Excellence Belge : Emmanuelle Béduneau, la reine des plumes

Membre de l’Office des artisans des métiers d’art du Hainaut et partenaire de l’Office du tourisme du pays des Lacs, cette artiste de 37 ans ébarbe, lisse et frise avec brio des plumes d’oiseaux pour créer des objets de décoration qui réenchantent le monde.

La Rédaction
Des diadèmes pour les mariages, des broches, un étui de plumes pour les chaussures… Des créateurs de mode viennent également consulter Emmanuelle Béduneau pour enrichir leurs nouvelles collections.
Des diadèmes pour les mariages, des broches, un étui de plumes pour les chaussures… Des créateurs de mode viennent également consulter Emmanuelle Béduneau pour enrichir leurs nouvelles collections. ©DR

Par Philippe Fiévet

Si l’on se fiait à sa seule voix juvénile, on penserait s’adresser à une toute jeune fille. Or Emmanuelle a déjà pas mal bourlingué dans sa vie, même si elle a gardé une âme d’enfant, celle d’une petite fille qui passait son temps à glaner des cailloux, des plumes et des coquillages sur la plage, en forêt ou au bord des sentiers.

Originaire des pays de la Loire, cette Française d’origine qui vit aujourd’hui à Ham-sur-Heure, où elle a son atelier et son jardin propice à l’inspiration, a longtemps vécu à Bruxelles. C’est là, à l’école supérieure de La Cambre, qu’elle effectue un master en design textile après avoir étudié le prototypage et le modélisme industriel au Lycée de la mode, à Paris. «J’ai toujours été attirée par l’artisanat, le design, le rapport à la matière, aux motifs, aux couleurs. Depuis mon enfance, je cultive une curiosité pour les matériaux souples et c’est tout naturellement que j’ai trouvé dans la plume celui qui me convenait, à la lisière entre le textile et mon rapport privilégié à la nature.»

En 2009, elle fait ses premières armes dans les ateliers de la maison Lemarié, parurier et maison de plumes parisienne travaillant pour Chanel, puis chez la plasticienne Lucile Bertrand, avant de compléter sa formation auprès du maître plumassier Dominique Pilliard, pour pouvoir jongler aussi bien avec les techniques à plat qu’en volume. La voilà fin prête pour fonder son propre studio, Analepse Felt Design. Après avoir eu un show-room dans la rue Saint-Christophe, elle confie aujourd’hui ses créations à la galerie Trenzart, chaussée de Waterloo.

Car depuis trois ans, Emmanuelle a déménagé à Ham-sur-Heure, où elle peut assouvir son besoin d’espace et donner libre cours à son inspiration animiste, qu’elle définit en une formule : «Donner un souffle de vie qui émanera d’un objet.» Elle s’explique : «Dans notre quotidien, dans notre maison, nous sommes entourés d’objets, de murs qui nous parlent. Ce dialogue, cet attachement unique, bien qu’évident pour nous, ne l’est pas pour tous. Nous déposons dans nos objets une charge d’émotions qui les anime, les éveille à la vie. J’aime que mes créations se heurtent à ce vivant, cet animisme, ces vibrations, qu’elles soient le substrat de murmures.»

La suspension « Athéna », composée de plumes d’oie teintes en noir et montées en soldats. Une manière de montrer que la plume peut se prêter à de subtiles créations
La suspension « Athéna », composée de plumes d’oie teintes en noir et montées en soldats. Une manière de montrer que la plume peut se prêter à de subtiles créations ©DR

Et sur ces derniers mots chargé de sens, elle nous renvoie à ses créations, des abat-jours, des revêtements pour sièges ou bureaux, des compositions et tableaux figuratifs ou non… Le tout exécuté uniquement à base de plumes d’oiseaux, avec une délicatesse exquise : plumes de poules, de paons, de perruches, de perroquets, de faisans de Lady Amherts et de Colchide, trouvées chez des éleveurs lors des mues saisonnières, ou encore des plumes sauvages glanées au cours de ses longues promenades. Sa suspension «Athéna», par exemple, est composée de plumes d’oie teintes en noir et montées en soldats. Une manière de montrer que la plume, souvent connotée romantisme ou carnaval, peut se prêter à des créations plus subtiles.

Emmanuelle travaille également le sur-mesure et entame alors un dialogue confidentiel avec ses clients et clientes, créant ici un diadème pour un mariage, là des broches ou un étui de plumes pour les chaussures. Des créateurs de mode viennent également la consulter pour enrichir leurs nouvelles collections. Mais la jeune femme a aussi d’autres cordes à son arc : elle travaille avec les marches folkloriques de la région pour le lavage, la restauration et la fabrication de plumets pour les coiffes et les costumes et, en tant qu’ornithologue, collabore avec Natagora, organisant des stages de découvertes de la plumasserie ou de sensibilisation aux oiseaux. Une démarche écosensible qui la pousse à remettre dans la nature ses déchets de plumes, que les oiseaux pourront récupérer pour faire leur nid.

Quant aux instruments dont elle a besoin pour son travail, elle les garde toujours à portée de main dans son sac. Ceux-ci sont conservés dans un plumier d’écolier, celui de son père, qu’elle garde en souvenir. On y trouve des ciseaux et un panel de couteaux pour ébarber, parer, tailler et friser les plumes, ainsi qu’une pince de plumasserie très fine, qui prolonge son bras et lui permet d’être très précise. Ses projets? «Je suis enceinte de mon deuxième enfant. C’est déjà un beau projet en soi! Mais je voudrais aussi développer la partie sur-mesure de mes activités en renforçant ma collaboration avec des créateurs de mode. J’envisage aussi travailler sur de grands revêtements muraux, à l’image de ce château en Allemagne où les murs d’une chambre tout entière sont tapissés de plumes, donnant une merveilleuse impression de velours. D’ailleurs, même le ciel de lit est composé de plumes. De quoi faire de beaux rêves!»

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