Le château d'Aigremont : un bijou des bords de Meuse
De la frontière française à la frontière néerlandaise, de Dinant à Liège, la vallée de la Meuse est parsemée de châteaux. Celui d’Aigremont ne manque pas d’intérêt.
- Publié le 10-04-2023 à 14h50
- Mis à jour le 10-04-2023 à 14h53
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Par Frédéric Marchesani / Photos Guy Focant
Ici une forteresse médiévale ruinée, là une demeure classique de prestige. Souvent, ces édifices surplombent le fleuve et ont été érigés au sommet de rudes affleurements rocheux dans un but défensif. Au Moyen Âge, la Meuse marque la limite entre de nombreux petits États et les princes, comtes et ducs ont besoin de protéger leurs terres. Aux XVIIe et XVIIIe siècles, les forteresses qui n’ont pas été ruinées sont détruites et remplacées par des demeures de plaisance, plus confortables. Les exemples ne manquent pas en Wallonie, tout au long du tracé du plus important cours d’eau de notre région.
La commune de Flémalle, située en province de Liège, entre Huy et Liège, est particulièrement riche en châteaux. Parmi ceux-ci, le château d’Aigremont possède toutes les caractéristiques que nous venons d’évoquer : demeure de prestige du XVIIIe siècle, héritière d’une forteresse médiévale, siège d’une seigneurie sous l’Ancien Régime et érigée au sommet d’un promontoire qui domine le fleuve.

Un peu d'histoire. L'histoire ancienne du site d'Aigremont est peu connue. Des légendes entourent son existence au Haut Moyen Âge, mais il semble qu'une forteresse ait existé à cet endroit à partir de l'an 900. La seigneurie d'Aigremont est l'une des plus importantes de l'ancienne principauté de Liège.
Au Moyen Âge, elle est la possession et un des lieux de résidence des avoués de Hesbaye. Les titulaires d’une avouerie sont chargés de la protection et de la représentation juridique d’une institution ecclésiastique. Celle d’Aigremont, la plus importante de toute la principauté, dépendait du riche et puissant chapitre de la cathédrale Saint-Lambert de Liège.
Au XIIIe siècle, la famille de Limbourg détient cette charge. Du XIVe au début du XVIe siècle leur succèdent les membres de la famille de La Marck. Seigneurie et avouerie passent ensuite entre les mains de la famille de Ligne. En 1715, Mathias Clercx acquiert le domaine qui appartenait alors au bourgmestre de Liège, Mathias Grady. Personnage de haut rang, il était prévôt des collégiales Saint-Pierre de Liège et Saint-Feuillen de Fosses-la-Ville, grand écolâtre de la cathédrale Saint-Lambert de Liège, archidiacre de Condroz, mais aussi membre du conseil ordinaire et de la cour d’appel de la principauté de Liège.

C’est à lui qu’on doit la reconstruction du château actuel. Il y meurt en 1744. Débute alors une longue période marquée par plusieurs successions et quelques transformations mineures vers 1840. En 1971, le site est racheté par l’Association royale des demeures historiques, qui entame sa restauration et obtient son classement comme monument en 1978.
Un site d'exception. Le domaine d'Aigremont se situe dans le village des Awirs, dont il est un des hameaux. Il est implanté au sommet d'un roc qui, au Moyen Âge, permettait de contrôler la rive gauche de la Meuse. Depuis la terrasse arrière, la vue est spectaculaire. Reconstruit en style classique entre 1717 et 1725, le château présente une architecture extérieure assez sobre et cohérente. Érigé en briques et calcaire mosan, il prend la forme d'un U et respecte une rigoureuse symétrie.
On y accède par une belle grille en fer forgé aux armes des Clercx, fermant un mur de clôture qui délimite une cour d’honneur. Dans celle-ci, deux fontaines rococo, dédiées respectivement à Diane et Neptune, constituent les principaux éléments de décor. Au fond, la façade principale du château compte sept travées sur deux niveaux.
À l’ouest, l’aile des communs, entièrement en calcaire, est ouverte de deux portes donnant directement accès à la ferme, qui se situe en contrebas du château, vers l’ouest, et a résisté aux affres du temps. Érigée en moellons du pays, elle est plus ancienne et a été rebâtie en utilisant les pierres de la forteresse médiévale des La Marck, démantelée à la fin du XVe siècle.

De l’autre côté, à l’angle sud-est de la cour, on trouve une belle chapelle baroque élevée en 1725 et dédiée à saint Mathias, patron du bâtisseur d’Aigremont, le chanoine Mathias Clercx. Ses briques badigeonnées de rouge et l’utilisation de pierre calcaire pour les soubassements et encadrements, tout comme le château, font qu’elle s’intègre harmonieusement à l’ensemble.
On y trouve les armes de Mathias Clercx, caractérisées par un aigle noir. La chapelle jouxte les jardins du château, aménagées à la française et clos par une muraille. Deux terrasses, divisées en quatre parterres, sont séparées par une volée d’escaliers tandis qu’au fond du jardin, deux pavillons ont été érigés en 1723.
À l’intérieur, le château d’Aigremont ne peut que fasciner le visiteur. Une fois la rigueur de l’architecture extérieur admirée, on est frappé par le contraste qu’offre le vestibule richement décoré, qui témoigne de l’opulence de son bâtisseur. Le centre est occupé par un escalier de bois du plus bel effet, qui se divise en deux pour mener à l’étage. Construit en chêne de Hesbaye, il est supporté par quatre colonnes en marbre de Saint-Remy. Dans le vestibule, le sol est composé de dalles de marbre gris et rouge, caractéristique de nos régions.

Mais c’est probablement la décoration murale qui offre tout son lustre à l’ensemble. L’intégralité des murs et du plafond du vestibule est ornée de décors évoquant les palais italiens : peintures en trompe-l’œil, perspectives savantes et motifs baroques. Cette décoration se répartit sur trois niveaux. La partie la plus importante du plafond est décorée d’un ciel où se déroule une chasse à l’aigle. Tout autour, on aperçoit des balustrades, balcons et autres arcades, qui renforcent l’impression de hauteur.
Le palier est orné de peintures allégoriques, tandis que les murs du premier étage évoquent des décors de théâtre. Enfin, au rez-de-chaussée, les murs sont ornés de grandes peintures réalisées en 1721 par Jean-Pierre Delloye et qui montrent, à gauche, le château d’Aigremont et, à droite, le château de Waroux. Situé dans l’actuelle commune d’Ans, celui-ci était alors la propriété de Michel Clercx, frère du châtelain d’Aigremont.
C’est certain, Aigremont mérite véritablement le détour !

VISITEZ LE CHATEAU
Bien d’autres surprises attendent le visiteur, qui peut admirer le grand salon et ses toiles peintes aux motifs de chinoiseries. On contemple des tableaux, des tapisseries, de luxueuses boiseries… On découvre aussi le salon de Lorraine, le salon doré, le salon des papes, la salle à manger ou encore la cuisine. Le domaine se visite toute l’année, uniquement sur réservation et pour les groupes de minimum 10 personnes. La réservation se fait auprès de l’office du tourisme de Flémalle au +32 (0)4 233 67 87 ou tourisme@flemalle.be.
Toutefois, le château sera exceptionnellement accessible gratuitement le lundi 1er mai 2023. Aigremont est en effet au programme de la troisième édition de « La Vie de château en famille », organisée par l’Agence wallonne du patrimoine. Le château sera accessible de 13 h à 18 h et des visites guidées sont prévues à 13 h 30, 15 h et 16 h 30. Des visites animées et ludiques adaptées aux enfants, une petite pièce de théâtre et des jeux sont également au programme.
INFOS
Pour participer gratuitement à ces activités du 1er mai, la réservation est obligatoire en contactant le +32 (0)499 53 13 72 ou en envoyant un mail à tourisme@flemalle.be. Le château se situe au no 1 de la rue du château d'Aigremont à 4400 Flémalle.