Les sanctuaires de Beauraing : sur les traces de Jean-Paul II

Cette semaine, nous souhaitons mettre à l’honneur un site qui ne s’inscrit dans aucune des listes prestigieuses du patrimoine, mais qui n’en possède pas moins une réelle importance historique et architecturale.

En 2013, l’église du sanctuaire est élevée au rang de basilique mineure, comme l’atteste la présence de l’« ombrellino » basilical aux couleurs pontificales.
En 2013, l’église du sanctuaire est élevée au rang de basilique mineure, comme l’atteste la présence de l’« ombrellino » basilical aux couleurs pontificales.

Par Frédéric Marchesani / Photos Guy Focant et Vincent Rocher

La ville de Beauraing, siège de la commune du même nom, se trouve au sud de la province de Namur, entre Houyet et Gedinne mais aussi entre la frontière française et la province du Luxembourg. Située en pleine nature, au cœur du géopark Famenne-Ardenne, elle possède un patrimoine riche de sept biens classés mais aussi de quelque 391 biens inscrits à l’inventaire du patrimoine immobilier culturel. Les sanctuaires de Beauraing n’en font toutefois pas partie.

Un brin d'histoire. Entre le 29 novembre 1932 et le 3 janvier 1933, cinq enfants de Beauraing sont témoins d'une trentaine d'apparitions mariales. Ces événements entraînent, dès le départ, une forte polémique entre les tenants de la véracité de leurs dires et leurs opposants. Cette polémique a lieu aussi bien au sein de l'Église qu'en dehors. Plusieurs enquêtes canoniques ayant abouti à la reconnaissance des apparitions par les autorités diocésaines, le culte de la Vierge est autorisé à Beauraing en 1943 et le caractère surnaturel des événements est officiellement reconnu en 1949.

Avant même cette reconnaissance officielle, des foules de pèlerins affluent sur le lieu des apparitions. Un véritable site marial sort de terre et ne cesse de s’étendre par la suite. Une association, Pro Maria, est chargée de gérer l’ensemble, qui est également appelé sanctuaires Notre-Dame au Cœur d’Or. Le 18 mai 1985, le site accueille le pape Jean-Paul II qui visite les lieux, rencontre les voyants et leurs familles et y célèbre une messe. Le 22 août 2013, à l’occasion des quatre-vingts ans des apparitions, l’église du sanctuaire est élevée au rang de basilique mineure par le pape François.

L'architecture des sanctuaires. Le site de Beauraing est composé d'un ensemble de bâtiments construits progressivement ou achetés et intégrés à l'ensemble. Dès 1946, l'association Pro Maria acquiert la moitié de l'ancienne propriété des ducs d'Osuna, qui comprend les ruines du château de Beauraing, des dépendances et un parc de 33 ha. Cette même année, le bâtiment des anciennes écuries prend le nom de castel Sainte-Marie, que porte encore l'ensemble du parc. Au cœur du château, des retraites pour adultes et groupes de jeunes sont organisées.

Entre 1947 et 1954, une chapelle de style néoroman est bâtie à l’entrée du complexe sur les plans de l’architecte Michel Claes. Cet édifice de calcaire a été conçu en harmonie avec la symbolique du site : le message marial figure partout dans l’architecture. Les trois claveaux des fenêtres de l’abside évoquent en effet la Trinité et le 3 janvier 1933, dernier jour des apparitions. Les cinq ouvertures vers le lieu des apparitions symbolisent les cinq enfants.

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L’église supérieure est dotée d’une toiture composée de auvents et épouse la pente du terrain. ©Guy Focant et Vincent Rocher
L’église supérieure est dotée d’une toiture composée de auvents et épouse la pente du terrain. Guy Focant et Vincent Rocher ©Vincent Rocher@AWaP

L’ensemble est surmonté d’une rosace stylisant une fleur d’aubépine, buisson auprès duquel est apparue la Vierge. Bien d’autres chiffres se retrouvent dans la chapelle, dont la construction a été marquée par une parfaite maîtrise technique. L’entrée, asymétrique et dotée de cinq arcs et cinq piliers, encore une fois autant que de voyants, a été conçue pour faciliter une sortie rapide des pèlerins les jours de grande influence. À gauche de la chapelle, on trouve le jardin des apparitions, un espace de recueillement dallé et ombré par quelques arbres. L’espace est délimité par deux auvents en voile de béton dus à l’architecte Roger Bastin. Le pavillon d’accueil est pour sa part l’œuvre de Thierry Lanotte.

En 1950, l’école des Sœurs de la doctrine chrétienne libère des bâtiments et les cède au sanctuaire pour y organiser l’accueil des malades. En 1953, un carillon est placé au sommet du château de Beauraing, sur la tour du Hainaut. Il est doté de vingt-neuf cloches coulées à la fonderie Michiels, à Tournai, et bénies par l’archevêque de Rouen et l’évêque de Namur. Les cinq plus grosses ont reçu pour parrains et marraines les cinq enfants à qui est apparue la Vierge.

La chapelle néoromane érigée par Michel Claes. ©Guy Focant et Vincent Rocher
La chapelle néoromane érigée par Michel Claes. Guy Focant et Vincent Rocher ©AWaP

Restauré en 1982, le carillon possède depuis vingt chants automatiques. De 1964 à 1968, Roger Bastin, assisté par Guy Van Oost, s’attache à l’édification de l’église supérieure, consacrée à Marie Mère de Dieu. Il s’agit d’un imposant bâtiment en béton, matériau de prédilection de l’architecte, qui se dresse sur la colline. Pouvant accueillir 5 000 personnes, l’église est couverte d’une importante structure de béton étagée qui suit la pente naturelle du terrain.

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Le castel Sainte-Marie, autrefois écuries du château de Beauraing. ©Guy Focant et Vincent Rocher
Le castel Sainte-Marie, autrefois écuries du château de Beauraing. Guy Focant et Vincent Rocher

Conçue comme une vaste halle (2 500 m²) à laquelle on accède latéralement par des rampes et escaliers extérieurs, elle est dotée d’une toiture composée de cinq auvents de 40 m de long sur 10 m de large, constitués par une poutre-caisson supportée par deux paires de colonnes jumelles entre lesquelles filtre une lumière diffuse. Elle est rendue indépendante du sol et des parois latérales par un bandeau de vitrage sans châssis. Véritable prouesse d’ingénierie et d’architecture, cette église est également dotée de pierre calcaire locale pour les parois et murets et de plaques de pierre polie pour les façades.

L’église supérieure se dresse au-dessus de la grande crypte, appelée aussi église du Rosaire ou crypte Saint-Jean, et prend la forme d’un espace large et peu profond, de plan rectangulaire. Il s’agit véritablement d’une des œuvres les plus magistrales de Roger Bastin, mais aussi de l’architecture moderne en Wallonie.

ROGER BASTIN, UN HOMME DE SON TEMPS

Magnifiant l’utilisation du béton, l’église supérieure est l’une des plus belles réalisations de l’architecte Roger Bastin. ©Guy Focant et Vincent Rocher
Magnifiant l’utilisation du béton, l’église supérieure est l’une des plus belles réalisations de l’architecte Roger Bastin. Guy Focant et Vincent Rocher ©Vincent Rocher@AWaP

Né à Couvin en 1913, Roger Bastin est l’un des architectes les plus importants de la région namuroise et l’un des principaux représentants du modernisme de l’après-guerre en Belgique. Son courant opère une transition entre les techniques, les expressions et les matériaux traditionnels et modernes. Diplômé en 1936 de l’Institut supérieur des arts décoratifs de La Cambre, il poursuit une longue et prolifique carrière, souvent marquée par des édifices religieux.

On lui doit de petites chapelles votives, érigées dans les années 1950 à Bertrix et qui ont été classées en 2017. Parmi ses réalisations, on trouve également le grand séminaire de Namur et la nouvelle aile du séminaire de Floreffe. Il participe au renouveau architectural des universités wallonnes en édifiant la bibliothèque universitaire Moretus-Plantin à Namur, l’Institut de botanique sur le campus liégeois du Sart-Tilman ou encore le cyclotron à Louvain-la-Neuve.

Citons également la rénovation de l’Arsenal et la construction du pont des Ardennes à Namur, ou la construction du musée royal de Mariemont. Chacune de ses réalisations a été conçue en adéquation avec la nature du terrain et l’atmosphère du lieu.

LE PATRIMOINE DU XXE SIECLE A L’HONNEUR

Du béton, de l’acier, des techniques d’ingénierie de pointe, des lignes épurées ou minimalistes : l’architecture du XXe siècle attire de plus en plus l’attention. Autrefois parents pauvres des matières patrimoniales, ces styles architecturaux sont petit à petit reconnus pour ce qu’ils sont et ont apporté à l’architecture. Les styles du début du siècle – éclectisme, Art nouveau et Art déco – ont été les premiers à bénéficier d’une mise en valeur.

Le modernisme, le postmodernisme et ceux apparus après la Seconde Guerre mondiale suivent et suivront encore. Toutefois, bien des édifices sont en danger et d’autres manquent de valorisation. C’est pourquoi le patrimoine du XXe siècle et sa mise en avant figure dans la déclaration de politique générale de la Wallonie. Un inventaire est en cours d’actualisation afin d’en assurer la protection. Soyez attentifs car, en 2023, les « Trésors wallons » de Paris Match reviendront à diverses reprises sur des monuments et sites phares du XXe siècle.

PREPAREZ VOTRE VISITE

©Guy Focant et Vincent Rocher
Guy Focant et Vincent Rocher ©AWaP

Le site des sanctuaires de Beauraing est visitable toute l’année, pour les pèlerins comme les simples curieux. Il propose une foule d’activités diverses, parmi lesquelles une marche au départ de la gare de Houyet tous les premiers samedis des mois de mars à novembre. Les 12/2, 12/3 et 26/3 à 15 heures auront lieu des représentations d’une pièce de théâtre, « Et Marie apparut à Beauraing ». Un magasin est ouvert tous les jours de 10 h à 17 h 30 et l’hébergement est possible dans la maison de l’accueil. Toutes les infos se trouvent sur le site web des sanctuaires.

INFOS

Sanctuaires Notre-Dame au Cœur d'Or

6 rue de l'Aubépine à 5570 Beauraing

+32 (0)82 71 12 18 – ndbeauraing@gmail.com

www.sanctuairesdebeauraing.be

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