Shakira : "J’aime assez l’idée d’être un instrument pour inciter les femmes à prendre le pouvoir"

Depuis bientôt vingt ans, elle affole les foules par ses clips érotiques et ses tubes endiablés. Nous l’avons rencontrée pour parler de son nouvel album, totalement dédié à son compagnon, le footballeur Geard Piqué.

La Rédaction
Benjamin Locoge
Shakira aux Grammy Awards à Las Vegas en 2011.
Shakira aux Grammy Awards à Las Vegas en 2011.

Paris Match : Vous avez mis trois ans avant de retrouver le chemin des studios. Que s'est-il passé?

Shakira:L'an passé, j'ai sorti un single en Amérique du Sud, "La bicicleta", qui n'avait pour une fois aucun enjeu. C'était un projet à part, qui est devenu le tube de l'été. J'ai compris que je pouvais sortir des chansons sans la pression de l'album, sans avoir besoin de passer un an et demi en studio à me poser des questions, à hésiter sur les chansons. J'ai donc pris mon téléphone pour annoncer à mon management que je ne ferais pas d'album, que je prendrais mon temps et qu'il fallait me laisser tranquille.

L'industrie de la musique fonctionnait ainsi dans les années 1960. Les Beatles sortaient des singles tous les trois mois…

Et les chansons étaient toutes magiques. On s'est perdu en devant produire beaucoup. Si on travaille titre par titre, on peut obtenir une vraie qualité à chaque fois.

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Pourtant, vous venez de sortir un album entier, El Dorado

Je crois que j'étais paniquée par l'idée de retourner en studio pendant des mois. Oui, j'avais envie de créer de nouvelles choses, mais je me sentais aussi coupable de ne pas passer assez de temps avec mon fils. Alors j'ai fait les choses à mon rythme, titre par titre, et la machine s'est remise en marche toute seule. Sans pression, sans plan à suivre ni comptes à rendre. Et évidemment j'ai réussi à passer du temps avec mes enfants tout en étant en studio. J'ai finalement été bien plus efficace cette fois-ci que pour certains autres disques. J'ai connu des séances qui démarraient à 16 heures et qui se terminaient à 4heures du matin. Pas cette fois. J'ai su adapter mon emploi du temps à ma vie de femme.

Shakira et Gerard Piqué en avril 2011. ©EPA/ALEJANDRO GARCIA
Shakira et Gerard Piqué en avril 2011. ©EPA/ALEJANDRO GARCIA

Vous vous êtes aussi libérée question textes. Vous racontez par exemple dans "Me enamoré !" votre coup de foudre pour votre compagnon, le footballeur Gerard Piqué. Pourquoi tout dire ?

Je n'ai pas choisi de tout dire, c'est juste venu ainsi. J'écris sans savoir si cela fera une chanson, c'est un processus cathartique, la seule manière que j'ai trouvée pour parler de mes sentiments et de mes émotions. Car en les écrivant, je les comprends. Donc quand un texte émerge, je ne me pose pas de questions. Je le laisse naître et ensuite je tire des plans sur la comète. [Elle rit.]

guillement

Gerard est ma source d'inspiration principale. C'est ma muse au masculin.

Gerard est malgré tout très présent dans vos chansons.

Mais je voulais parler de lui ! Il est la force motrice de ce disque, ma source d'inspiration principale. C'est ma muse au masculin. Chaque fois que je pense à lui, j'ai envie d'écrire une chanson. Etj'ai tellement de choses à dire sur lui que je ne peux pas les garder pour moi. [Elle rit.] Ce sont des documents de notre vie.

Comme "Coconut Tree", par exemple ?

Totalement ! C'est l'histoire de notre rencontre, de nos débuts de couple quand personne ne savait que nous sortions ensemble. Nous étions dans l'avion en route pour une île paradisiaque et personne n'était au courant. C'était le plus beau moment de ma vie, avant l'arrivée de nos enfants bien sûr ! Cet instant était si intense que j'ai eu envie de le partager. Mais je ne crois pas révéler quoi que ce soit de trop intime. Le principal, on le protège.

Vous vous affirmez comme une femme forte, qui prend les choses en main. Féministe ?

Chaque jour il y a de plus en plus de femmes qui prennent le contrôle de leur vie. J'aime assez l'idée d'être un instrument pour inciter les femmes à prendre le pouvoir, à atteindre des buts professionnels ou personnels. Si vous voulez donc me mettre dans la case des féministes, ça me va. Mais je ne me vois pas comme une orthodoxe de la cause des femmes.

©Sony Music
©Sony Music

Vous avez récemment fait le bonheur des réseaux sociaux avec la pochette de «Me enamoré!» où vous êtes couchée sur une branche d'un arbre. Vous vouliez changer votre image?

C'est une vraie photo, prise quand je suis tombée amoureuse de Gerard. J'étais tellement heureuse de l'avoir rencontré que j'embrassais littéralement tous les arbres que je croisais. Ce cliché faisait partie de mes images personnelles. Il me semblait tellement juste, reflétant parfaitement ce que je ressentais, que j'ai décidé de l'utiliser pour la pochette de mon single. Alors, oui, ce n'est peut-être pas la plus belle image de moi, certains ont dit que je n'avais plus les moyens de me payer un bon photographe. Mais peu importe, car c'est une photo sincère et vraie.

guillement

J'étais tellement heureuse d'avoir rencontré Gerard que j'embrassais littéralement tous les arbres que je croisais

Vous continuez cependant d'apparaître ultra sexy dans vos clips sous un jour, dénudée…

Je vous assure qu'avant chaque clip je dis à mon équipe: "Cette fois, je ne serai pas sexy". Mais je n'arrive pas à faire autrement. Même quand je suis à vélo, il paraît que je suis sexy, que voulez-vous que je vous dise de plus… [Elle rit.]

Avez-vous fait des concessions pour réussir ?

Non. Parfois, on m'a demandé de chanter en anglais un titre que j'avais écrit en espagnol, mais j'ai toujours refusé. C'est comme une sculpture taillée dans le marbre, vous ne pouvez pas remodeler l'intuition première. C'est comme ça, vous ne pouvez pas la retoucher. Les chansons ne se laissent pas modifier.

© BELGA/EPA/JON HRUSA
© BELGA/EPA/JON HRUSA

Vous êtes devenue un symbole national en Colombie, votre pays natal. Y retournez-vous souvent ? Vous sentez-vous une responsabilité vis-à-vis du peuple colombien ?

J'ai une vraie responsabilité. Comme tous les Colombiens. Parce que je sens mon pays battre en moi, à tout moment.

Va-t-il mieux ?

La paix est encore un projet à long terme. On peut y arriver si on avance tous dans le même sens. Et cela passe par le fait que tout le monde puisse avoir accès aux choses essentielles, la première étant l'éducation. Elle ne doit pas être un luxe, mais un droit. Il faut que tous les enfants aillent à l'école, pour comprendre que le pays peut prospérer. Les gamins d'aujourd'hui seront ceux qui prendront le contrôle de la société dans quinzeans. Nous devons faire en sorte que tout le monde pense de la même manière. La paix va au-delà d'une simple signature sur un bout de papier. Pour qu'elle existe, il faut qu'elle soit fondée sur des bases réelles. J'ai néanmoins l'impression que les choses vont mieux, que les dirigeants s'intéressent enfin aux problèmes sociaux, l'éducation est devenue un sujet dont on parle. Donc je suis plutôt confiante.

Êtes-vous la voix des militants de la paix ?

J'en suis l'une des voix, mais je ne suis pas la seule. Je suis née dans un pays qui ne connaissait que le conflit. J'ai grandi dans la guerre, et je n'ai vu que des injustices durant mon enfance et mon adolescence. Le fossé entre les riches et les pauvres était béant. Des millions de gamins ne pouvaient pas aller à l'école, parce qu'ils devaient aider leurs parents. Quel moyen avaient-ils pour sortir de la pauvreté ? Quelle était la stratégie politique ? Il n'y en avait pas. Mais la transformation est en train de se faire. Dans les zones où il n'y avait aucune infrastructure par exemple, le gouvernement, avec l'aide du secteur privé, a implanté des écoles, construit des routes, fourni l'eau potable et l'électricité. À Barranquilla, où je suis née, le changement est réel. Cela a aussi éloigné les gangs. Car quand une société nouvelle naît sous vos yeux, cela donne de l'espoir. Ce qui se passe en ce moment en Colombie est vraiment un miracle. Mais je parle trop, non ?

Shakira sera en concert le12 novembre à Anvers.

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