L'idole haïe, plongée dans le paradoxe Morrissey
«J’adore les Smiths, mais je déteste Morrissey». En miroir du ténébreux Johnny Marr, Morrissey, tempérament bouillonnant et beauté glacée. Aussi fascinant qu’irritant, le leader des Smiths divise et ne laisse personne indifférent. Portrait d’un (not so) charming man.
- Publié le 04-07-2017 à 17h00
- Mis à jour le 23-08-2017 à 18h07
:focal(1019x689.5:1029x679.5)/cloudfront-eu-central-1.images.arcpublishing.com/ipmgroup/6E4JZUFTRBDMXA67VEENWEPXNY.jpg)
Ce dimanche 2 juillet, England is Mine, le biopic consacré à Morrissey, a été projeté pour la première fois au Festival international du film d'Edimbourg. Le film, réalisé par Mark Gil, n'a pas reçu l'approbation officielle du chanteur, mais promet néanmoins de mettre en lumière son parcours incroyable, d'une enfance difficile à la célébrité en tant que leader antagoniste des Smiths. Car c'est là tout le paradoxe de Morrissey : quandson groupe rassemble et transcende, lui-même divise et aliène, à coups d'opinions borderline et de tirades sur scène. Devant son public, il semble habité par sa musique, ne communiant pas avec la foule rassemblée pour l'écouter. Tout juste s'il se contente de balancer l'une ou l'autre phrase bien sentie entre deux chansons, un de ses refrains préférés étant l'apologie agressive du végétarisme.
Lire aussi > FiftyFifty Session : Le secret de la stratégie de communication béton des jeunes artistes belges

The boy with the thorn in his side
N'a-t-il pas réussi à faire bannir la viande des Lokerse Feesten lors de sa venue au festival, lui qui est végétarien depuis l'enfance et qui a signé l'hymne engagé Meat is Murder ? Certaines de ses opinions sont toutefois plus difficiles à faire passer. Comme en mai dernier, quand il annonce que pour lui, Marine Le Pen a clairement remporté le débat contre Emmanuel Macron, et qu'il en profite pour souligner qu'on «ne peut plus avoir confiance dans les médias mainstream». Ou encore quand il transforme un hommage en message raciste, en diffusant un t-shirt où un portrait de James Baldwin, activiste noir de renom, est accompagné de paroles de chanson : «I wear black on the outside because I feel black on the inside»(«je porte du noir parce que je me sens noir à l'intérieur», ndlr). De quoi susciter un lever international de boucliers, et une condamnation sans appel de la part des Inrocks : «nouvelle absurdité effarante à ajouter au palmarès de l'auteur-compositeur britannique, sans doute perché au millième degré sur l'échelle du mauvais goût».
Bigmouth strikes again
Mauvais goût, Morrissey ? Il suffit de réécouter la poésie mélancolique des Smiths et d'admirer ses prestations flamboyantes au temps de la gloire des Smiths pour en douter. Cinq ans d'activité seulement pour le groupe originaire de Manchester, ce qui n'a pas empêché le magazine culte NME de les adouber «artistes les plus marquants de tous les temps» en 2002, devant les Beatles themselves. Marquant, cela ne fait aucun doute que Morrissey l'est, incarnation grandeur nature de son Bigmouth strikes again. Bigmouth envers et contre tous, jusqu'à l'écoeurement, comme quand il verse dans les pseudo théories du complot après les attentats de Manchester. Alors que la Grande-Bretagne pleure ses morts, Morrissey s'en prend au maire de Londres : «Sadiq Khan dit que Londres est uni avec Manchester mais il ne condamne pas l'Etat Islamique». Insultant, inutile. L'opposé même de sa musique.
Lire également > Anita Pallenberg, la rockstar des groupies

Viva Hate
Car avant les polémiques et les dérives racistes, Steven Patrick Morrissey n'était rien d'autre qu'un artiste passionné, dont la passion pour la littérature et l'humour noir mis en musique par Johnny Marr ont lancé un style qui continue aujourd'hui d'influencer le rock alternatif. The Queen is Dead, peut-être que l'enfant d'immigrés irlandais biberonné aux girl bands des 60saussi. En 1988, Morrissey n'avait-il d'ailleurs pas annoncé la couleur en sortant un premier album solo intitulé Viva Hate ? Pari réussi : sur les 18 200 000 mentions de son nom sur internet, plus de 2 000 000 sont associées au mot «haine». «Pourquoi je hais Morrissey», «5 raisons pour lesquelles les gens adorent haïr Morrissey»,… Qu'à cela ne tienne : Morrissey à mieux à faire que de se préoccuper de ceux qu'il préfèrerait de loin frapper.