Les énormes impacts des invasions biologiques
Les invasions biologiques bouleversent la biodiversité, elles affectent la santé humaine et elles coûtent très cher aux États. L’écologue Franck Courchamp (CNRS/ Université Paris-Saclay) appelle à plus de prévention et de coopération internationale.
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Publié le 07-05-2023 à 12h57
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Paris Match. Qu’est-ce qu’une invasion biologique ?
Franck Courchamp. Quand une espèce animale ou végétale est introduite par le biais d’activités humaines dans une région du monde où elle n’était originellement pas présente, elle est dite « exotique ». Et lorsque ces intruses s’établissent sur leur nouveau territoire, qu’elles s’y propagent et qu’elles en perturbent l’écosystème, on parle d’espèces exotiques envahissantes, ou d’invasion biologique. Encore trop méconnu par le grand public et sous-estimé par les décideurs politiques, ce mécanisme destructeur, au même titre que peuvent l’être le dérèglement climatique, la déforestation ou la pollution, a pourtant été mis en exergue par les scientifiques depuis plusieurs décennies. Il s’agit d’une des grandes causes d’extinction des espèces, de mise en péril de la biodiversité à l’échelle mondiale. De plus, les invasions biologiques ont d’énormes impacts négatifs, tant sur le plan économique que sanitaire.

Le cas de la perche du Nil n’est-il pas assez caractéristique de l’impact que peut avoir une invasion biologique sur la biodiversité ?
Tout à fait. Originaire d’Éthiopie, ce poisson d’eau douce fut introduit en 1954 dans le lac Victoria (Afrique de l’Est) afin d’augmenter les revenus des pêcheurs locaux. De ce point de vue, l’initiative humaine a sans doute été fructueuse. Mais en termes de biodiversité, le bilan est catastrophique : en moins d’un demi-siècle, quelque 300 espèces de poissons qui vivaient dans le lac depuis des millénaires, des cichlidés colorés que l’on trouve souvent dans les aquariums, ont disparu à jamais. Ils n’avaient aucune échappatoire, le lac étant un espace clos, et ne disposaient d’aucun comportement adapté pour échapper à ce nouveau prédateur fort gourmand. Leur anéantissement était donc inévitable. Si on parachutait des humains sur une île où, sans armes, ils devaient cohabiter avec un tyrannosaure, ils ne s’en sortiraient pas mieux. Bref, cette invasion du lac Victoria par la perche du Nil est considérée comme le plus grand événement d’extinction de vertébrés de l’histoire.
En Europe, avec l’écrevisse de Louisiane, la même cause, - la recherche d’une ressource lucrative par des humains - a provoqué des effets similaires...
L’écrevisse de Louisiane n’était initialement présente qu’au Mexique et dans le sud des États-Unis, et c’est en effet pour des raisons commerciales qu’elle a été introduite en France et en Espagne dans les années 1970 et 1980. Sa chair plaît aux consommateurs de crustacés. Cependant, elle a décimé les populations indigènes d’écrevisses, moins robustes, et a affecté gravement de nombreuses composantes des écosystèmes qu’elle a envahis, faisant disparaître massivement de la végétation aquatique et impactant fortement des populations d’insectes, de mollusques et d’amphibiens.

Certains lieux sont-ils plus menacés que d’autres par les invasions biologiques ?
Tous les territoires sont concernés, mais les îles sont plus menacées car elles ont un écosystème qui leur est propre. Sur celles-ci, les invasions biologiques sont la première source d’extinction des espèces. Elles peuvent être le fait d’animaux qui nous semblent tout à fait inoffensifs. On peut évoquer ces chats introduits par les hommes dans les Antilles, sur l’île de Molène, en Australie, sur les îles Kerguelen… Revenus à l’état sauvage dans un environnement sans prédateur naturel, ils se reproduisent en masse et finissent par représenter une menace pour la survie de nombreuses espèces insulaires, en particulier des oiseaux, des reptiles et des insectes.
Lire aussi : Faut-il reconnaître des droits à la nature pour sauver l'avenir ?Toutes les invasions causées par les humains ne sont pas nécessairement volontaires ?
Non, bien entendu. À cet égard, l’exemple du frelon asiatique est assez parlant. Une première femelle fécondée, venant de Chine, est arrivée en France en 2004. Elle a pu faire ce long voyage grâce aux humains qui l’ont transportée en bateau, installée dans une cargaison de poteries qui a été débarquée dans le port du Havre. Quelque temps plus tard, l’insecte était repéré dans le Lot-et-Garonne et, aujourd’hui, il est présent sur tout le territoire français et en Belgique. C’est l’invasion terrestre la plus rapide qu’on ait constatée. Elle est particulièrement préjudiciable pour les abeilles qui, sur notre continent, n’ont pas de stratégie de défense contre ce nouveau prédateur. Le frelon s’attaque aussi à d’autres insectes qui jouent un rôle essentiel de pollinisation. En conséquence, les rendements agricoles sont également affectés.

Des réactions en chaîne, comme ces dominos qui en font tomber d’autres ?
Oui, les écosystèmes sont comme des toiles d’araignée, toutes les espèces sont interdépendantes : vous touchez un élément et les autres suivent. Quand on ouvre l’horloge de grand-mère, on découvre une multitude d’engrenages liés les uns aux autres. On en retire un ? Tous les autres bougent. Et si on veut tout remettre en place, c’est impossible. L’arrivée d’une espèce invasive, c’est un nouveau rouage. Quand il force son entrée dans un système complexe, à l’équilibre subtil, cela dérègle tout.
« Ces insectes font de l’autostop, qu’ils profitent des moments d’arrêts sur les aires pour changer de véhicule »
Une petite mouche peut créer de grands dégâts ?
Bien sûr. Voyez la mouche méditerranéenne des fruits, qui est originaire d’Europe et envahit l’Amérique du Nord, l’Amérique du Sud et l’Océanie. Rien qu’aux États-Unis, les dégâts qu’elle occasionne aux cultures de pamplemousse équivalent à 900 millions de dollars par an. Plus près de chez nous, nombre d’insectes nouveaux venus sont tout aussi préoccupants. Par exemple, la noctuelle méditerranéenne, originaire d’Afrique : elle attaque des dizaines de plantes cultivées qui ont une importance économique. On sait qu’elle est déjà présente en Corse et on suspecte son arrivée en France continentale. Vu le réchauffement climatique, on pense qu’elle va coloniser l’Europe assez rapidement.
Lire aussi : Paroles de philosophes : « Il faut cesser de traiter les animaux comme des marchandises »À l’instar du moustique tigre ?
Cette autre espèce, qui est un vecteur de malaria, de fièvre jaune, de dengue et chikungunya, est en train d’envahir la France. On a déjà détecté ponctuellement sa présence en Belgique. Le moustique tigre a été repéré d’abord en Italie, à Gênes, dans une cargaison de vieux pneus. Il s’agit là d’un mode de transport clairement identifié pour les moustiques : il y a souvent de l’eau stagnante dans les pneus, c’est un milieu idéal pour les larves qui s’y installent. Certains modes de propagation sont vraiment surprenants. On a observé de petites concentrations de moustiques tigres sur les parkings des grands axes, avec la circonstance supplémentaire que ces populations progressent par grands bonds sur la carte. Il en découle que ces insectes font de l’autostop, qu’ils profitent des moments d’arrêts sur les aires pour changer de véhicule ! Ils progressent bien plus vite vers le nord en voiture que s’ils se contentaient de voler.

D’une manière plus générale, nombre d’espèces invasives sont des « produits dérivés » du commerce international et du tourisme ?
Oui, des insectes vont contaminer des transports de fruits ou de légumes, des cargaisons de bois. Des voyageurs vont transporter des graines sur leurs vêtements, dans leurs chaussures ou dans leurs valises. Il faut aussi prendre en compte toutes les importations volontaires d’animaux, de plantes ornementales. Des graines achetées sur le net sont plantées en toute inconscience dans les jardins. Lorsqu’elles sont pollinisées, elles investissent un nouvel écosystème et deviennent parfois envahissantes, menaçantes pour d’autres espèces. C’est le cas notamment des figuiers de Barbarie ou encore de nombreuses espèces de bambous. S’ajoutent à cela des gestes non responsables, ces personnes qui relâchent leur tortue de Floride, leur écureuil de Corée ou leur perruche à collier en pensant que ces animaux seront plus heureux en liberté. Mais non ! Ce n’est pas « leur » nature. Soit cela revient à les condamner, soit ils s’adaptent et on prend le risque de perturber l’écosystème, de mettre en péril des espèces natives.
On n’introduit pas impunément une nouvelle espèce dans la nature ?
Certainement pas. Intuitivement, on pourrait croire qu’on ne fait qu’ajouter une espèce. Mais le compte n’est pas bon. Finalement, il y a toujours une perte. Prenons l’exemple de l’écureuil gris qui, venu d’Amérique, colonise l’Angleterre. Il ne s’adjoint pas à l’écureuil roux qui était déjà présent, il le remplace ! Et cela se passe de la même manière en Italie et en Suisse : partout où l’écureuil gris se multiplie sans qu’on puisse l’arrêter, l’écureuil roux disparaît. De la même manière, les coccinelles asiatiques ont complètement supplanté les coccinelles européennes. Sans que les gens ne s’en aperçoivent car rien ne ressemble plus à une coccinelle qu’une autre coccinelle. Toutefois, les deux espèces n’ont pas le même impact sur l’écosystème.

On a effleuré la question sanitaire en parlant du moustique tigre, mais bien d’autres invasions biologiques peuvent être dangereuses pour la santé humaine…
On peut par exemple évoquer l’ambroisie, originaire du continent américain et introduite en Europe vers la fin du XIXe siècle, où elle devenue envahissante. Cette plante est problématique pour des millions d’Européens qui sont allergiques à son pollen. Elle affecte aussi les rendements agricoles. Des experts au niveau européen se sont regroupés pour tenter de contrôler cette invasion. Aux États-Unis, leurs confrères tentent d’éradiquer la fourmi de feu, originaire d’Amérique du Sud et qui a voyagé en squattant des cargaisons de marchandises. Ses piqûres sont extrêmement douloureuses et toxiques : chaque année, elles causent plus de 100 000 hospitalisations et quelque 100 morts par choc anaphylactique. Elle est aussi devenue envahissante en Australie. Son éradication est très compliquée, elle coûte cher : un milliard par an rien qu’aux États-Unis. En Europe, c’est la fourmi électrique, originaire d’Amérique du Sud et aux piqûres très urticantes, qui commence à implanter ses supercolonies. On l’a identifiée en Espagne mais aussi en France, en 2022, du côté de Toulon.
« Il y a près de 40 000 espèces exotiques envahissantes dans le monde, dont 20 000 rien qu’en Europe »
Les dégâts aux infrastructures ne sont-ils pas un autre pendant des invasions biologiques ?
C’est un aspect important du problème. La jacinthe d’eau, par exemple. Cette plante connaît l’une des croissances les plus rapides du règne végétal, soit plusieurs mètres par jour en certains lieux ! Originaire d’Amazonie, elle a été introduite par l’humain en d’autres endroits du monde pour son attrait esthétique. Désormais, elle est présente dans plus de cinquante pays sur les cinq continents, dont la France. Partout, elle a été placée sur la liste des espèces exotiques envahissantes, car elle est un véritable fléau pour les cours d’eau et les lacs. Elle flotte en surface et bloque la navigation. En se développant, elle finit par empêcher l’arrivée de la lumière et de l’oxygène dans l’eau, ce qui détruit la vie dans les profondeurs. L’éradiquer implique d’énormes dépenses. Dans le même ordre d’idée, on peut évoquer les dégâts occasionnés par les moules zébrées. Venues de la mer Caspienne, elles ont réussi à voyager sur des milliers de kilomètres en s’accrochant aux coques des bateaux. Elles forment des récifs compacts, s’infiltrent dans les canalisations pour finir par les boucher complètement. Elles sont devenues un problème particulièrement important en Amérique du Nord.

Vos recherches permettent d’estimer le coût des invasions biologiques. Le moins qu’on puisse dire, c’est que les montants en jeu sont extrêmement importants.
Non seulement ils sont très importants, mais ils vont croissant. De plus, ils sont largement sous-estimés. Il y a près de 40 000 espèces exotiques envahissantes dans le monde, dont 20 000 rien qu’en Europe. Ce n’est donc pas facile de mesurer leur impact global, et certainement pas sur le plan budgétaire. Toutefois, si l’on prend en compte toutes les études publiées ces cinquante dernières années sur les espèces invasives (1970-2020), on arrive à un coût global de 2 000 milliards de dollars, à charge des États, des collectivités mais aussi des particuliers : quand vous payez plus cher des fruits et légumes, c’est aussi à cause des pertes et du coût des contrôles liés aux espèces invasives.
« Les invasions biologiques, aux conséquences délétères sur la biodiversité et la santé, font aussi partie des catastrophes les plus coûteuses »
Deux mille milliards de dollars, c’est l’équivalent du plan Biden destiné à créer des millions d’emplois aux États-Unis.
Je vous propose un autre point de comparaison : en quarante ans (1980-2019), les tempêtes ont représenté un coût de 1 900 milliards de dollars, les tremblements de terre ont coûté 1 100 milliards, les feux de forêts 144 milliards. On le voit bien dans ces chiffres : bien que généralement ignorées par le grand public, les invasions biologiques, aux conséquences délétères sur la biodiversité et la santé, font aussi partie des catastrophes les plus coûteuses. D’ailleurs, le montant de 2 000 milliards de dollars est forcément très en dessous de la réalité, car les études que nous avons passées en revue n’évoquent que le sommet de l’iceberg. Le coût de la majeure partie des espèces exotiques envahissantes n’a tout simplement jamais été calculé, ou il ne l’a été que dans certains pays.
Lire aussi : L'homme, cette espèce animale parmi tant d'autresNe faut-il pas aussi tenir compte des coûts indirects des invasions biologiques, dans la mesure où elles favorisent la survenance d’autres catastrophes naturelles ?
De fait, les altérations des écosystèmes accroissent les risques d’inondations, d’incendies de forêt... On peut citer comme exemple ces animaux invasifs comme le crabe chinois et les écrevisses de Louisiane, qui fragilisent les berges des rivières, ou encore certaines plantes invasives telles que la renouée du Japon, qui intensifient les départs de feu par temps sec. Dans l’autre sens, les catastrophes liées au changement climatique – incendies de forêt, sécheresses, inondations – peuvent favoriser les invasions biologiques.

Impossible d’imaginer un monde où les humains ne circuleraient plus, où le commerce mondial serait interrompu... De plus, les espèces invasives sont innombrables, vous l’avez dit. Y-a-t-il moyen de lutter contre ce fléau ?
Oui, certainement. Les scientifiques cherchent à sensibiliser les décideurs politiques du monde entier depuis des décennies : il faut se préparer aux risques d’invasions biologiques comme on le fait pour les catastrophes naturelles. Quand on construit en zone sismique, par exemple, on trouve évident d’adapter les normes. En zone inondable, on fabrique des digues. Mais en matière de risque biologique, la plupart des États investissent bien trop peu dans la prévention. Celle-ci compte pour 1 % des 2 000 milliards dont je vous parlais. Avec une politique de contrôle, de coopération internationale et d’intervention rapide, bien des invasions biologiques pourraient être endiguées.
« Il faut une prise de conscience des décideurs politiques à l’échelle internationale »
Quatre-vingt-huit espèces d’animaux et de végétaux n’ont-elles pas été mises sur liste noire par l’Union européenne ?
Certes, mais cette liste est bien incomplète. On est dans une logique où l’on demande aux experts d’étudier les espèces les unes après les autres afin de vérifier si elles sont vraiment problématiques. Vu qu’il y a 20 000 espèces exotiques rien qu’en Europe, ce n’est pas très réaliste. En Nouvelle-Zélande, on préfère le principe de la liste blanche : aucune nouvelle espèce ne peut pénétrer sur le territoire s’il n’a pas été démontré préalablement qu’elle n’est pas envahissante.
Lire aussi : Incroyable: les chimpanzés sont capables de former des phrasesLe contrôle des marchandises qui arrivent dans un territoire ne résout évidemment pas tout…
Non, mais les Néo-Zélandais interviennent aussi très rapidement pour contenir tout problème naissant. Nous évoquions précédemment le cas de la fourmi de feu, dont la gestion coûte à peu près un milliard de dollars par an aux Américains. La même fourmi, par trois fois déjà, a été repérée en Nouvelle-Zélande et par trois fois, elle a été éliminée. On ne lui a pas laissé le temps de coloniser le territoire. C’est le parfait contre-exemple de ce qui s’est passé en Europe avec le frelon asiatique. Les premiers nids ont été rapidement localisés. La surface à contrôler n’était pas grande. On aurait pu le faire. On ne l’a pas fait. Résultat : l’invasion du frelon a pu commencer. Donc, une fois de plus, les mesures réactives visant à contenir une catastrophe déclarée coûteront bien plus cher à la collectivité. Les pertes pour les apiculteurs et les agriculteurs seront considérables. De plus, l’absence de réelle politique de prévention a d’autres conséquences difficilement quantifiables. Quand les frelons asiatiques font disparaître plusieurs espèces d’insectes pollinisateurs, quel est le prix cette perte ?

Comment faire mieux ?
Il faut une prise de conscience des décideurs politiques à l’échelle internationale. Des équipes d’interception spécialisées doivent être actives dans les ports et les aéroports afin d’inspecter les cargaisons de marchandises qui viennent des régions à risque. Nous avons aussi besoin d’équipes d’experts habilités à intervenir rapidement pour éradiquer les problèmes à la source. D’ailleurs, c’est exactement ce qu’il faudrait faire en ce moment pour éliminer le frelon oriental qui est arrivé, il y a quelques mois, dans le sud de la France. On sait où se trouvent ses nids. Qu’attend-on ? Une invasion du territoire qui, dans dix ans, sera devenue incontrôlable et sera très coûteuse, tant écologiquement qu’économiquement ?
Ce constat d’insuffisance de la prévention qui se répète à l’envi depuis des décennies est difficile à comprendre...
Croyez-moi, ce l’est bien plus encore pour un scientifique qui, comme moi, étudie les invasions biologiques depuis vingt ans. C’est frustrant.
Ne faudrait-il pas organiser une grande conférence internationale autour de ces enjeux ?
Cela se fait régulièrement au niveau des scientifiques, mais l’équivalent politique n’a pas encore eu lieu. Certes, il y a eu un précédent intéressant dont on pourrait s’inspirer : la Convention internationale sur les eaux de ballast. Afin d’optimiser leur navigation, de nombreux navires disposent d’un grand réservoir d’eau – le ballast – qu’ils remplissent avant leur départ et vident à leur arrivée. Ainsi donc, chaque année, des milliards de mètres cubes d’eau sont transportés d’un port à l’autre, sur des milliers de kilomètres. Bien évidemment, cette eau contient de la vie, des dizaines d’espèces exotiques. Depuis quelques années, grâce à cette convention passée sous l’égide de l’Organisation internationale maritime, les armateurs sont obligés de respecter un plan de gestion des eaux de ballast qui évite la perturbation des écosystèmes. On ne peut plus faire les relâchements n’importe où. Quand la volonté est là, il y a donc moyen d’avancer au niveau international. Un premier pas, ce serait qu’il y ait enfin une prise de conscience dans les opinions et les parlements des impacts très importants des invasions biologiques. Le prochain rapport d’évaluation des espèces exotiques envahissantes de la Plate-forme intergouvernementale scientifique et politique sur la biodiversité et les services écosystémiques (IPBES), prévu pour cet été 2023, y contribuera certainement.