété des éléments décoratifs est marquée par le travail de décrochement en façade, la mise en valeur de la brique dans un jeu de reliefs, le béton pour les linteaux, les saillies des fenêtres d’angle et la toiture-terrasse. Les courbes matérialisent un sentiment de verticalité qui font de cette maison un chef-d’œuvre de l’architecture des années 1930.

Le portique de l’école est orné d’une frise en céramique de verre opale de Jumet. Les mosaïques représentent des allégories de métiers scientifiques et industriels.
Le portique de l’école est orné d’une frise en céramique de verre opale de Jumet. Les mosaïques représentent des allégories de métiers scientifiques et industriels. ©photo Vincent Rocher SPW-AWaP
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