Geraldine Nakache : " J'ai fini par avouer à Agnès Jaoui combien j’aimais son travail "

Actrice-scénariste-réalisatrice, Géraldine Nakache passe peu à peu du rire, se montrant volontiers hilarante dans ses comédies et séries, aux larmes, multipliant désormais des rôles plus sombres. À l’affiche du film « Le Cours de la vie » du Belge Frédéric Sojcher, elle pose son regard sur la façon dont on bouscule notre vie.

Géraldine Nakache est une actrice, scénariste et réalisatrice française.
Géraldine Nakache est une actrice, scénariste et réalisatrice française. ©Philippe Quaisse / Pasco

Son premier film « Tout ce qui brille » a exposé une joie contagieuse, un sentiment de sororité qu’elle illustre de par son lien indéfectible avec sa brillante comparse Leïla Bekhti. Meilleure copine, femme sensible, maman ultra présente, Géraldine Nakache s’est fait un prénom et un nom. Et n’en renie pas pour autant l’admiration qu’elle voue à son illustre frère, Olivier Nakache.

Dans « Le Cours de la vie », elle joue la belle-sœur de Jonathan Zaccaï, directeur d’une école de cinéma, qui accueille pour une MasterClass son ex et amour regretté, la scénariste Agnès Jaoui. Le cinéma c’est la vie, le spectateur assiste alors à une partition où les choix peuvent se révéler lourds de conséquences.

Paris Match. Avez-vous le sentiment que les choses se sont accélérées ces derniers temps ?

Géraldine Nakache. Sans doute. Je me patine avec l’âge, les gens me proposent des projets plus divers. En ce qui concerne l’écriture, j’ai besoin de temps pour m’attaquer à un autre film, j’écris toujours en ce moment d’ailleurs. Mais il est vrai que je me diversifie et ne tourne plus seulement des comédies. Beaucoup me disent « Alors, tu tournes dans des fims d’auteur à présent ? » Comédie ou drame, j’ai toujours davantage envie de jouer, surtout à mon âge. Avancer dans la vie, devenir maman, vous porte vers des films qui portent un message ou font du bien aux gens, y compris en les faisant rire.

En fait, vous et votre bande de camarades, de Leïla Bekhti à Jonathan Cohen en passant par Pierre Niney et Adèle Exarchopoulos, mettez des paillettes dans la vie des gens.

Trop bien, j’adore ! Nous avons tous des vies plus ou moins compliquées, des deuils, des épreuves. Rire fait partie de mon éducation, mes parents avaient besoin de savoir que nous allions, mon frère et moi, regarder la vie en levant la tête vers le soleil. Tant mieux si j’arrive à faire briller le quotidien des gens, c’est que j’ai été bien élevée. Il m’est difficile d’en parler car quand vous avez été biberonnée à la joie et l’humour, vous ne vous posez pas la question. En revanche, j’arrive à reconnaître aujourd’hui, surtout en étant maman, ce que mes parents nous ont transmis. Ils nous ont appris à regarder, à écouter, à rêver. Il s’agit du sujet de mon premier film « Tout ce qui brille ». Ce qui nous intéresse, à mon frère et moi, ce sont les gens, je ne m’en lasserai jamais, que je sois réalisatrice ou actrice. Ce film « Le Cours de la vie » l’illustre très bien, à travers les mots d’Agnès Jaoui, dans ce qu’elle nous apprend de la vie et comment ne pas en avoir peur.

Qu’avez-vous ressenti en jouant un personnage dans une école de cinéma alors que vous êtes vous-même réalisatrice et scénariste ?

J’ai suivi les cours dans une fac de cinéma où j’ai appris les codes de l’écriture. Mais pendant ce film, j’ai encore continué à apprendre. Et pourtant il n’existe pas de recette. Suivre des MasterClass, aller au cinéma, lire des essais participe de l’apprentissage et permet de peaufiner notre regard. On n’a jamais fini d’apprendre à écrire. L’écriture peut se comparer à l’école de la vie, une façon de déceler l’exceptionnel en tout. Le cinéma est une affaire de point de vue, de regard. Donnez le scénario à quatre réalisateurs et vous n’aurez jamais le même film.

Comment ressentez-vous votre personnage qui observe, regarde et ne juge pas ?

Je le vois comme tout spectateur lambda qui justement observe. Alors qu’elle est régisseuse de cette école de cinéma, ce n’est pas dans son ADN de s’impliquer dans ce à quoi elle assiste. Vivant elle-même une période difficile et au regard de cette MasterClass, elle se dit que tout n’est pas gravé dans le marbre, que ce soit pour elle ou le reste de l’humanité. Les films qui ont été fondateurs pour moi m’ont permis de comprendre des choses essentielles.

Pour Géraldine Nakache : "L'idée n'est pas de vivre sans regrets mais de vivcre avec."
"L'idée n'est pas de vivre sans regrets mais de vivcre avec." ©DR

Quels sont ces films ?

Ils sont divers et variés. Les comédies que mon frère enregistrait sur des VHS comme « Rabbi Jacob » mais aussi les films de Jacques Demy, en passant par « La Haine » de Kassovitz qui m’a prouvé qu’il ne fallait pas que ça brille obligatoirement pour que ce soit du cinéma. Mais les chansons étaient aussi importantes, je suis née en 1980, l’époque des singles et des clips, je passais un temps infini dans ma chambre à écouter les disques que mes parents m’achetaient et à les apprendre par cœur. Ça allait de Mylène Farmer à Lio, là où mon frère était plutôt Cure ! Il m’en est resté quelque chose puisque j’adore pousser la chansonnette avec mes copines dont Leïla, les réseaux sociaux en témoignent.

Quel effet cela fait-il de se retrouver face à quelqu’un qu’on admire énormément, en l’occurrence Agnès Jaoui ?

Elle est un peu mon idole depuis longtemps, un modèle d’actrice mais aussi en tant que réalisatrice et scénariste. Ma productrice et amie Véronique Zerdoun, qui connaissait mon admiration, m’a donné le scénario du « Cours de la vie » sans qu’il y ait un rôle pour moi. Mais un rôle a été féminisé pour que je puisse l’incarner. Quand je me suis retrouvée le premier jour face à Agnès, j’en avais les mains moites. Moi qui n’ai jamais suivi de cours de comédie, j’avais peur qu’elle se rende compte de la supercherie. J’ai fini par lui avouer combien j’aimais son travail et elle s’est montrée tellement simple et bienveillante. Tout me parle chez elle, de ses colères à ses choix, j’ai savouré chaque minute de ces quelques jours de tournage.

« L’idée n’est pas de vivre sans regrets mais de vivre avec. »

L’amitié qui vous porte

Le film interroge sur comment ne pas passer à côté de sa vie. Est-il sincèrement possible de vivre sans regrets ?

L’idée n’est pas de vivre sans mais de vivre avec. En adoptant cette philosophie, je pense que tout peut s’éclairer, et paraître plus doux pour ceux et celles qui restent. Il est possible de trouver de la joie dans les douleurs les plus grandes comme le deuil. Et si ce n’est pas de la joie, qu’il y ait au moins du sens. J’ai des regrets mais les aspérités de l’existence nous font aussi avancer. Les chemins tout droits, les certitudes, très peu pour moi.

Quoi que certains en pensent, s’éclater et avoir des fous rires avec sa bande de potes sur un tournage exige-t-il beaucoup de travail ?

Énormément. Arriver sur le plateau de « LOL : Qui rit, sort ! », ou « Fiasco » que je suis en train de tourner, exige beaucoup de rigueur afin d’arriver à un niveau qualitatif. Mais il y a surtout un tel bonheur à travailler ensemble, je l’ai compris dès mon film avec Leïla, les gens que j’aime me portent. J’ai le sentiment que nous avons encore plus l’envie de nous plaire et de nous surpasser. C’est très galvanisant d’être fier de ses amis, qu’ils soient acteurs ou boulangère comme mon amie d’enfance. Et quand nous nous retrouvons chez Leïla ou moi, dans le canapé, il est très peu question de cinéma mais surtout de fous rires, et de peines parfois. Cependant, me retrouver dans un film entourée de gens que je ne connais pas me ravit tout autant.

À l’affiche du film « Le Cours de la vie » du Belge Frédéric Sojcher, Géraldine Nakache pose son regard sur la façon dont on bouscule notre vie.
À l’affiche du film « Le Cours de la vie » du Belge Frédéric Sojcher, elle pose son regard sur la façon dont on bouscule notre vie. ©DR

Êtes-vous une maman sereine ou très angoissée ?

Je suis inquiète et je culpabilise sans arrêt alors que j’ai peu de raisons de le faire puisque je suis sur la tête de ma fille en permanence ! Depuis que je l’ai, je ne tourne plus que des films pas loin de chez moi. Je suis incapable, à l’heure actuelle, de la laisser longtemps. Le cordon est bien là mais elle est encore très jeune. Les parents ont la chance aujourd’hui d’être mieux informés, de pouvoir se documenter, donc je reste vigilante quant à ce que je me dois d’apporter ou non à son éducation. Un jour, quelqu’un de dur et malveillant m’a dit « Géraldine, tu n’es pas sensible, tu fais de la sensiblerie ». Ce qui a été terrible en devenant maman car je le croyais. Mais j’ai compris que j’avais le droit de me montrer sensible, tout autant que les enfants. La sensibilité des enfants est précieuse, il convient de la considérer. Ce qui ne signifie pas de tout leur passer mais en tout cas de les entendre. Si vous grandissez en vous sentant écouté, vous évoluerez correctement.

Vous le voyez comment le cours de votre vie ?

En tant que bonne élève, j’aurais pu décider de poursuivre mes études mais j’ai choisi le cinéma, comme mon frère. Mes parents n’avaient pas les clés dans ce domaine, il a fallu se débrouiller. De toute façon, personne n’a jamais ces clés, ou alors les serrures changent. Nous avons grandi avec l’idée que tout était possible et c’était exceptionnel. Aujourd’hui, je vis ma meilleure vie, au-delà de ce que j’espérais.

Film : Le Cours de la vie » de Frédéric Sojcher avec Agnès Jaoui, Jonathan Zaccaï, Géraldine Nakache… En salles le 10 mai.

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