Quand le Covid est sans fin : Valérie en souffre depuis 31 mois

Valérie Delcourt a rencontré le virus SARS-CoV-2 en octobre 2020. Après la phase commune de l’infection, elle a développé un « Covid long ». Trente et un mois plus tard, souffrant de symptômes neurologiques persistants, cette directrice d'un centre PMS n’a toujours pas pu reprendre le travail. « Quand elle s’installe au long cours, cette maladie équivaut à une mort sociale », témoigne-t-elle.

Dans le Namurois, en bord de Meuse, près de chez elle : « J’ai heureusement un tempérament assez résilient. Je ne veux pas me laisser abattre, même s’il m’arrive d’être envahie par le doute. »
Dans le Namurois, en bord de Meuse, près de chez elle : « J’ai heureusement un tempérament assez résilient. Je ne veux pas me laisser abattre, même s’il m’arrive d’être envahie par le doute. » ©Ronald Dersin

Paris Match. Qu’auriez-vous envie de dire de vous ?

Valérie Delcourt. J’ai 49 ans, je suis directrice d’un centre psychomédicosocial libre subsidié par la Fédération Wallonie-Bruxelles. Je suis aussi psychologue en indépendante complémentaire. Mais depuis l’automne 2020, époque où j’ai contracté le Covid, je suis en arrêt de travail. Moralement, ce n’est pas facile parce que j’adore mon job, parce qu’avant cette foutue maladie, j’étais une personne très dynamique, voire hyperactive. J’avais aussi une bonne hygiène de vie, je pratiquais le sport, de la randonnée surtout : chaque semaine, je marchais dix ou quinze kilomètres. Outre mes responsabilités professionnelles, je menais pleinement ma vie de famille tout en entretenant une vie sociale épanouissante. J’allais au cinéma, je voyais des amis et amies... Bref, c’était une belle existence. Je profitais pleinement de l’instant présent. Et, comment dirais-je, je me sentais toute-puissante. Rien ne pouvait m’arriver. Mais un virus est passé par là.

Dans quelles circonstances avez-vous été contaminée ?

Sans doute est-ce dans le cadre de mon activité professionnelle. Je voyais beaucoup de monde. À l’époque, il n’y avait pas encore de vaccin disponible. Finalement, la seule information objective sur cette contamination, c’est la date de mon test PCR positif, le 12 octobre 2020.

Avez-vous développé une forme aiguë du Covid ?

Pas vraiment. Je veux dire que je n’ai pas été hospitalisée. Bien sûr, j’étais très fatiguée. J’ai eu de la fièvre et des difficultés respiratoires relativement légères. Aussi, mon cœur s’emballait, j’avais des extrasystoles. Mais après quinze jours, j’ai eu l’impression que je commençais à me remettre. Je pensais alors que j’allais pouvoir reprendre une vie normale. J’avais un ardent désir de travailler et même si j’étais encore sous certificat, j’ai remis le pied à l’étrier. Je gérais mon équipe à distance.

Les longues randonnées avec des amies en forêt (Valérie est en rouge), c’était avant la rencontre avec le virus.
Les longues randonnées avec des amies en forêt (Valérie est en rouge), c’était avant la rencontre avec le virus. ©Doc

Vous étiez moins fatiguée ?

Non, je me sentais encore épuisée mais je me disais que, forcément, les choses allaient s’améliorer. Je me suis accrochée. Finalement, je n’ai pas renouvelé mon certificat médical. En fait, je niais la réalité, je refusais l’évidence. Il était patent que je ne parvenais pas à me retrouver : je rencontrais des difficultés d’organisation tout à fait inédites, je ne parvenais plus à planifier, à anticiper. J’étais dans le brouillard. J’ai appris à ce moment qu’une étude sur les personnes souffrant de symptômes persistants du Covid allait être entamée par une équipe de l’hôpital Brugmann à Bruxelles. Je me suis inscrite. On m’a fixé un rendez-vous au début février 2021. Je l’ai pris en me disant que je l’annulerais sans doute… Et puis, quelques jours plus tard, en pleine réunion de travail, j’ai eu un malaise, je me suis écroulée. L’évidence était là. Ce n’était plus possible de continuer. Mon cerveau était HS, j’embrouillais tout, je n’avais plus de mémoire, les mots s’envolaient, je les confondais. Quand je suis allée à Brugmann, j’ai pu mieux comprendre ce qui m’arrivait : je souffrais de symptômes divers liés à un Covid long. Cela allait sans doute durer quelques semaines encore, pensais-je. Mais voilà, en avril 2023, je n’en suis toujours pas sortie.

« C’est autre chose que de la fatigue, c’est de l’écrasement. Je suis en déficit total d’énergie »

Quel sont les symptômes les plus pénalisants ?

Les difficultés neurologiques. Je souffre d’un déficit d’inhibition latente. Autrement dit, mon cerveau peine à faire le tri quand il est soumis à des stimulations sensorielles. Toutes les informations sont traitées avec la même importance et c’est donc le capharnaüm dans ma tête. J’ai beaucoup de mal à rester longtemps concentrée. Si je suis autour d’une table avec plusieurs personnes, cela devient vite un enfer. Je dois me retirer, me mettre à l’abri. Il suffit que deux convives parlent en même temps pour que je sois en surcharge sur le plan cérébral. En de telles circonstances, il m’arrive de faire semblant de suivre les conversations. J’y parviens si cela ne dure pas trop longtemps. Les autres ne perçoivent pas toujours l’état dans lequel je suis. Ils ne savent pas nécessairement qu’après ces « épreuves sociales », je m’écroule, je fais des migraines, je suis lessivée. En vous parlant, je me rends compte que c’est assez compliqué de mettre des mots sur ce que je vis. En plus, j’ai souvent tendance à banaliser ce qu’est devenue ma vie. Ou plutôt, j’ai dû mal à dire ce qu’elle n’est plus. Peut-être que je me voile un peu la face, pour essayer d’avancer malgré tout.

Vos problèmes neurologiques ont-ils pu être objectivés ?

À Brugmann, une tomoscintigraphie a montré de multiples hypométabolismes dans plusieurs aires cérébrales. J’ai fait de la revalidation en neuro. Un an plus tard, le même examen n’a pas démontré d’amélioration notable : certaines plages d’hypométabolisme cérébral ont diminué, mais de nouvelles sont apparues et d’autres encore se sont étendues.

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Au-delà du brouillard mental, quels sont les autres symptômes dont vous souffrez ?

La très grosse fatigue est toujours là. En fait, c’est autre chose que de la fatigue, c’est de l’écrasement. Je suis en déficit total d’énergie, je dois doser tous mes efforts. Je souffre aussi de douleurs articulaires et musculaires. C’est comme si mes muscles n’étaient plus oxygénés. Parfois, j’essaye d’aller marcher. J’y arrive encore, mais je suis devenue très lente. Et puis il y a des moments d’immense faiblesse, il arrive souvent que je ne sache pas terminer une balade. Je dois m’arrêter, n’ayant plus de force. Comme je vous le disais, j’ai aussi rencontré des problèmes d’arythmie cardiaque, que je ne connaissais pas avant cette maladie. À un moment donné, mon nombre d’extrasystoles dépassait toutes les normes. En juillet 2021, cela a débouché sur une opération. Il s’agissait de cautériser un influx nerveux. De nombreuses publications scientifiques ont démontré que le Covid pouvait causer des pathologies cardiaques.

La fatigue permanente, ces difficultés à vous mouvoir, à vous concentrer, c’est comme si vous aviez pris vingt ans ?

Plus encore ! C’est une situation vraiment douloureuse, un handicap. Et les conséquences sont énormes sur le plan privé. Je ne parviens plus à gérer ma vie de famille. Faire des courses, c’est devenu un enfer parce que, l’air de rien, cette activité demande beaucoup de planification. En plus, il y a bien trop de bruits dans les magasins pour moi : à cause de mes problèmes neurologiques, une telle surstimulation sensorielle me désoriente complètement. Je ne vous parle pas des repas que je ne parviens plus à faire comme avant, de ma désorganisation complète en cuisine, laquelle se transforme souvent en véritable chantier. Heureusement, mon compagnon m’aide beaucoup.

"C’est une situation vraiment douloureuse, un handicap. Et les conséquences sont énormes sur le plan privé. Je ne parviens plus à gérer ma vie de famille." Ronald Dersin
"C’est une situation vraiment douloureuse, un handicap. Et les conséquences sont énormes sur le plan privé. Je ne parviens plus à gérer ma vie de famille." ©Ronald Dersin

Quel est l’impact de cette situation sur le plan psychologique ?

Mon moral roule sur des montagnes russes : je passe par des périodes où je pense que les choses peuvent encore avancer et ce sont des moments où je suis vraiment pleine d’espoir. Mais viennent les rechutes, et là je me dis que je ne m’en sortirai jamais. Ce qui pèse, c’est le sentiment d’isolement. En définitive, on se retrouve quand même bloqué chez soi. Quand cette maladie s’installe au long cours, elle équivaut à une mort sociale. Tout ce qui est restaurant, sorties ou cinéma appartient au passé. Même les repas de famille sont devenus compliqués : les enfants parlent, ils sont vivants, c’est formidable. Mais moi, je dois quitter la table parce qu’il y a trop d’informations à gérer. Des bruits normaux deviennent des nuisances. Le pire, c’est ce sentiment de ne plus être soi-même. Il faut se réapprivoiser. Faire le deuil d’un certain nombre de choses. Avant cette maladie, je me projetais souvent dans l’avenir. Je me disais que, plus tard, je serais une grand-mère fort active. Et voilà qu’aujourd’hui, bien trop tôt, je me trouve dans le corps d’une vieille dame qui souffre de mille maux liés à l’âge. Le Covid m’a déjà volé une partie de ma vie, il pourrait hypothéquer mon avenir.

Comment s’organisent vos journées ?

Je me lève relativement tôt. J’ai des séances de revalidation plusieurs fois par semaine, que ce soit en neuropsy ou en kiné. Ces exercices sont coûteux en énergie. Quand j’en reviens, je suis épuisée. Alors je ne fais plus rien de ma journée, je vais dormir. Certains jours, j’ai besoin de deux siestes. Ces derniers temps, je commence à n’en faire plus qu’une, mais elle peut durer environ une heure trente.

Ce n’est pas facile pour votre entourage ?

Mon compagnon et les enfants sont franchement incroyables. Ils sont solidaires. Maintenant, je vois bien que mon homme a le désir d’une vie sociale plus importante. C’est légitime. Je me force à ne pas tout refuser, quitte à annuler au dernier moment.

« Vu que mon absence s’éternise, un médecin-contrôle m’a parlé d’une possible mise à la pension. À 49 ans, vous imaginez ? »

Une vie « entre parenthèses » ?

Oui, c’est vraiment cela, mais j’ai heureusement un tempérament assez résilient. Je ne veux pas me laisser abattre, même si je me pose plein de questions, même s’il m’arrive d’être envahie par le doute. Par la colère, aussi. Vu que mon absence s’éternise, un médecin-contrôle m’a parlé d’une possible mise à la pension. À 49 ans, vous imaginez ? Clairement, ça fait peur. Et c’est aussi révoltant. C’est comme considérer que je ne me remettrai jamais. Je ne suis pas d’accord. Ce virus, on ne le connaît pas. Des traitements se profilent. On ne peut pas décider d’une inaptitude dans ces conditions. L’espoir que je puisse un jour reprendre mon activité professionnelle est essentiel pour mon moral

Des traitements se profilent, dites-vous ?

Les malades du Covid long échangent beaucoup sur les réseaux sociaux. Nous sommes en quelque sorte en veille permanente. Et, en effet, des pistes thérapeutiques apparaissent. Bien entendu, je veux rester prudente, je ne suis pas une scientifique. Mais il paraît que certains antiviraux améliorent beaucoup l’état de ceux qui les prennent. Cependant, ce n’est pas si simple. Par exemple, on parle beaucoup du Paxlovid, mais il s’avère que cette molécule peut avoir des effets secondaires néfastes au niveau rénal et hépatique, qu’elle peut être dangereuse quand elle interagit avec d’autres médicaments. Des études cliniques sont en cours aux États-Unis qui, je l’espère, permettront de trouver les bons dosages pour les personnes qui souffrent du Covid long. De toute façon, en Belgique, cet antiviral n’est délivrable qu’aux patients sévèrement immunodéprimés en phase de Covid aigu.

Mais le bruit court que des patients « Covid long » s’en procurent déjà ?

Cela ne m’étonne pas. Le désespoir de certains est si profond. Tellement de vies ont été bouleversées... D’ailleurs, les personnes qui souffrent du Covid long sont bien plus nombreuses qu’on ne le pense (NDLR : les données à cet égard manquent de précision. Selon les enquêtes épidémiologiques, 3 % à 40 % des personnes contaminées feraient un Covid long, dont les symptômes et la durée, varient d’un patient à l’autre). Je suis certaine qu’il y a aussi des gens qui souffrent de séquelles du Covid mais qui ne sont pas diagnostiquées. Trop de médecins ne font pas le lien entre une multiplicité de symptômes et les conséquences durables d’une infection par le SARS-CoV-2. Par conséquent, il arrive que des patients se retrouvent avec des diagnostics du genre burn-out, fibromyalgie, syndrome de fatigue chronique, que sais-je encore ? Il faudrait que les autorités sanitaires fassent mieux circuler l’information dans le public et le monde médical. Personnellement, j’ai trouvé un généraliste qui est à l’écoute, qui s’intéresse vraiment à cette nouvelle maladie. Il y en a quelques-uns comme lui en Wallonie et à Bruxelles. Il existe aussi quelques unités spécialisées « Covid long » dans différents centres hospitaliers. Je donne ce conseil aux personnes qui ne se remettent pas de leur Covid : si votre généraliste n’est pas au fait, il ne faut pas hésiter à frapper à d’autres portes. J’appartiens à un groupe Facebook (NDLR : « Covid long, nous existons, Belgique ») qui renseigne quelques adresses.

« Le Covid long prive les gens qui en souffrent d’énormément de choses, à tous les niveaux. Je ressens une sorte d’enfermement »

En tant que patiente « Covid long », qu’aimeriez- vous demander aux décideurs politiques ?

Ce qui est très troublant pour les malades, ce qui ajoute à leur désarroi, c’est un certain sentiment d’invisibilité. On ne parle pas assez de ce qui nous arrive. Outre le fait de contribuer à ce que le Covid long devienne un vrai sujet de débat, de le porter vers l’opinion, les décideurs politiques devraient le faire reconnaître comme une maladie grave et de longue durée.

Depuis juillet 2022, il y a tout de même le « trajet de soins post-Covid » personnalisé, qui permet aux patients d’avoir un accès remboursé par la sécurité sociale à différents thérapeutes de première ligne : kinésithérapeute, logopède, psychologue, neuropsychologue, diététicien, ergothérapeute…

C’est bien, mais ces pansements sont insuffisants. Ce que j’espère par-dessus tout, c’est de pouvoir bénéficier d’un médicament qui me remette en état de marche. On détecte la présence d’ARN viral chez beaucoup de malades du Covid long, comme si le virus était toujours actif dans nos corps à bas bruit. J’ai le sentiment qu’un jour, nous serons comme ces porteurs du VIH qui ont retrouvé une vie normale grâce à la prise de certains traitements qui ne font pas disparaître le virus, mais le rendent inopérant. Pour autant, je ne crache évidemment pas sur le trajet de soins. D’ailleurs, je fais de la kiné dans ce cadre, de même qu’un ergothérapeute m’a beaucoup aidée alors que je ne savais plus rien gérer au niveau administratif. Il est venu chez moi et m’a donné des trucs et astuces pour sortir un peu la tête de l’eau. Au niveau des psys, en revanche, c’est difficile de trouver de l’aide : on a droit à ceux qui sont conventionnés dans les réseaux de santé de chaque province, or ils sont en nombre insuffisant. Heureusement, en dehors de ce parcours de soins, j’ai pu trouver à Mont-Godinne des neuropsys sensibilisés à la problématique du Covid long. Bien sûr, il y a les unités spécialisées, mais celle que j’ai fréquentée était complètement débordée, ce qui influait sur la qualité de la prise en charge. D’expérience, je dirais que la médecine a une approche encore fort symptomatique, alors qu’on est dans une maladie multisystémique. Tant qu’il n’y a pas de traitement, beaucoup de médecins ont leur petite théorie. En fait, ils devraient travailler plus en équipes multidisciplinaires, pour entrevoir la toile d’araignée complète plutôt que de tirer sur un seul fil.

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Comment envisagez-vous l’avenir ?

Pour les Covids longs qui durent plus de douze mois, les rémissions spontanées sont extrêmement marginales. Dès lors, comme je l’ai déjà dit, je place beaucoup d’espoir dans un traitement. Je voudrais aussi être utile. Avec d’autres personnes concernées, nous voulons mettre sur pied une ASBL qui porterait nos revendications, notamment auprès des politiques. Bien entendu, dans l’état où se trouvent la plupart d’entre nous, ce n’est pas si facile. On avance lentement dans ce projet, à notre rythme.

Le Covid long n’est-il qu’une question de santé publique ?

Certainement pas, c’est aussi une question sociale. À mon sens, une catastrophe se dessine, même si on en parle peu. Il y a beaucoup de personnes qui n’ont plus l’occasion de travailler comme auparavant. Qui, peut-être, ne retrouveront jamais l’entièreté de leurs compétences. Des tas de gens comme moi sont arrêtés brutalement dans leur carrière et se retrouvent avec 60 % de leur salaire (NDLR : récemment, l’Institut économique Molinari soulignait dans un rapport sur les possibles impacts économiques durables du Covid long que « la persistance des effets du Covid chez certains travailleurs pourrait réduire significativement la croissance potentielle (retrait précoce du marché du travail, croissance moindre dans les secteurs exposés) tout en augmentant les charges collectives (dépenses de santé, retraites précoces…). Le risque existe que cette pandémie provoque un effet ciseau négatif pour nos économies et les finances publiques »). J’en fais l’expérience. On se précarise petit à petit. On gagne moins, avec des charges supplémentaires : rien que les vitamines et compléments alimentaires, c’est 150 à 200 euros par mois. Il faut également se déplacer chez les différents thérapeutes. Il y a aussi des malades plus jeunes, des personnes qui sont aux études, qui cherchaient un premier emploi juste avant le Covid, qui ont été coupées en plein élan.

Une ballade en vélo à la mer, avant le Covid long.
Une ballade en vélo à la mer, avant le Covid long. ©Doc

Avec le beau temps qui revient et les services d’urgences qui ne sont plus surchargés depuis longtemps, ces propos sur le Covid long ne sont-ils pas devenus inaudibles ?

Tellement de personnes ne savent pas ce qu’est cette maladie. J’ai tout de même envie de conseiller la prudence : le nouveau variant envoie moins à l’hôpital, mais on peut encore faire un Covid long après avoir été contaminé plusieurs fois précédemment. Franchement, je ne souhaite cela à personne.

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Vous semblez vous cabrer alors que vous nous parlez de ces enjeux ?

Oui, je suis en colère par rapport aux enjeux de prévention et de reconnaissance de cette maladie. Cela me mobilise très fort. Quand j’entends qu’on peut tout laisser aller, par exemple ne plus se préoccuper de la question de la qualité de l’air dans les espaces publics fermés, je fulmine. Quand j’entends dire que le Covid long, ce n’est pas si grave, je suis estomaquée. Je voudrais qu’on sache que cette maladie touche notamment des personnes qui se trouvaient auparavant en très bonne santé. Des personnes comme moi qui se croyaient invincibles. Croyez-moi, aujourd’hui, j’ai beaucoup plus d’humilité. Je ne dis pas qu’il faut réglementer la vie des gens par rapport à ce risque, mais ne pourrait-on pas plus les informer ?

Rêvez-vous de redevenir celle que vous étiez ?

Non, je ne voudrais pas redevenir exactement celle que j’étais. C’est peut-être la petite lumière qui est apparue dans ce long tunnel : j’ai compris que mon hyperactivité était excessive. J’ai appris à prendre le temps, à en offrir à mes proches. Mais il y a aussi tout ce que je voudrais récupérer : pouvoir faire de la randonnée comme autrefois, relire un livre, écouter à nouveau de la musique ou voir l’entièreté d’un film ou d’une série… Il s’agit d’activités assez basiques, mais mes problèmes neurologiques m’en privent. Il y a quelques mois, j’étais tellement épuisée que le neuropsychologue m’a prescrit de m’extraire de ma famille pendant une petite semaine. L’idée était de trouver un repos complet, sans stimulations, sans avoir à gérer de problèmes d’organisation. Il m’en demandait beaucoup ! Je trouve que cela n’est pas rien de devoir se soustraire à sa famille pour tenter d’aller mieux. Au niveau symbolique, c’est quand même assez costaud. Soit. Je me suis retrouvée seule dans un appartement, me disant : « Je vais faire des choses uniquement pour moi, je vais enfin me reposer. » Et puis j’ai cherché ce petit peu qui aurait pu m’occuper. Néant ! Le vide total. Toute activité me demandait trop de concentration. À part dormir, je ne trouvais rien. Finalement, j’étais encore plus mal sur le plan psychologique. Je me demandais ce que je faisais là, seule avec mon chien. C’est lui qui m’a aidé : vaille que vaille, il fallait bien que j’aille le promener, à moins que ce ne soit l’inverse. Ce fut finalement mon seul loisir, car c’est celui qui me demandait le moins d’énergie mentale. Le Covid long prive les gens qui en souffrent d’énormément de choses, à tous les niveaux. Je ressens une sorte d’enfermement.

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