Trésors Wallons : La collégiale de Sclayn, une église au passé prestigieux
Superbe témoin de l’architecture romane en région mosane, elle est l’une des nombreuses perles patrimoniales de Wallonie.
- Publié le 02-07-2022 à 17h32
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Par Frédéric Marchesani / Photos Vincent Rocher
Au bord de la Meuse, entre Namur et Andenne, le village de Sclayn s'implante en rive droite. Formant une commune à part entière avant la fusion de 1977, il est aujourd'hui rattaché à Andenne. Ce village rural de près de 1 700 habitants comporte deux cités ouvrières, témoins de l'exploitation de carrières dans la région.
Sclayn est riche d'une longue histoire et d'un passé prestigieux.
La présence de l’homme y est attestée à la Préhistoire, depuis que des fouilles menées dans la grotte Scladina en 1993 ont mené à de surprenants constats. Les résultats exceptionnels de ces opérations archéologiques ont, en effet, permis de mettre au jour les seuls vestiges de l’homme de Néandertal découverts en Belgique au XXe siècle. Les archéologues y ont trouvé les restes d’un enfant de 10 à 12 ans et ont été capables d’estimer que des Néandertaliens avaient occupé cette grotte il y a 127 000 ans.

Bien plus tard, Sclayn devient une seigneurie du comté de Namur, dont elle dépend durant tout l’Ancien Régime. Au XIXe siècle, le directeur des carrières de Sclaigneaux fait ériger une cité ouvrière avec bureaux, maisons, cantine, dispensaire et chapelle, connue sous le nom de cité de la Villette. La pépite du village est sans conteste son église, aujourd’hui dédiée à saint Maurice mais qui fut autrefois une collégiale. Elle se situe sur la place communale, où se trouve également l’ancien presbytère, bâti aux XIVe et XVe siècles.
En 1072, le futur empereur Henri IV du Saint-Empire fonde un chapitre sur les bords de la Meuse. C’est à l’abbaye impériale de Kornelimünster, située dans la banlieue d’Aix-la-Chapelle, que ce travail est confié. Les moines allemands installent neuf chanoines à Sclayn. Outre leur collégiale, ceux-ci édifient un encloître avec leurs maisons, une école, une grange et un hôpital et, durant plus de sept siècles, rythment la vie du village. Après la suppression de leur chapitre en 1797, l’ancienne collégiale, dédiée à Notre-Dame et saint Félix, devient en 1808 l’église Saint-Maurice, remplaçant un autre édifice du même nom. Elle a été classée comme monument le 17 mars 1949.
En l’absence de sources nous permettant de mieux connaître son histoire, c’est à l’archéologie du bâti que l’on doit un essai de chronologie de sa construction et des diverses rénovations opérées au fil des siècles. Le début de l’édification du sanctuaire remonte à la fondation du chapitre en 1072 ; il fut bâti d’est en ouest sur plusieurs décennies. C’est donc le chœur qui, aujourd’hui, constitue la partie la plus ancienne de l’église. Ses trois murs présentent une succession d’arcs aveugles encadrant des baies à arcs en plein cintre. Si les fenêtres latérales placées côtés nord et sud n’ont subi que peu de remaniements, ce n’est pas le cas de celles du chevet, qui ont été entièrement refaites en 1656 lors de l’installation d’un maître-autel : le chevet plat a été rehaussé pour l’occasion.

Le transept, érigé vers 1080-1090, est de type bas, conformément à la tradition mosane qui le veut subordonné au volume de la nef. Cette disposition basse des croisillons permet la présence de petites baies éclairant directement la croisée, autre caractéristique de l’architecture romane en pays mosan. On y trouve dès lors de petites baies entourées de deux ou quatre arcatures aveugles, sauf au niveau des pignons, où de grandes fenêtres classiques ont été percées au XVIIIe siècle. La nef, édifiée au début du XIIe siècle, comprend deux bas-côtés étroits qui se prolongent de part et d’autre de la tour.
Les murs hauts du vaisseau central sont décorés d’un jeu d’arcatures placé au-dessus des baies. La construction de la tour, dans le premier quart du XIIe siècle, vient parachever le chantier. Il est probable que l’agencement de ce massif occidental flanqué de collatéraux ait été inspiré de celui de l’abbatiale de Kornelimünster. Les églises voisines de Bonneville, de Seilles et de Strud, qui dépendaient du chapitre de Sclayn, reproduisent d’ailleurs le même dispositif. En 1723, la partie haute de la tour est entièrement reconstruite et percée d’ouïes munies d’abat-sons. Hormis le clocher, composé d’un clocheton hexagonal sommé d’une flèche typique du XVIIIe siècle, la tour conserve malgré tout son aspect médiéval.

On accède à l’intérieur par un portail situé côté nord. Datant du XVe siècle, celui-ci a été déplacé vers 1900. La volume intérieur de la tour, voûté d’arêtes, s’ouvre sur la nef centrale et sur les bas-côtés par des arcs en plein cintre. Au-dessus, une balustrade et un buffet d’orgues de style Louis XV ont été aménagés au XVIIIe siècle. Le vaisseau conserve son élévation romane d’origine malgré les travaux opérés au cours de son histoire. Son plafond a été restauré au XIXe siècle. Passé le transept, on découvre le chœur, qui présente une surélévation par rapport à la croisée. Il s’agit de la conséquence d’un rattrapage de la déclivité naturelle du sol effectué par les bâtisseurs médiévaux.
Bien des œuvres d’art sont abritées dans l’ancienne collégiale. Citons par exemple l’autel majeur placé dans le chœur, œuvre baroque du sculpteur Jean Duchêne. Réalisé en marbre, daté de 1656, il était autrefois orné d’une toile représentant l’Apparition du Sacré-Cœur à Marguerite-Marie Alacoque, sainte du XVIIe siècle et inspiratrice du culte du Sacré-Cœur.
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On y trouve aujourd’hui un Christ en croix polychrome, mais aussi une Vierge à l’enfant du XVe siècle, située au sommet du maître-autel. Dans le chœur également, on peut voir deux statues de saint Maurice et saint Roch, réalisées en 1717 par le sculpteur liégeois Simon Cognoulle. Des stalles du XVIIIe siècle, d’inspiration Renaissance, ainsi que d’autres sculptures de la même époque ornent le sanctuaire. C’est également du siècle des Lumières que datent les confessionnaux et la chaire de vérité, de style Louis XIV.
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Plus ancien encore, un superbe Christ en croix, grandeur nature, remonte au XIVe siècle. Enfin, on y trouve également des monuments et dalles funéraires, dont les plus anciens remontent au XVIe siècle. C’est le cas du monument d’Henry d’Ève, mort en 1560, capitaine de Samson et bailli d’Entre-Meuse et Arche, ou de la très belle pierre tombale Renaissance d’Antoine d’Ève et de son épouse Catherine de Huy, respectivement décédés en 1555 et 1559.
