Bios et beaux livres : Entertainment & royalty, de Proust à Johnny, femmes de combat, gotha à tout va

Entertainement et royalty: beaux livres, récit graphique, bios historiques. De l’écrasant Suppléantà une nouvelle décalée sur la princesse Joséphine, en passant par les liens entre Johnny et la Belgique, de jolis portraits royaux ou l’oeuvre nécessaire des psys sous les ors des palais… Zoom sur quelques parutions de ces derniers mois.

La princesse Élisabeth de Belgique (20 décembre 2022) et Johnny Hallyday (20 octobre 1962).
La princesse Élisabeth de Belgique (20 décembre 2022) et Johnny Hallyday (20 octobre 1962).

Récit graphique / Proust par le menu

Proust en images, Proust en manies du quotidien – courrier sur un plateau d'argent, fumigations pour traiter l'asthme… Épouse du chauffeur de Proust et gouvernante de l'écrivain de 1913 à sa mort en 1922, Céleste Albaret avait été encouragée par Proust à rédiger son journal, à consigner ses souvenirs. Elle finit par les publier quelques décennies plus tard, en 1973, dans un livre sobrement intitulé Monsieur Proust. Dans ce classique délicieux, friandise en soi, elle raconte ces infimes devoirs qu'elle assurait pour lui, elle dit les fringales, les minuties d'un écrivain. La fraîcheur d'un regard, la dévotion d'une belle âme. Le dandy issu de la bourgeoisie cultivée a guidé la provinciale sans formation, lui a tout appris. Elle a pris des notes aussi, et a inspiré le personnage de Françoise dans A la recherche du temps perdu. Ce bel ouvrage graphique, pour aficionados et novices, est l'adaptation des mémoires de Céleste, ce récit devenu culte. Les illustrations sont du dessinateur Stéphane Manel (Vogue, The New Yorker…), l'adaptation de la surdouée Corinne Maier, auteure, psychanalyste et économiste.

COUVPROUST

Monsieur Proust, de Céleste Albaret, dessins de Stéphane Manel, adapté par Corinne Maier, éd. Seghers. 256 p., 23.90 €.

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Bio-témoignage / Le Plat pays de Johnny

L’expo qui lui est consacrée est en cours au Heysel, à Bruxelles. Bientôt il aurait eu 80 ans. Jean-Philippe Smet aimait les frites mayonnaise, vouait un culte à Brel, et prononçait “puis” – “pouis” – à la wallonne. Il s’est produit souvent en Belgique. Avait, depuis quelques années, une suite favorite au Royal Windsor. Il connaissait Forest National mieux que quiconque. Johnny avait aussi une blessure. Ce père, belge, qui la abandonné et a multiplié les affronts. Tout cela et tant d’autres choses, Amélie Schildt, journaliste à RTL-TVI le raconte avec le regard frais, pur et juste d’une passionnée.

Au fil du temps, cette Française établie en Belgique, à moitié belge de cœur elle aussi, prendra de la bouteille. Et affinera sa connaissance du boss. Cette émotion de journaliste en herbe qui, à force de passion, finira par approcher son idole fait le charme de ce livre. Son écriture directe traduit cet engouement sincère, sans esbroufe. Il y a aussi ce mérite d’avoir rassemblé une multitude de détails concernant les affinités du monstre sacré avec ce voisin du nord de l’Hexagone qui le définissait à 50%.

Fan donc de Johnny devant l'éternel, Amélie Schildt réalise, le 3 décembre 2011, sa première interview du "fauve". Cela se passe au premier étage de la Tour Eiffel, entre petits fours et foie gras. À 11 heures du matin apparaît le maître, fatigué mais heureux de reprendre le flambeau après avoir "semé la Grande Faucheuse dans le couloirs du Cedars-Sinaï à Los Angeles". Il revient de loin. «Il n'accorde alors que deux interviews télévisées en face à face. L'une à TF1, l'autre à RTL-TVI (…) Du haut de mes vingt-sept ans, me voilà prête à affronter le Mythe. La Légende. Le Taulier.»Lorsqu'elle lui demande ce qu'évoque pour lui le mot "Belgique", il répond : "Mon père, qui est enterré à Bruxelles."

Poussée par quelques collègues loyaux, impressionnés par le culte qu’elle lui voue, elle le rencontrera ensuite à de multiples reprises, vivra les moments forts des dix dernières années de sa carrière. Elle fait dans son récit un zoom sur les racines belges de Johnny et sur sa famille paternelle issue en partie du Namurois, remettant en lumière aussi le travail d’un autre passionné qui lui fournit des bases: Eddy Przybylski. Le journaliste et auteur belge a construit au fil des ans un impressionnant travail de recherche généalogique sur la branche belge de Johnny.

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Jean-Philippe Smet fut élevé par Hélène, la sœur aînée de son père Léon. Hélène avait d’ailleurs également élevé ce dernier, orphelin de père. Une sorte de transmission symbolique. Léon aura quelque difficulté, pour le dire aimablement, à jouer le rôle protecteur que Johnny attend de lui. Cet homme-enfant, égocentré se montre plus que démissionnaire. Royalement nombriliste et magistralement absent.

Amélie Schildt est allée sur la tombe de Léon Smet à Schaerbeek. Elle souligne que lors des funérailles de ce père à la fois maudit et fantasmé, en 1989, Johnny avait été bouleversé de ne pas croiser une âme pour lui rendre hommage au cimetière.

Même si ce père l’avait souvent trahi, il s’était senti meurtri, paralysé face à tant de solitude, d’ostensible abandon. Ultime traumatisme infligé comme un pied de nez par ce père brut de décoffrage et d’un nombrilisme plombant. Johnny ignore alors qu’en réalité, ses équipes ont voulu le protéger des curieux, empêchant les badauds d’accéder à la tombe pour permettre au rocker de laisser s’emballer son coeur, de se recueillir dans une totale intimité, voire de verser une larme en paix.

Celle qui fut “une figure centrale dans la construction de Johnny”, sa tante Hélène, était actrice de cinéma muet. Elle a offert au gamin à la joue glabre l’accès à un univers artistique. Il commencera par la danse classique. Hélène conservait malgré le nomadisme qu’imposaient les tournées en Europe, cette “belgitude” que l’on retrouvait dans les “septante et nonante”, l’usage de belgicismes, certaines intonations, l’accent d’ici. Celui qu’aimera toujours Johnny.

Parmi ses affinités avec le plat pays, il y a l’admiration que vouait Johnny au grand Jacques, et leurs virées allumées. Une complicité qui s’était “épanouie” aux côtés d’autres figures mythiques comme Ventura lors du tournage de L’aventure c’est l’aventure.

L’expo Johnny Hallyday est en cours au Heysel à Bruxelles. Sa veuve, Laeticia devrait y revenir bientôt.
L’expo Johnny Hallyday est en cours au Heysel à Bruxelles. Sa veuve, Laeticia devrait y revenir bientôt.

L'auteure revient aussi sur un épisode qui fit vibrer la presse à potins. Ce scandale d'un Johnny imbibé qui montre ses fesse à un policier au Forum de Liège quelques décennies plus tôt.

Ou, plus costaude, la tempête médiatico-politique qui suivit la demande de nationalité belge introduite sur le tard par le chanteur. Devant la réticence des autorités belges, Johnny retira sa demande. Au-delà de l'intérêt fiscal de la démarche que d'aucuns soupçonnaient, il y avait, pour les fans, les vrais, une sincérité. Le goût de la Belgique, Johnny l'avait. Il s'y sentait bien.

Johnny et le public belge, c'est, souligne encore Amélie Schildt, "à la vie, à la mort".

En 2016, il se produit quelques jours après les attentats de Bruxelles, au Palais 12 du Heysel. Le concert avait été reporté à cause des attentats de Paris quelques mois plus tôt. Il suit ceux de Bruxelles mais le niveau d’alerte de l’Ocam (Organe de Coordination pour l’Analyse de la Menace) en Belgique a permis cette prestation. Devant un public moins dense qu’à l’accoutumée, le chanteur se montre heureux et ému, conscient du caractère historique et éprouvant de ce moment. De l’hôtel Windsor, il se rendra avec sa femme à pied à la Bourse pour rendre hommage aux victimes des attentats. Incognito ou presque. Il n’a prévenu qu’une personne, Alain Rolland, un photographe belge avec lequel il travaille régulièrement. Le couple ne s’attardera pas mais tient à être immortalisé sur les lieux.

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Amélie Schildt aborde au fil du livre plusieurs anecdotes personnelles. Elle a retrouvé dans la vidéothèque de RTL-TVI des images d’archives du père de Johnny. Une vidéo qu’elle dépose dans la boite de sa villa de Pacific Palisades avec un petit mot. «Le Taulier» est malade déjà.

Elle ira sur la tombe à Saint-Barth, le verra en concert trois à quatre fois par tournée. Partagera un repas dans une brasserie avec lui et ses équipes, un soir de novembre 2012, après un concert à Forest National. Parlera à Laeticia, qu’elle décrit comme pesant chaque mot, avec ces mots savamment pesés, ce phrasé qui lui rappelle le langage hautement diplomatique pratiqué par les reines.

À travers ce vécu, ce ressenti, elle bâtit un bouquin reprenant des pans de vie de la star belgo-française, avec justesse et, comme elle l’indique, “sans la prétention» d’apporter des informations scoopesques. C’est un hommage souligne-t-elle. Cet hommage simple, plein de fraîcheur, est entrecoupé de quelques photos – Johnny et Laeticia arrivant en jet privé à Bruxelles pour le concert du Stade roi Baudouin en 2003, etc.

L’auteure a rassemblé aussi, en fin de bouquin, une série d’adresses et de douceurs dont le chanteur était friand lorsqu’il était de passage en Belgique – des croquettes crevettes de chez Léon aux chocolats Godiva des galeries royales Saint-Hubert, en passant par les frites de chez Antoine, l’hôtel La Réserve à Knokke ou l’Anemos Beach Club. On y pratique le char à voile, un sport que, paraît-il, Johnny appréciait.

Johnny. La Belgique dans le sang, de Amélie Schildt. éd. HarperCollins, 155 p, 17 euros

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Nouvelle / « Ne me faites pas regretter de vous avoir parlé»

«C’était le 28 mai 1894. My Goodness, quel désastre, le mariage de Joséphine. Et ce menu! Good lord! Attendez, je l’ai sous les yeux, je l’ai retrouvé. Allo? Saumon à la sauce mayonnaise (à la sauce mayonnaise?), filet de bœuf à la gelée, poulet rôti à la gelée, tout à la gelée. (…) Heureusement, personne ou presque n’était venu. C’était d’ailleurs une maigre consolation pour la mère de la mariée, la comtesse de Flandre, qui, délaissant le temps d’une journée sa raideur allemande, n’avait cessé de sangloter tout au long des festivités. (…) Ce fiasco trouvera dès lors peu d’écho auprès des familles royales européennes, qui n’avaient pour la plupart même pas daigné y envoyer leurs seconds couteaux. (…) Sans les drapeaux belges qui claquaient au vent sur la façade, on aurait pu croire aux épousailles de deux petits commerçants un peu bourgeois, fades et vulgaires. Très ordinaires. (…)»

Belgiques

«Pour quelle revue travaillez-vous, redites-moi? Modern Society? Mais ou, bien sûr, je connais. Je vis à nouveau au Royaume-Uni depuis qu’on m’a signifié mon congé (…). ‘Allô, vous êtes encore là? Je vous assomme avec cette histoire, n’est- ce pas? Non? Vous êtes gentil. (…) Quel genre d’article écrivez-vous, déjà, rappelez-moi? Grandeur et décadence d’une princesse belge? Dites qu’elle a bénéficié de la meilleure éducation (…) mais qu’elle était rebelle, impétueuse comme un cheval cabré et que le destin se charge toujours de remettre une femmes à sa juste place(…) Oh Lord, il est déjà 19 heures? Je vous laisse mon cher. Ne me faites pas regretter de vous avoir parlé. Quand paraît l’article?»

Il fallait en produire un extrait. En parler serait dénaturer le monologue, délectable. Sous le titre Joséphine de Belgique, dans un recueil de nouvelles (*) publié il y a quelques mois, Myriam Leroy écrit, entre autres perles, cet ébouriffant récit narré à la première personne donc par une ex-gouvernante au langage poudré qui livre sa vision vacharde d'une Cour débridée à un scribouillard de passage. «Décrivez-moi comme une proche parente que vous ne voulez pas embarrasser.» Prince sans rire. Rose et noir. Poilant en diable.

(*) «Belgiques» est une collection de recueils de nouvelles. «Chaque livre, écrit par un seul auteur, est un portrait en mosaïque de la Belgique, un tableau impressionniste qui reflète une Belgique, celle de l'auteur».

«Belgiques», de Myriam Leroy, nouvelles, Ker éditions, 125 p., 12 euros.

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Essai / Monarchies et psy

«Peut-on s'allonger sur le divan d'un psychanalyste quand on est roi, prince héritier ou simplement altesse royale?(…) Les «cas» de Charlène de Monaco, de Diana, de Meghan et Harry, de Masako du Japon – et de tant d'autres – ne sont-ils pas révélateurs d'un certain malaise? (…) Entre crises de succession et crises de nerfs, pas si simple de garder toute sa tête quand on porte la couronne.» «Après tout, Charles III n'est pas sans faille…(…)(Et) William est-il un enfant roi?» s'interrogent notamment Thomas Pernette, journaliste à Point de vue et Virginie Megglé, psychanalyste, auteure d'ouvrages sur la dépendance affective et les liens familiaux.

À travers une série de chapitre (comme «Aînés contre cadets», «Chacun cherche sa place», ou l’éloquent «Toutes les familles royales sont psychologiques»), ils détaillent dans une langue alerte plusieurs exemples d’«altesses» en détresse à travers le globe, ces troisièmes roues du carrosse, qu’il s’agisse de pièces rapportées ou de simples cadets dans l’ombre de leurs aînés. Ceux qui pâtissent aussi d’une éducation distante, figée, déshumanisée.

Sont abordés, pour chaque cas de figure, les concepts psychologiques qui sous-tendent ces états d’âme souvent malvenus, mal perçus, ressentis comme l’apogée du luxe. Ces humeurs, troubles comportementaux, frustrations, prisons dorées et autres phobies qui animent ces fratries évoluant, vaille que vaille entre projecteurs brûlants et ombre fraîche. Qui se meuvent sous les dorures des palais ou parfois sous d’autres cieux. Le tout avec une éducation relevant la plupart du temps de critères d’un autre siècle.

Altesses

Thomas Pernette et Virginie Megglé abordent notamment le poids de la consanguinité «symptomatique de l'incapacité d'une famille à s'ouvrir sur l'extérieur, est sans nul doute un facteur déterminant dans l'apparition des troubles mentaux qui gangrènent les monarchies de la Belle Epoque. (…) » Il rappellent qu'«en ce XIXe siècle qui voit la naissance de Sigmund Freud (…) c'est toute l'Europe monarchique qui souffre et essouffle. (…) Se sentant menacées par des idées nouvelles, le vent des révolutions, tout ce qui est synonyme de progrès et de liberté, les dynasties régnantes s'accrochent au passé et continuent de s'affaiblir dans ds mariages consanguins… jusqu'à en perdre la tête! Dans ce registre, le mauvais exemple vient de Londres. Sur le trône depuis 1837, la reine Victoria est parvenue à marier vingt-six de ses petits-enfants aux meilleurs partis d'Europe. Un exploit dont les familles royales auraient pu se passer: porteuse de l'anomalie génétique à l'origine de hémophilie, Victoria condamne, du même coup, une partie de sa descendance. Cet entre-soi dangereuse est encouragé par des considérations d'ordre religieux. Ainsi, les Habsbourg refusent de s'unir avec des princes et princesses qui ne sont pas catholiques.»

Les contrastes entre les us et coutumes des monarchies selon le pays ou les habitudes familiales, sont parfois considérables. «Le modèle luxembourgeois» par exemple est un chapitre qui, en quelques paragraphes apaisants, renvoie inconsciemment à cette image d'Épinal: celle d'un pays verdoyant, avec en son cœur battant, cette ville bon teint scindée par le pont Adolphe. Où tout semble se faire dans un confort cosy, feutré. Mais aussi, nous l'avons éprouvé au Palais, un goût tout de même pour la médiatisation subtilement dosée. Tout cela s'opérant néanmoins «loin des fastes et des drames de Buckingham». Une «monarchie à taille humaine» dont, rappellent les auteurs, la devise est «Nous voulons rester ce que nous sommes.»

Cette seule phrase, si d'aventure on y voit l'existence même de l'institution monarchique, est en soi un sacré challenge.

Altesses en détresse. Quand les psys s'invitent chez les têtes couronnées. Thomas Pernette et Virginie Megglé, éd. Flammarion, 240 p.

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Portraits / Onze princesses

«Depuis 1831, la Belgique a connu onze filles de rois. Onze princesses de Laeken. Onze vies de roman (…) «Longtemps, les princesses ont été considérées comme de simples pièces sur l'échiquier monarchique, des promesses de belles alliances dans un monde d'hommes qui leur a le plus souvent coupé les ailes. (…) L'histoire royale est-elle machiste? (…) Comment expliquer les parcours tourmentés de ces femmes qui ont traversé autant d'épreuves au cours de leur vie ? Faut-il voir dans cette succession de drames un simple hasard, une malédiction ou la conséquence logique de leur éducation et de la place de la femme dans le dispositif institutionnel ? Je n'ai pas attendu le mouvement #MeToo pour regretter le mauvais traitement que l'histoire a souvent réservé à ce 'deuxième' sexe que l'on a longtemps qualifié de «faible» », note l'auteur. Patrick Weber est historien de l'art, scénariste de BD (dont une série historique à succès aux éditions Anspach*), romancier et journaliste (notamment à la RTBF). Il vit entre Bruxelles, Rome et Paris. Il emmène le lecteur dans ces villes, mais aussi à Vienne, Londres et Mexico.

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Cet observateur aguerri des monarchies raconte les vies de ces figures féminines avec un bel appétit. Il décrit

«la princesse Charlotte, qui fut impératrice du Mexique avant de sombrer dans la folie, la princesse Louise, qui fut emprisonnée pour avoir quitté son mari, la princesse Marie-José, reine d’Italie, la seule de la famille à tenir tête à Mussolini, Joséphine-Charlotte, mariée de force au prince de Luxembourg (…)».

On y retrouve bien sûr

Esmeralda, «la princesse libre», journaliste, écrivain, devenue la militante audacieuse et ardente que l’on sait, féministe, combattant notamment sur le terrain pour le climat au côté d’Extinction Rebellion ou en Amazonie en faveur des droits des peuples autochtones.

Il y a aussi sa sœur, Marie-Christine qui «fuit son château pour vivre ses choix de femme aux États-Unis». Astrid également , qui « réussit à trouver le bonheur dans sa famille» et mène avec fluidité les missions économiques princières. Ou encore Delphine qui «devint princesse après un long combat judiciaire», cette croisade d'une vie. Delphine qui a toujours laissé libre cours à son tempérament créatif.

Il y a enfin Élisabeth, future reine des Belges. Qui s’est frottée consciencieusement au terrain militaire après un parcours dans une école internationale huppée au Pays de Galles, et est aujourd’hui étudiante à Oxford.

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Dans un autre livre publié récemment, Patrick Weber évoque les destins des douze couple royaux "qui ont marqué l'histoire des régions qui forment la Belgique d'aujourd'hui", de Marie de Bourgogne et Maximilien de Habsboug à Philippe et Mathilde, «emmenant le lecteur de la Renaissance à l'époque contemporaine en passant par l'époque baroque ou l'empire napoléonien».

Il a aussi signé le scénario de la BD Ostende 1905, dessinée par Olivier Wozniak. Une intrigue où il est question de Léopold II, de sa compagne Blanche Delacroix et d'un certain James Ensor. Cette série historique des éditions Anspach, centrée sur la Belgique et basée sur le principe «un lieu, une date clé», propose des scénarios-enquêtes rythmés et une ligne claire à succès.

«Les princesses de Belgique», Patrick Weber, éd. Kennes.

«Les couples royaux de Belgique», Patrick Weber, éd. Kennes, 240 p., 24,90 €

«Ostende 1905», scénario Patrick Weber, dessins Olivier Wozniak, éditions Anspach.

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Portraits / Huit reines

“Elle n’est pas très mondaine, Fabiola, même si elle a fait son entrée en 1946, à ses 18 ans donc, dans le cercle des jeunes filles à marier. En 1952, elle fait refaire son nez qu’elle trouve trop busqué. Indépendante dans l’âme, Fabiola ne semble pas pressée de convoler, même si elle suit une formation au mariage en dix leçons en 1955 qui démontre sa grande aptitude en la matière. Depuis deux ans, elle est la dernière enfant à la maison, prenant doucement le chemin du célibat endurci.”

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À travers la synthèse historique et sociétale des parcours de ces figures féminines dont le rôle n’a jamais été écrit, Pierre De Vuyst, journaliste au Soir Mag, spécialisé dans la couverture de l’actualité royale depuis 25 ans, raconte la vie des sept reines «consorts» que la Belgique a pu compter. A cela s’ajoute le parcours de la jeune Élisabeth, fille aînée du roi Philippe et future reine «régnante». La première femme qui sera amenée à occuper le trône en Belgique. Son rôle apparaît dans la Constitution. Notre excellent confrère rappelle les investissements déjà nombreux de la jeune femme, encore étudiante à Oxford mais qui a fait ses armes aussi à l’École royale militaire.

Un travail de compilation, de portraits humains, vivants, dans lequel le journaliste, toujours précis, toujours juste, traduit avec une belle maîtrise cette passion qui l’anime de longue date pour les figures de la monarchie belge.

Reines de Belgique, De Louise-Marie à Élisabeth, Pierre De Vuyst. Éditions Luc Pire. 190 p., 22 euros.

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Autobio / «Spare»

Spare. Le Suppléant. «Ma vie dans l'ombre» aussi dans certaines traductions. Son visage en gros plan a mobilisé les attentions médiatiques durant quelques semaines en ce début d'année. Au-delà des révélations en cascade savamment distillée sur quelques chaînes privilégiées – américaine et britannique – le pavé dans la mare du prince Harry se laisse lire avec quelque bonheur. Car elle est, comme toutes les bonnes bios, truffée de détails, de ceux qui ne pourront, même avec un battage médiatique forcené, être traduits devant les caméras. J.R.Moehringer est un champion. Un maître dans l'art du rythme et de la mise en scène – entendons la capacité à donner du sens aussi à des propos parfois flous et que l'on imagine lancé de façon un peu décousue par l'homme-enfant qu'est Harry. Ce ghostwriter de compétition donne relief, sens et grâce parfois aux traits les plus candido-prosaïques de l'homme-enfant qui voulait rester ducMoehringer a fait un tabac déjà avec la biographie d'Agassi – cover aussi, avec un visage en gros plan. D'autres encore, de même que son propre récit de vie, avec des fractures qui ont pu le rapprocher de Harry. C'est une brique sacrément orchestrée, qui donne de l'ampleur souvent (quoique pas systématiquement) aux déclarations et souvenirs – confus à l'occasion – d'un jeune homme traumatisé par la vie. Il y a la ligne shaekespearienne, superbement évoquée par le New Yorker, qui, en quelques mots, considère que ce cri du coeur-pamphlet peut offrir le tableau «le plus approfondi depuis Hamlet » des trahisons royales et des perversions des courtisans qui officient dans l'ombre.

Si certains points ont été contestés – Harry s’en est défendu en précisant que la mémoire est faillible et que ses souvenirs lui appartiennent, même s’ils peuvent être parfois déformés par le prisme du temps ou du traumatisme, précisément -, l’ensemble tient la route par l’épaisseur et le sens que donne Moehringer au récit princier.

Il l’a peut-être aussi, qui sait, poussé parfois dans ses retranchements. Les passages guerriers – notamment le nombre de Talibans que Harry aurait occis depuis le ciel – ont été dénoncés par certains gradés du conflit en Afghanistan qui lui ont reproché d’une part cette forme de fanfaronnade mais aussi, à travers la révélation de certains points, une atteinte potentielle à la sécurité de ses pairs. C’est un des exemples flagrants de l’orientation du livre vers un public américain : les références au 11 Septembre, ce côté vétéran précisément, font sans doute vibrer davantage outre-Atlantique. Et le nombre de morts donc, qui évoque un blockbuster hollywoodien dans le sens le plus noble du terme néanmoins. Car les extraits lâchement relayés par la presse tabloïde anglo-saxonne ne disaient rien des propos de Harry sur la guerre, ou plutôt les déformaient. En détaillant ces pages, on perçoit le rôle crucial qu’a joué Moehringer dans le récit. Construisant ou resculptant les pistes mentales, morales, psychologiques qui ont amené le frère cadet du futur roi d’Angleterre à jouer la carte iconoclaste. L’émotion est là en divers endroits – c’est dans les extraits où il parle de sa mère qu’il est le plus émouvant. Mais aussi lorsqu’il évoque ces choix de vie précisément. L’armée qui s’est imposée en son temps. Ce vide sidéral qui semblait l’habiter.

On regrettera néanmoins que celui qui apparaît comme un éternel adolescent n’ait pu prendre un peu de hauteur pour universaliser ses futurs combats. S’engager, quoi. Dans l’armée, que nenni. Mais il pourrait faire de la révision d’un système médiéval un combat historique. Pour cela il faudra quitter le cocon des pensées intimistes, du foyer attendri, des rébellions si légitimes soient-elles pour rallier à ce grand oeuvre toutes les forces vives qui oeuvrent dans et autour de l’institution monarchique britannique. The Firme tremble mais ne cède pas. Les constats cinglants de Harry laisseront naturellement des traces. Il pourrait en faire usage pour une révolution de palais. Peut-être dans un tome II, qui sait.

Le Suppléant, prince Harry. Editions Fayard, 544 p., 26,50 €.

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Evocation / Queen of the queens

Il a décidé de «suivre Lilibet dans son dressing, sa chambre forte ou la banquette de sa Rolls-Royce.» D'évoquer «sous la robe guimauve ourlée de plomb, sous le chapeau fruité, sous les trois rangs de perles coulait un sang bleu et lacé», une «vraie héroïne».

Bertrand Deckers est belge, originaire de la région liégeoise. C’est un personnage fougueux, un bosseur aux allures d’angelot et à la verve douce. Auteur notamment d’une saga sur la dynastie des Romanov (Pygmalion), il sévit aujourd’hui dans l’émission TPMP de Cyril Hanouna où il résume en quelques mots attractifs les épisodes rocambolesques de la famille royale britannique qui n’en finit pas de captiver les foules.

Dans ce livre réalisé avant le décès de cette reine des reines qui le fascine, compilation nourrie d’anecdotes diverses et concrètes, présentées dans un joyeux éclectisme, il donne notamment quelques des conseils de savoir-vivre sous les ors de Buckingham, de protocole royal.

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Il y détaille ce qui fait le charme rutilant et poudré de cette institution devenue maître dans le merchandising. Dont le menu d'une cérémonie du thé – «Earl Grey, thé noir de Chine aromatisé à la bergamote avec un nuage de lait, issu de la laiterie royale et provenant des vachers Jersey qui paissent dans les pâturages des domaines agricoles du château.(…) Sandwiches au concombre, à l'œuf et a cresson au saumon fumé et à l'aneth, eau bœuf et à la ciboulette.»

Dans cet hommage à la fraîcheur juvénile, on trouve aussi la recette du chocolate biscuit cake. Et beaucoup d’enthousiasme pour cette reine du pop art, reproduite à l’infini par Warhol et quelques milliards de followers émus.

I Love Elizabeth II, Bertrand Deckers, éd. Robert Laffont, 440 p., 22,90 euros.

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Bio en flamand / Mathilde, 50 ans

C'est un ouvrage massif, en néerlandais, publié pour les 50 ans de la reine Mathilde et ses dix ans en tant que reine. C'est l'oeuvre des journalistes néerlandophones Brigitte Balfoort (qui avait déjà réalisé un livre pour les 40 ans de Mathilde) et Joëlle Vanden Houden. Ensemble elles avaient écrit «Prinsessen van België» – Princesses de Belgique (2020) et «Koninklijke Stijl» – Style royal (2021).

Les chapitres s’intitulent «Travail pour la Belgique», «Perfectionniste de coeur», «Un couple romantique» ou encore «Respect for privacy». Dense, simple, scrupuleux, il détaille notamment les missions économiques, visites d’État et visites de travail de Mathilde. Évoque sa rencontre avec Philippe. Son sens de la famille. Ainsi que ses tenues, colorées, graphiques, choisies en fonction d’un pays, d’une ambiance, d’un univers.

Un livre en «dur», à la fois formel, complet, institutionnel. Mais aussi généreusement illustré et criblé de références, dont des renvois à la presse, tant néerlandophone que francophone.

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Mathilde 50. 10 Jaar Koningin

, de Joëlle Vanden Houden, Brigitte Balfoort, éd. Houtekiet.

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