Quand les étoiles Michelin laissent un goût amer aux chefs

Ce mercredi, Sébastien Bras, chef du restaurant 3 étoiles Le Suquet à Laguiole, dans le Sud de la France, a fait des remous dans le monde de la gastronomie. En cause, son souhait de ne plusfigurer au guide Michelin dès l’édition 2018. Atteindre les sommets pour mieux déchanter, un paradoxe qui touche de plus en plus d’étoilés.

Kathleen Wuyard
Dans la jungle de la gastronomie
Dans la jungle de la gastronomie

«Avoir l'esprit libre, et moins de pression». Voilà les raisons évoquées par le fils de Michel Bras pour expliquer sa décision, «prise en accord avec toute sa famille».Dès 2018, Sébastien Bras ne fera donc plus partie du cercle très fermé des trois étoilés français, qui ne sont que 27 dans l'Hexagone. Sans regrets.

Un nouveau chapitre

Sébastien Bras indique vouloir «ouvrir un nouveau chapitre de sa vie professionnelle sans la récompense du guide rouge, mais avec autant de passion pour la cuisine. Ce fut un beau challenge, source de beaucoup de satisfactions avec les évolutions que nous avons apportées… oui, beaucoup de satisfactions, mais aussi d'une grande pression qu'occasionne inévitablement la distinction des 3 étoiles», souligne-t-il.

Sébastien Bras ne veut plus de la pression du Michelin – Belga / AFP PHOTO / REMY GABALDA
Sébastien Bras ne veut plus de la pression du Michelin – Belga / AFP PHOTO / REMY GABALDA ©AFP or Licensors

Inspections à répétition

En effet, ainsi que Sébastien Bras l'affirme, «on est inspecté deux à trois fois par an. On ne sait pas quand. Chaque assiette qui sort est susceptible d'être inspectée». Une pression permanente, aux conséquences parfois tragiques. En février 2003, le chef étoilé français Bernard Loiseau s'était donné la mort, lançant une polémique autour du guide Michelin. A l'époque, les rumeurs voulaient que le chef se soit suicidé parce qu'il s'apprêtait à perdre sa troisième étoile. Une version des faits fermement démentie par le guide ainsi que la veuve du chef, ce qui n'a pas empêché la polémique de refaire surface lors du décès de Benoît Violier.

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En mai 2016, le chef franco-suisse triplement étoilé du Restaurant de l’Hôtel de Ville, près de Lausanne, avait mis fin à ses jours. En quelques années seulement, il avait pourtant conquis tous les sommets.Trois étoiles au Michelin, la note exceptionnelle de 20 sur 20 au Gault et Millaud, le titre de Meilleur chef du monde… Des récompenses comme autant d’épées de Damoclès pour celui qui les détient, et a forcément tout à perdre.

Gastronomie de haut vol au Restaurant de l’Hôtel de Ville – Facebook @ Le Restaurant de l’Hôtel de Ville
Gastronomie de haut vol au Restaurant de l’Hôtel de Ville – Facebook @ Le Restaurant de l’Hôtel de Ville

La recette de la santé

Alors pour ne pas perdre la tête, certains font le choix de tourner le dos aux récompenses et à la pression dont elles s'accompagnent. En 2005, Alain Senderens, chef du Lucas Carton, avait choisi de changer de concept, renonçant ainsi à ses trois étoiles au Michelin; imité l'année suivant par Antoine Westermann. En 2008, Le Breton Olivier Roellinger avait choisi de fermer son trois étoiles de Cancale, expliquant qu'»après vingt-six années de bonheur passées devant mes fourneaux, je rencontre une difficulté chaque jour plus grande d'assumer physiquement mes services quotidiens».

Une première

Plutôt que de fermer son établissement, Sébastien Bras, a lui choisi de le retirer du Michelin. Une première. Claire Dorland-Clauzel, membre du comité exécutif du groupe Michelin explique ainsi que «c'est la première fois qu'un chef nous demande de ne plus figurer dans le guide, nous en prenons acte et nous respectons, mais le retrait ne sera pas automatique». En effet, «le guide Michelin n'est pas fait pour les restaurateurs, mais pour les clients, son indépendance réside aussi dans l'attribution des distinctions».

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