A la découverte du cristal de renommée mondiale de Vonêche
Le village de Vonêche fait partie de la commune de Beauraing, dans la province de Namur (arrondissement de Dinant). D’un calme et d’une beauté qui méritent le détour, il conserve beaucoup de maisons à colombages, dont plusieurs ont été restaurées.
Publié le 30-01-2021 à 12h02 - Mis à jour le 09-04-2021 à 10h35
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Ce patrimoine bâti, témoin des savoir-faire architecturaux d’autrefois, forme un ensemble unique de la seconde moitié du XVIIIe siècle. Sur le plan historique, la seigneurie de Vonêche est passée entre les mains de diverses familles tout au long du Moyen Age, parmi lesquelles les Looz et les La Marck, avant d’être rachetée par Charles Quint en 1555. Au XVIIe siècle, le village est victime des guerres et de la peste, qui touche la région en 1632. Ravagé par la maladie, il est réduit en cendres et déserté pendant près de vingt-cinq ans. Ce n’est qu’au siècle suivant qu’il bénéficie des prémices de la Révolution industrielle, lorsqu’une cristallerie importante s’y installe. De cette aventure industrielle d’antan, seul subsiste le splendide château de Vonêche, dernier témoin d’un passé révolu.
Un cristal renommé dans le monde
Les débuts de l’aventure verrière à Vonêche remontent à la fin de l’Ancien Régime, lorsque le promoteur Pierre-Nicolas Mathys engage le maître souffleur Gaspard Andrès pour installer une verrerie. Celle-ci est créée le 4 août 1778, en vertu d’un octroi accordé par l’impératrice Marie-Thérèse. La production commence le 10 décembre 1779. La mort prématurée de l’artisan et l’inexpérience de ses successeurs entraînent la fermeture de l’entreprise en 1793.
Le 10 mars 1802, Aimé-Gabriel d’Artigues, riche industriel parisien, rachète la verrerie et la transforme en cristallerie. Il rénove, agrandit les installations, et fait de Vonêche la plus grande cristallerie de l’empire français. La proximité de vastes fonds sableux et d’importantes forêts, ainsi que la participation financière importante d’Artigues dans les mines de plomb d’Aix-la-Chapelle, contribuent à faire de l’endroit un centre de production possédant la mainmise sur les composantes nécessaires à la fabrication du cristal. Les fastes de l’Empire et l’essor économique de la haute bourgeoisie permettent de disposer d’une importante clientèle désireuse de se procurer des objets de luxe.

En 1810, entre 600 et 700 ouvriers y travaillent. Mais la chute de Napoléon quatre ans plus tard entraîne une perte de débouchés et une diminution radicale du personnel. Intégrée au nouveau royaume des Pays-Bas, la cristallerie perd le substantiel marché français. C’est à cette époque qu’Aimé-Gabriel d’Artigues rachète les cristalleries de Baccarat, en Lorraine française, et y transfère ses activités. Il conserve toutefois la propriété des lieux. En 1826, le chimiste François Kemlin et l’ingénieur Auguste Lelièvre, collaborateurs d’Artigues, quittent l’entreprise pour aller fonder les cristalleries du Val-Saint-Lambert. Vonêche ferme définitivement ses portes en 1830.
Aujourd’hui, la qualité des productions de Vonêche est toujours unanimement reconnue. On trouve des œuvres en cristal de Vonêche au Louvre, à New York ou en Asie. Plus proche de nous, quelques belles pièces sont conservées au Musée des arts décoratifs du Namurois.
Le château et le panorama
Ce splendide édifice, implanté au cœur d’un océan de verdure, a été érigé à partir de 1806 par Aimé-Gabriel d’Artigues. Il s’agit d’un des rares bâtiments neufs érigés pendant le régime français (1795-1814), période de guerres incessantes peu propice à la création architecturale. En 1844, il est vendu au comte Félix Cornet de Ways-Ruart puis, en 1888, est acquis par la famille d’Huart.
Ce petit château, d’esprit Louis XVI, en briques enduites et calcaire, comprend deux niveaux placés sur des caves à moitié enterrées. Les façades symétriques sont largement ouvertes par neuf travées longitudinales et cinq latérales. Elles sont percées de multiples fenêtres à linteau droit à clé. Les travées extrêmes et axiales, en léger ressaut, sont marquées par des harpes d’angle. Un portail mouluré en plein cintre, inscrit dans un panneau de pierres appareillées, permet d’accéder à l’ensemble. Il est précédé par un grand emmarchement ajouté au début du XXe siècle et orné de vases en fonte.
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Le château est protégé par une importante toiture d'ardoises à la Mansart, ponctuée par trois niveaux de lucarnes, dont celles du bas éclairent un étage mansardé. Au centre de la toiture, on remarque un intéressant belvédère garni de balustrades en bois et terminé par une toiture bulbeuse. Depuis ce point de vue, grâce à de larges percées tracées dans les zones boisées du parc, s'ouvre un panorama permettant de découvrir, au nord, les paysages de l'Ardenne et, au sud, ceux de la Famenne.
Dans l'axe de la façade, on trouve un bassin rectangulaire en pierre, alimenté par une source canalisée située hors des limites du domaine. Il s'agit d'un des nombreux plans d'eau qui animent les lieux.
Remarquable orangerie
Agronome de formation, le comte Félix Cornet de Ways-Ruart est à l’origine de la création du parc. Amoureux de la forêt et des grands espaces, il fait démolir les bâtiments industriels présents autour du château pour y aménager un lieu d’une trentaine d’hectares. Les zones boisées sont réduites et replantées d’essences nobles, ou converties en surfaces enherbées mettant en valeur le relief ondoyant naturel du terrain. Outre un étang et un potager, on y trouve une multitude d’arbres exotiques : cèdres du Liban, séquoias, thuyas géants, pins des Landes, genévrier géant, chênes rares et autres pins Douglas. On admire également plusieurs édifices d’intérêt au cœur de cet espace de verdure.
Dans l’axe du château, l’orangerie a été bâtie en style néoclassique en 1846. Enduite et peinte en blanc, elle compte onze travées rythmées par des colonnes ioniques stuquées. La travée centrale est accentuée par des pilastres et surmontée d’un fronton évidé d’un arc où s’encastre un cadran solaire en schiste. Le bâtiment a conservé ses beaux châssis d’origine, dont certains ont gardé leurs verres anciens. Au moment de son édification, l’orangerie abritait une quarantaine d’orangers, protégés l’hiver par un système de chauffage central logé dans les dépendances à l’arrière. Elle compte aujourd’hui parmi les plus remarquables orangeries de Belgique.
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Plus au sud, le parc conserve un superbe et étonnant pavillon chinois octogonal en bois. Provenant de Baccarat, il a été transféré à Vonêche en 1823 par Aimé-Gabriel d’Artigues. On admirera une lanterne coiffée d’une toiture en tuiles. Les portes alternent avec des panneaux peints de scènes orientales. A l’intérieur, le parquet en étoile voisine avec des potences en fonte destinées à accrocher des rideaux. Au sud également, l’ancienne glacière des cristalleries est le seul élément conservé lors de la création du parc. En partie effondrée, elle a été condamnée.
Les affres de la guerre
Le château de Vonêche a, malgré lui, subi les conséquences de deux conflits mondiaux. Il fut à deux reprises réquisitionné alors que le domaine avait été déserté par ses propriétaires. De nombreuses dégradations furent malheureusement occasionnées tant au bâti qu’au parc. Durant la Première Guerre mondiale, le château est réquisitionné par l’armée italienne qui l’affecte en hôpital de campagne. Dès 1940, c’est par l’armée allemande qu’il est occupé. Celle-ci va transformer l’orangerie en atelier de réparation de chars. Cette activité va provoquer la destruction définitive du carrelage en terre cuite centenaire qui se trouvait dans la bâtisse. Plusieurs arbres ont également été coupés ou endommagés par le passage des véhicules militaires.
Le Musée des arts décoratifs
Partie intégrante du pôle muséal des Bateliers, ce musée est installé dans le superbe hôtel de Groesbeeck de Croix. Cet édifice du XVIIIe siècle est inscrit sur la liste du patrimoine exceptionnel de Wallonie. Une visite permettra d'y découvrir des œuvres en cristal de Vonêche. Une belle idée de promenade et l'occasion de visiter les musées, rares distractions accessibles au public en cette période de pandémie.
Le musée est ouvert du mardi au samedi de 10 h à 18 h et le dimanche de 13 h à 18 h. Il est accessible par l'entrée principale, rue Joseph Saintraint 3 à 5000 Namur.