Excellences belges : Levures sauvages, autour d'un vrai bon pain
À la veille d’ouvrir son troisième comptoir à Villers-la-Ville, après ceux d’Uccle et de Montigny-le-Tilleul, Levures Sauvages entend poursuivre son irrésistible ascension. Le goût, la santé et l’environnement en sont les grands gagnants.
- Publié le 08-04-2023 à 12h33
- Mis à jour le 08-04-2023 à 12h54
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À 31 ans, Natacha Blanchart est en passe de réussir un fabuleux pari. Avec son mari Georgios Maïllis, mais aussi Luc -Boulet, issu d’une lignée de maîtres boulangers depuis cinq générations, et Cong Liu, l’épouse chinoise de celui-ci, la Carolorégienne est parvenue à convaincre les investisseurs de donner un coup de pouce à ce projet à quatre mains. Il dépasse de loin le plaisir de se nourrir sainement car « bien manger », dit-elle, « s’inscrit dans une démarche écologique globale ».
La jeune femme sait ce qu’elle veut et où elle va. « Notre quatuor est passionné par l’alimentation, et c’est dans ce cadre-là que nous nous sommes rencontrés lors d’un stage pour magnifier le pain et l’amener à son point de perfection. »
Pour se donner toutes les chances, elle convainc Luc Boulet, de retour de Chine, de ne pas rentrer dans sa France natale mais de rester en Belgique pour y changer le goût de la mie. Et d’expliquer minutieusement les étapes pour y parvenir, à commencer par le fait d’utiliser des semences paysannes, c’est-à-dire des sélections de blés d’avant 1930. Un moment charnière dans le monde de l’agriculture, où les États ont imposé des catalogues de blés dans une optique de productivité.
Levures Sauvages travaille en collaboration avec des agriculteurs wallons et du nord de la France qui partagent le même point de vue, bannissant la monoculture, l’usage des engrais et des pesticides de même que le retournement du sol, afin que la biodiversité soit préservée.
« Plus bio que ça, tu meurs ! C'est le terroir dans toute sa splendeur », lance Natacha Blanchart. De quoi assurer les qualités nutritives du seigle, du petit et du grand épeautre et de ce qu'on appelle « le blé de population », parce qu'il pousse en collectivité. Ce sont ces mêmes qualités nutritives qui sont préservées lors de la transformation, grâce aux meules de granit d'un moulin dit « Astrié », dont la lenteur de rotation évite aux farines de chauffer.
De même, les germes de blé sont préservés, ce qui donne une mouture grasse et naturelle, produite quotidiennement. Vient ensuite la fermentation au levain, qui facilite l'assimilation des nutriments par l'organisme. Un long processus de seize heures sans artifice, uniquement avec des levures sauvages. « C'est de là que vient le nom de nos enseignes. Comme je suis un peu somnambule, la nuit de mon stage, j'ai répété plusieurs fois ces mots en dormant. Mon mari a pris soin de les noter et le lendemain, au réveil, nous savions comment appeler nos boulangeries ! »
L'atout clé d'une réussite : l'utilisation de semences paysannes, c'est-à-dire des sélections de blés d'avant 1930, un moment charnière dans le monde de l'agriculture
La dernière étape pour aboutir à un pain hors norme est la cuisson, « dans un four à chauffe indirecte maçonné à l'ancienne par le dernier fabriquant du genre, David Chazal, qui est venu travailler deux mois dans notre atelier de production à Roux ». Et ce n'est pas tout, car le pain, ce n'est pas que de la farine, mais aussi du sel et de l'eau. Pour le sel, la boulangerie n'utilise pas de sel marin, mais terrestre. Quant à l'eau, elle est filtrée et biodynamisée grâce à un appareillage sophistiqué. Le résultat de toutes ces étapes est un pain développant une puissance aromatique incomparable, que la cuisson au feu de bois permet de conserver plus d'une semaine.
Aujourd’hui, Levures Sauvages propose neuf sortes de pain, dont les appellations proviennent du type de farine. On les trouve dans la boulangerie de Montigny-le-Tilleul depuis octobre 2020, à Uccle (807 chaussée d’Alsemberg) depuis le mois dernier, et à Villers-la-Ville dès ce mois d’avril.

D'autres suivront dans les prochains mois, à Bruxelles, à Waterloo, dans le centre de Charleroi et sans doute ailleurs ! Le pain n'est d'ailleurs pas la seule marque de fabrique de la boulangerie qui propose aussi des viennoiseries, des biscuits et des cakes à partir des mêmes farines soigneusement sélectionnées… en attendant le lancement prochain de pâtes artisanales. « Dans notre projet, nous visons également le secteur public, les écoles, les crèches et les hôpitaux. Chacun connaît ces horribles tartines de pain blanc qui ressemblent à des éponges et sont emballées dans du plastique. Or la santé commence avec ce que nous mangeons, et le pain fait partie des denrées principales. »
Pour Natacha Blanchart, il est temps de s’inscrire dans une démarche écologique globale, et elle aime rappeler que manger est un acte politique qui exerce un impact direct sur notre environnement.