Les Rolling Stones : les secrets de leur business

En 1968, les Rolling Stones vendaient des millions de disques, tous leurs concerts étaient sold out, mais l’argent ne rentrait pas. Enfin pas dans leurs poches. Mick Jagger fit donc appel au prince Rupert Loewenstein…

Mick Jagger et Keith Richards en concert à Paris le 19 octobre 2017.
Mick Jagger et Keith Richards en concert à Paris le 19 octobre 2017. ©AFP or licensors

En 1968, les Rolling Stones vendaient des millions de disques, tous leurs concerts étaient sold out, mais l’argent ne rentrait pas. Enfin pas dans leurs poches. Mick Jagger fit donc appel au prince Rupert Loewenstein…

C’est devenu un moment que les fans les plus hard-core des Rolling Stones ne veulent pas manquer : l’atterrissage du Boeing737-400 du groupe dont le fuselage est recouvert par la célèbre langue rouge. Prévenus par on ne sait quel tam-tam mystérieux, ils guettent son arrivée en bord de piste. L’avion est assez récent ; ils voyageaient auparavant dans un Boeing767-200 dont ils ont dû se séparer car trop gourmand en kérosène. Mais l’intérieur est aménagé de la même façon : à l’avant, quatre cabines privées pour Mick, Charlie, Ron et Keith.

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À l’arrière, la configuration est plus classique, réservée aux accompagnants : musiciens, assistants, techniciens, copains, famille, avocats… Entre les deux sections est dressé un buffet où tout le monde peut se servir. L’avion posé, des limousines et des minibus viennent chercher ses occupants pour les amener directement dans la salle de contrôle des papiers et visas réservée aux VIP.

Le trajet de l'aéroport est également balisé à l'avance par les responsables de la sécurité des Rolling Stones. Qui ont parfois des problèmes particuliers à régler. Le lendemain d'un concert à Boston, en2005, alors qu'ils devaient repartir vers l'aéroport, ils apprirent que l'autoroute qui y mène était fermée en raison de l'arrivée du Premier ministre chinois. Le responsable trafic des Stones –eh oui, ils ont un Bison futé  rien que pour eux !– avait appelé le FBI qui, exceptionnellement (mais aussi en échange d'une vingtaine de billets pour leur prochain concert de Washington), autorisa leur convoi à emprunter l'axe fermé. La sécurité du Premier ministre chinois avait été avertie et on imagine les sourires de part et d'autre quand le convoi diplomatique, drapeaux chinois au vent, croisa celui des Stones qui arborait leur célèbre logo sur les vitres de leurs véhicules.

Mick Jagger sur scène à Paris, le 19 octobre 2017. © BELFA/AFP PHOTO/Patrick KOVARIK
Mick Jagger sur scène à Paris, le 19 octobre 2017. BELFA/AFP PHOTO/Patrick KOVARIK ©AFP or licensors

Si pour les Stones rien n’est impossible, c’est parce qu’ils sont toujours le groupe qui génère le plus d’argent et de spectateurs au monde. Pourtant, il n’en a pas toujours été ainsi. Si Mick Jagger n’avait pas fait la connaissance en1968 du prince Rupert Loewenstein, un grand aristocrate banquier britannique à qui il demanda de s’occuper de ses finances, il est vraisemblable que le groupe aurait croulé sous les dettes. Pourtant tout marchait, ils vendaient des millions de disques, tous leurs concerts étaient sold out… mais l’argent ne rentrait pas. Enfin pas dans leurs poches.

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Mal conseillés par leur premier manager, Andrew Oldham, ils étaient totalement ligotés par des contrats iniques signés avec Allen Klein, businessman américain qui gérait aussi les affaires des Beatles (sauf Paul McCartney, méfiant) et leur maison de disques d'alors, Decca. La situation financière des Stones était telle que, lorsque Jann Wenner, fondateur du magazine  Rolling Stone , proposa à son ami Mick Jagger d'acquérir 49 % des parts du journal pour 5 000  livres seulement, il ne les avait pas, ratant ainsi, selon Rupert Loewenstein, une des meilleures affaires de sa carrière. La première chose que le prince leur imposa fut de quitter l'Angleterre où leurs revenus étaient imposés entre 83 et 98 %. Certains, comme Charlie Watts, achetèrent des maisons dans le sud de la France. Le batteur possède d'ailleurs toujours la sienne près d'Alès. Keith, lui, refusa d'acheter la villa Nellcôte, à Villefranche-sur-Mer, investie en 1971 pour l'enregistrement d'« Exile on Main St. ». Elle lui avait été proposée pour 40 000  livres. C'était trop.

Aidé par le puissant cabinet d'avocats d'Ahmet Ertegün, fondateur du label Atlantic chez qui les Stones allaient bientôt enregistrer, et par l'avocat de Frank Sinatra, Mickey Rubin, le prince Rupert dut batailler dix-huit ans pour libérer ses clients et leur permettre de gérer enfin eux-mêmes leur carrière sans se faire spolier. « Même si j'ai fait des études à la London School of Economics, je ne suis pas un homme d'affaires retors et avisé, nous expliquait Mick Jagger il y a quinze ans. J'ai dû m'occuper des affaires du groupe quand personne d'autre ne le faisait, car tout le monde nous roulait. Comme ce n'est pas ma spécialité, j'ai cherché les bonnes personnes…» «  Je suis leur directeur de banque, leur psychiatre et leur nounou. Je m'entends très bien avec eux. La seule chose que je n'aime vraiment pas, c'est leur musique  », racontait à l'époque le prince Rupert Loewenstein, décédé en2014.

Mick Jagger et Ron Wood, le 19 octobre 2017. © BELGA/AFP PHOTO/PATRICK KOVARIK
Mick Jagger et Ron Wood, le 19 octobre 2017. BELGA/AFP PHOTO/PATRICK KOVARIK ©AFP or licensors

En1989, les Stones quittèrent leur légendaire producteur Bill Graham pour confier leurs tournées au Canadien Michael Cohl. Avec lui, ils allaient désormais toucher une somme forfaitaire pour chaque tournée et n'avaient plus à s'occuper de rien. Leur seule responsabilité était d'être présents le jour J pour assurer le concert. « C'était comme si je voyais mon amoureuse devenir pute », commenta amèrement Graham. Michael Cohl développa aussi le merchandising, doublant quasiment les revenus de chaque concert. Toujours sur les conseils du prince Rupert, les Rolling Stones créèrent quatrecompagnies séparées –Promopub, Promotone, Promotour et Musidor– qui allaient contrôler tous les aspects de leur business, les droits liés à leur musique, les concerts et les droits à l'image, toutes basées aux Pays-Bas, un État qui ne taxe pas les royalties. Une information qui ne manqua pas d'intéresser Bono qui y installa également les affaires de U2. En2006, les fortunes néerlandaises des Stones s'élevaient à 104millions de dollars pour Charlie Watts, 240 pour Keith Richards et 267 pour Mick Jagger. Les Pays-Bas ne sont pas que le paradis des fumeurs de joint…

La permanence de nuit n’est plus assurée pour les Stones car, passé une certaine heure, les septuagénaires préfèrent désormais faire dodo

Ces sommes astronomiques ne les mettent pas totalement à l’abri, tant leurs dépenses quotidiennes sont colossales. Mick possède une maison à Richmond, deux appartements et une maison à New York, une maison sur l’île Moustique, ainsi que le château de Fourchette, en Touraine. Keith a une maison à White Plains près de New York, un appartement à New York, une maison en Grande-Bretagne et une autre dans les Caraïbes. Quant à Charlie, il est propriétaire de sa maison d’Alès mais aussi d’un immense domaine dans le Surrey, en Angleterre, où son épouse dirige une écurie de chevaux de course. Et tous aident plutôt généreusement enfants (plus ou moins reconnus), petits-enfants et ex-compagnes. Ron Wood, lui, est moins à l’aise : il a perdu 10  millions de dollars en montant un club privé à Londres en2000, le Harrington, a connu un divorce ruineux après une aventure avec une jeune bimbo russe chercheuse d’or. Son train de vie dispendieux l’obligea à emprunter 500 000  dollars à Mick et Keith en2005.

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Le « Rolling Stones Circus » s'installe donc une nouvelle fois à Paris et va investir le GeorgeV. Ils y réservent dix suites (la présidentielle pour Mick), cinqjunior suites, vingtchambres de luxe et entre dix et trentechambres normales. L'équipe technique de cent vingtpersonnes est logée près de la salle. Cinqlimousines sont à la disposition des rockeurs la journée. Mais la permanence de nuit n'est plus assurée : cela revenait trop cher et ne servait à rien. Car, passé une certaine heure, les septuagénaires préfèrent désormais faire dodo.

Pour cette nouvelle tournée « No Filter » et ses troisconcerts parisiens qui se sont vendus en quelques minutes, tous les producteurs français s'affrontaient depuis deux ans. Gérard Drouot Productions croyait avoir emporté le morceau mais il s'est fait coiffer sur le poteau quand Jackie Lombard (Madonna, Prince, Dylan) a surenchéri à la dernière seconde, offrant au groupe un joli cachet de 7  millions de dollars. Dans ce genre de négociation, c'est toujours le dernier qui parle qui a raison.

guillement

Ce n'est pas une question d'âge, tant que je pourrai le faire et qu'il y aura des gens qui auront envie de m'entendre, je le ferai.

Evidemment, le succès de leurs tournées doit aussi beaucoup au fait que, depuis longtemps, le public se demande si ce n'est pas la dernière. À quel âge vont-ils s'arrêter ? Nous avions déjà posé la question à Keith Richards il y a dix ans, parions que la réponse serait la même aujourd'hui. « Ce n'est pas une question d'âge, tant que je pourrai le faire et qu'il y aura des gens qui auront envie de m'entendre, je le ferai. Où est le problème ? Louis Armstrong et John Lee Hooker ont joué jusqu'à la fin de leur vie et personne ne le leur a reproché ». Alors let's keep Rolling…

En concert les 22 et 25 octobre à Paris (U Arena).

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