Excellence Belge : « Ce que nous avons créé, ce sont les yeux de la voiture autonome »
Fruit du centre de recherche d’AGC à Gosselies, produit à Mol et lancé sur le marché international à partir de Louvain-la-Neuve, le pare-brise du futur naviguera bientôt sur nos routes.
- Publié le 19-02-2023 à 08h30
- Mis à jour le 15-03-2023 à 16h03
:focal(1495x1130:1505x1120)/cloudfront-eu-central-1.images.arcpublishing.com/ipmgroup/J7MDCM7VBVAY5P52MDUPBSFKYQ.jpg)
Celui qui a vu juste et plus loin que quiconque est ingénieur et a passé son doctorat en mécanique des fluides à l’UCL. En 2010, il entre chez AGC Glass Europe, leader mondial du verre pour bâtiments et voitures, où il a pour tâche d’étudier de plus près l’écoulement du verre en fusion dans les fours de production. Apparemment, ce travail ne lui donne pas de sueurs froides puisqu’il participe également à d’autres projets avant de trouver sa voie, toujours chez le même fabricant.
Son idée ? Lancer au sein de l'entreprise une « incubation factory » destinée à étudier un nouveau business model pour les branches automobiles. « Dans ce domaine, avec l'essor du véhicule électrique, du véhicule partagé et des voitures hyperconnectées, on est aujourd'hui au carrefour du changement », explique Quentin Fraselle.
Le voilà donc investi d'une nouvelle mission, portant sur l'utilisation du verre de haute technologie devant servir, à terme, aux véhicules autonomes. En 2018, il s'associe avec Yannick Sartenaer pour lancer sa start-up et, très vite, les deux intrapreneurs se voient allouer par AGC un important budget afin d'affiner leur projet et de trouver des clients. « Nous sommes partis avec notre petite valise d'échantillons à la Silicon Valley et en Floride, avant de participer au Consumer Electronics Show de Las Vegas. » L'affaire tourne rondement, et bénéficie d'un investissement global de 30 millions d'euros après avoir convaincu AGC Europe et Japon de s'embarquer dans l'aventure.

En cinq ans, des prototypes sont réalisés avec les clients concernés bien que, dans un premier temps, la technologie ne soit pas encore mûre pour des systèmes avancés d’assistance à la conduite et pour la conduite autonome. Les équipes de recherche travaillent d’arrache-pied car l’industrie automobile souhaite intégrer des capteurs à plusieurs endroits du véhicule, afin d’obtenir un champ de vision de 360 degrés.
Aujourd'hui, après avoir eu la bonne idée de présenter au salon de Las Vegas le squelette d'une voiture à taille réelle pour montrer aux visiteurs sa capacité à fournir des solutions adaptées à chaque configuration, Wideye est en mesure de commercialiser un verre intégrant des capteurs lidar de nouvelle génération à détection par infrarouges, qui remplacent en quelque sorte les yeux du conducteur. « Ce que nous avons créé, ce sont les yeux de la voiture autonome : Wideye fournit la cornée, c'est-à-dire le verre qui protège le capteur, et les fournisseurs de senseurs, la pupille. La demande en la matière est gigantesque, pas encore pour les véhicules autonomes, mais pour de nouvelles fonctionnalités d'assistance à la conduite, notamment le pilotage automatique sur les autoroutes ou le freinage d'urgence. »
Le verre de haute technologie doit servir, à terme, aux véhicules autonomes
Après avoir quitté la phase de recherche et développement et être passé à la production de masse sur un site d’AGC situé dans les environs de Rome, Quentin Fraselle peut annoncer, avec une pointe de satisfaction, que son pare-brise est fin prêt pour rouler sur nos routes. Ce qu’il fera cette année même puisqu’il équipera, en grande première, les véhicules d’une marque premium… dont le contrat de confidentialité ne permet pas encore de divulguer l’identité.
Par contre, le CEO dévoile avec plaisir le nombre de personnes travaillant chez Wideye : trente-cinq, avec pas mal de projets pour l'avenir. Sur le plan personnel, il va faire un « executive MBA » à HEC Paris, la meilleure école de commerce au monde, « afin d'élargir mon réseau au niveau international et de hisser Wideye au niveau du scaling-up ».
Quant à sa société, promise à un bel avenir, il entend bien lui trouver de nouveaux débouchés géographiques. « Après les États-Unis, certainement la Chine ! » En attendant, son équipe ne cache ni son plaisir, ni ses ambitions : « Notre expertise s'exporte très bien, et notre exemple montre à quel point nous sommes toujours capables d'innovation en Belgique. »