Cri, set et match : Ce que dit la science sur les grognements des joueurs de tennis

Déstabilisant pour les uns, stimulant pour les autres, le grognement du joueur a ses raisons que le public ignore. Mais pas la science.

Josephine Christiaens
La Biélorusse Aryna Sabalenka dominée par l'Australienne Ashleigh Barty, lors de l'Australian Open, le 16 janvier 2018.
La Biélorusse Aryna Sabalenka dominée par l'Australienne Ashleigh Barty, lors de l'Australian Open, le 16 janvier 2018. ©AFP or licensors

Le débat restera sans doute éternel dans les coulisses de la petite balle jaune. Pourquoi les tennismen gémissent-ils sur le court ? La discussion est relancée en plein Australian Open, alors que la joueuse biélorusse Aryna Sabalenka – connue pour ses grognements particulièrement tapageurs – vient d'être battue par l'AustralienneAshleigh Barty, demeurée imperturbable face aux cris de son adversaire. «Je m'y attendais, j'étais préparée», a-t-elle déclaré après sa victoire.

Tantôt dans les aigus, tantôt dans les graves, nombreux sont les joueurs de tennis à lâcher un grognement plus ou moins sonore au moment de frapper la balle. Moquée pour ses cris par le public australien,Aryna Sabalenka est pourtant loin d'être la seule à cracher ses cordes vocales face au filet. Chez les femmes, Monica Seles, Maria Sharapova,Vicki Palmer, les sœurs Williams ou encore Victoria Azarenka. Côté hommes, Jimmy Connors, Andre Agassi ou Rafael Nadal. Tous figurent dans le classement des plus grandes voix du tennis.

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Déstabilisant pour les uns, stimulant pour les autres, le grognement du joueur a ses raisons que le public ignore. Parce que rien ne l’interdit dans les règles du jeu, la science s’est penchée sur le phénomène pour tenter de l’expliquer. Et parce que combiné à la performance du joueur, le grognement suscite depuis bien longtemps un intérêt pour la recherche.

Monica Seles à Roland Garros, le 26 mai 1992. AFP PHOTO / JEAN-LOUP GAUTREAU
Monica Seles à Roland Garros, le 26 mai 1992. AFP PHOTO / JEAN-LOUP GAUTREAU

Déstabiliser l’adversaire à tout cri

Dans un sport qui se joue beaucoup à l'ouïe, le cri peut aisément servir de technique piège pour biaiser l'adversaire. Une étude britannique parue en 2010 démontre queles grondements peuvent masquer d'importantes informations auditives, indispensables à la stratégie de l'opposant. D'après ses résultats, face aux rugissement de l'un, le temps de réaction de l'autre augmenterait d'un tiers, diminuant ses capacités à deviner où va partir la balle adverse.

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Qui dit moins de temps de préparation dit plus de pression… et donc moins de performance. Plusieurs joueurs professionnels ont d'ailleurs évoqué ce sentiment de déconcentration. Comme le rapportaitFrance Info, Ivan Lendlélevait la voix en 1998contre Andre Agassi :«Quand il lâchait un coup, son cri était bien plus fort que le bruit de la balle. Ça perturbait mon temps de réaction». Un cri qui serait donc savamment prémédité, voire exagéré, comme le dénonçait la joueuse danoiseCaroline Wozniacki :«Je pense que certaines joueuses grognentexprès en match, car elles restent silencieuses à l'entraînement».

Andre Agassi à Roland Garros, le 24 mai 2004. AFP PHOTO THOMAS COEX / AFP PHOTO / THOMAS COEX
Andre Agassi à Roland Garros, le 24 mai 2004. AFP PHOTO THOMAS COEX / AFP PHOTO / THOMAS COEX ©2004 AFP

Optimiser sa force de frappe

Si certaines suggestions manquent encore de preuves, on sait en revanche que crier fort, ça veut surtout dire frapper fort. Comme la rappelle The Guardian ce 18 janvier, des recherches ont montré qu'à partir d'un certain nombre de décibels, le cri peut augmenter entre 4 et 6% la vitesse de la balle. C'est imaginer la force de frappe de Maria Sharapova le jour où son cri fut mesuré à 101 décibels, le qualifiant «plus bruyant qu'une tondeuse à gazon». Et c'est peut-être parce que le cri fait toute la différence dans le coup de raquette que certains ne savent plus s'en passer.

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Des deux côtés du filet, le cri pourrait donc être considéré comme un moyen d’améliorer les performances et d’entraver d’une balle deux coups celles de son adversaire. Si chaque grognement est unique, certains sont justifiables (l’effort physique générant naturellement l’éclat de voix) face à d’autres à la limite du supportable.Quant à savoir s’il vaut mieux crier ou rester silencieux sur le court, la science n’a malheureusement pas encore déterminé le dosage parfait du cri équilibré. Mais vu le succès des «joueurs crieurs» – et parfois celui des silencieux -, un verdict serait peut-être sur le point de tomber…

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