Marie Gillain : « Il n’est jamais trop tard pour rattraper les choses, pour faire une déclaration d’amour.... »
L’année 2023 s’annonce florissante pour la comédienne belge Marie Gillain. À l’affiche d’un film tendre et revigorant Les Choses simples, la voici sur les planches à Paris dans une comédie, et ce juste après un tournage en Tunisie et occupant les écrans dans Les Cadors. Plus lumineuse que jamais, Marie Gillain est à sa place.
- Publié le 12-02-2023 à 20h40
- Mis à jour le 13-02-2023 à 11h55
:focal(1495x2254:1505x2244)/cloudfront-eu-central-1.images.arcpublishing.com/ipmgroup/73E6BNIP5NAFBI2HV3AMPGGHGY.jpg)
Vincent, entrepreneur richissime et pressé tombe en panne avec sa voiture rutilante en pleine montagne. Pierre lui vient en aide, homme solitaire et bourru. Une rencontre qui transformera leur vie. Le réalisateur Éric Besnard livre avec Les Choses simples une comédie sentimentale qui décortique la complexité des rapports humains et des souffrances que l'on dissimule d'un air bravache. Marie Gillain s'impose, rayonnante, comme l'élément révélateur des émotions de chacun.
Paris Match. Passez-vous facilement d'un projet à l'autre ?
Marie Gillain. J'ai le sentiment d'avoir trouvé un rythme qui me plaît et me correspond bien. Il consiste à, quoi qu'il arrive, explorer la matière vivante de l'humain au travers de supports et de personnages variés. Passer d'un tournage en Tunisie avec Alexandre Arcady à une plongée dans un texte théâtral participe d'une exploration permanente sous des formes différentes.
Vous êtes actuellement sur scène, aux côtés de Pascal Elbé, dans la comédie de Salomé Lelouch Sur la tête des enfants. Des retrouvailles savoureuses ?
Le retour aux planches me remplit de bonheur. Dans un film, les comédiens sont les maillons d'une chaîne, d'un processus collectif. Le théâtre est aussi un processus totalement collectif mais le travail du comédien se retrouve au cœur de l'action. On commence par travailler le texte, les mots durant des semaines, constamment en ébullition, un luxe extraordinaire.
D'autant que le projet se développe sur la durée jusqu'au mois de mai et qu'une tournée est prévue, y compris en Belgique.
L'exercice exige une énergie et une concentration très intenses, il faut être au rendez-vous à chaque représentation. Le théâtre est à la fois l'art du lâcher-prise et l'art du contrôle. Je comprends mieux l'approche des athlètes sportifs car il faut faire attention à ses heures de sommeil, à sa nourriture, à la moindre contrariété, le tout dans un rythme complètement décalé. Mais l'esprit de troupe se révèle extraordinaire, Salomé Lelouch et Ludivine de Chastenet arrivent à apporter rigueur et décontraction. Quant à Pascal Elbé, drôle et attendrissant, il m'aide à former un cocktail détonant.
En parlant de cocktail détonant, celui que vous formez avec Grégory Gadebois dans Les Choses simples est pour le moins savoureux !
Cette rencontre a été pour moi une révélation. Grégory a cette chose très rare : quand il joue, il est pleinement là. Il possède cette ouverture totale à la situation, au partenaire. Une réelle vibration émane de lui, nous nous étonnions mutuellement. De me retrouver en haute montagne, avec toute l'équipe, en ayant notamment une scène très intense avec lui, a été un moment magique. Comme si tous les ingrédients avaient été réunis pour que, à l'instant T, plus rien n'existe d'autre.

Il ne faut pas oublier pour autant l'humour et la sensibilité de Lambert Wilson. Comment voyez-vous le film ? Comme une histoire d'amour, d'amitié, un feel good movie ?
Quand j'ai découvert le film terminé, j'ai été transportée par le duo formé par Grégory et Lambert, par sa profondeur. C'est aussi un film sur la solitude, le monde qui va trop vite, sur la détresse qui peut vous envahir face à tout ce qu'on attend de vous. Il faut tout le temps être efficace, brillant… Se retrouver dans un endroit apaisant, renouer avec l'écoute, effectuer un retour aux sources et à la simplicité des choses, d'où le titre du film, nous émeut tous. Cette histoire fait un bien fou car il nous renvoie à des priorités essentielles et parfois oubliées. Il n'est jamais trop tard pour rattraper les choses ni pour faire une déclaration d'amour. Les lâches ont le droit de devenir courageux.

Les racines de la simplicité
Qu'évoque pour vous le mot simplicité qui a l'air de vous définir malgré le succès ?
Je pense que cette impression de simplicité vient de mes racines et de ce qui m'a construit dans mon enfance. J'ai été entourée de beaucoup d'amour, de confiance et de liberté. J'ai grandi dans une ferme à la campagne, entourée de moutons, de poules et de nature. J'ai donc eu très tôt une capacité d'émerveillement et l'espace propice à ce que mon enfance puisse se déployer. Cette faculté d'émerveillement ne m'a pas quittée. J'ai sans doute une faculté à m'enraciner dans le concret. Si on en revient au titre du film, les choses simples ne le sont pas tant que ça, ce n'est pas donné à tout le monde de s'évader et vivre dans la montagne en pleine contemplation, la sérénité apparente peut aussi cacher une fuite. Ici, le plus citadin et arrogant a aussi une vérité à apporter à celui qui prétend avoir une vie simple tout en se mentant à lui-même.
« Il n'est jamais trop tard pour rattraper les choses ni pour faire une déclaration d'amour. »
Dit-on plus facilement les choses en amitié qu'en amour ?
Je n'ai pas de recette et, me concernant, ce serait plutôt le contraire. Dans une relation de couple qui dure, j'ai tendance à penser que l'autre devient un tel miroir de soi qu'il faut le préserver pour qu'il ne devienne pas une poubelle à émotions. Un couple c'est pouvoir se dire les choses mais sans heurter les blessures de l'autre. Par contre, j'ose moins en amitié, je ménage plus en raison de la distance, on ne vit pas avec ses amis ! Je vois l'amitié comme un bonus alors que le couple est un travail au quotidien.
Votre passion pour votre métier ne va-t-elle pas en grandissant ?
Sans doute parce qu'à un moment de ma vie je l'avais moins. J'ai connu des remises en question, les projets proposés ne me faisaient plus vibrer. Or, moins vous avez envie, moins vous suscitez le désir et moins on pense à vous. Mais quand la vibration est revenue, j'ai compris à quel point être comédienne était vital pour mon équilibre intime. Dès l'enfance, j'a eu besoin de faire travailler mon imaginaire, d'inventer des histoires. L'envie est aussi revenue du fait que mes enfants ont grandi. Comme j'ai tendance à être assez entière et à me faire un peu vampiriser, mon métier est le bon moyen pour me fixer des limites. Jouer est une sorte de baromètre intérieur qui me préserve. Ma vie d'actrice me donne la sève qui me fait me sentir épanouie et vivante. Du coup, je gère mieux ma vie de famille et de couple.
« La faculté d'émerveillement ne m'a pas quittée. »
Qu'est-ce que l'expérience vous a appris de vous-même ?
Quel que soit le domaine, femme ou homme, nous avons besoin de nous réaliser autrement que dans notre sphère familiale. Si nous misons tout sur notre casquette de parent et de compagne, nous n'avons aucun endroit qui nous est propre, on finit par s'épuiser et se perdre. C'est valable pour tout le monde.
Reconnaissez-vous un potentiel comique indéniable, que vous distillez selon les projets ?
Il est représentatif de mon parcours. J'ai commencé avec des rôles assez légers puis assez fors alors que j'étais très jeune. J'ai eu envie de me prouver à moi-même que je pouvais aller vers des rôles plus dramatiques avec des enjeux forts, que je n'étais plus la petite adolescente des débuts mais une femme, mère de deux enfants, qui avait d'autres choses à raconter. Le tournant majeur a été sans nul doute « La Vénus à la fourrure » au théâtre qui m'a permis de renouer avec une puissance émotionnelle sans limites (Molière de la Meilleure Comédienne en 2015. Là j'ai l'énergie de donner, de faire rire, d'aller loin. C'est comme un feu, une petite flamme qu'on ne doit jamais laisser s'éteindre. Reste le mystère des cycles de vie, il faut accepter d'en recommencer un.

Êtes-vous toujours engagée auprès de Plan Belgique ?
J'en suis toujours la marraine même si je suis moins active en ce moment. L'important est d'être présente pour les grands rendez-vous et leur faire confiance pour tout ce qui a été mis en place. Je suis là s'ils ont besoin de moi. Quand je suis devenue leur marraine, mes filles étaient encore assez petites.
Quel rêve s'approprier pour une très jeune fille en 2023 ?
Elles ont grandi avec des périodes pas toujours faciles liées à l'entrée dans l'adolescence, elles ont aujourd'hui 18 et 13 ans et ont, en toute logique, de nombreux questionnements. En tant que parent, ça prend toute la place car l'adolescence commence de plus en plus jeune, surtout dans une métropole comme Paris. J'apprends tous les jours de mes filles, leur monde m'échappe de par les réseaux sociaux, c'est compliqué de rester dans le coup ! Les enfants n'ont pas envie d'écouter vos avis ou vos expériences, ils ont juste besoin d'éprouver par eux-mêmes. Être parent c'est réussir à être au bon endroit, ne pas les envahir avec nos propres inquiétudes et offrir un cadre nécessaire. Je pourrais vous en parler pendant des heures. Quant à la place laissée au rêve, il s'agit de les aider à trouver un endroit de liberté et de passion. Ma fille de 13 ans s'est orientée vers le théâtre, là où elle peut lâcher ses émotions. J'ai envie de dire à tous les enfants « Trouve ton endroit, ton intérêt, peu importe le jugement des autres ». Certes, avoir des parents artistes (Marie est la compagne de l'acteur Christophe d'Esposti) peut devenir un poids.