Procès Reuzegom : Symbole de la montée de l'intolérance et du racisme en Flandre

Une sale affaire mobilise la Flandre ces derniers jours.

Sanda voulait prouver qu’en travaillant dur, tout était possible… A droite, l’avocat Sven Mary et Ousmane Dia, le père de Sanda.
Sanda voulait prouver qu’en travaillant dur, tout était possible… A droite, l’avocat Sven Mary et Ousmane Dia, le père de Sanda.

Le procès Reuzegom ne vous dit peut-être pas grand-chose, et c’est bien normal parce que nous vivons, Flamands et francophones, souvent sur des planètes médiatiques différentes. Cette affaire devrait pourtant tous nous toucher, tant ce qu’elle véhicule est exemplatif d’une haine ordinaire et banalisée de l’étranger, de celui qui a une autre couleur de peau que la nôtre. Cela se passe à Anvers et un garçon est mort parce qu’il était différent : il s’appelait Sanda Dia, il avait 18 ans. C’était le 5 décembre 2018.

Reuzegom est le nom d’un club universitaire d’enfants riches, connu pour ses penchants racistes. Mais Sanda Dia voulait absolument en faire partie. Brillant élève à la KUL à Leuven, il ne rêvait que d’une seule chose, comme l’a raconté son frère lors du dernier jour du procès qui se tient à Hasselt : être heureux et prouver qu’en travaillant dur, tout était possible. Il voulait donc absolument intégrer la petite bande universitaire du Reuzegom, composée d’enfants nantis de la banlieue anversoise, afin d’en être, et de montrer qu’il était quelqu’un, lui qui était noir de peau. Il y a mis toute son énergie, malgré les vexations et humiliations racistes de la part d’autres membres du club.

La journée de l’enfer

Le 4 décembre 2018, aux abords d’un chalet près d’Anvers, le bizutage, le sas d’entrée de Sanda dans le club, est particulièrement violent. On le fait boire, on l’humilie, il fait glacial dehors, on le coince dans un puits, on le force à ingérer encore davantage d’alcool et de l’huile de poisson, pour l’humilier. Quand les bizuteurs le sortent de son trou, la température corporelle de Sanda n’est plus que de 28 degrés. Il décèdera le 5 décembre à l’hôpital.

Depuis, deux thèses s’affrontent et divisent toute la Flandre. La première veut que Sanda a participé à un bizutage et que – grosso modo – il devait savoir que cela comportait des risques. L’autre thèse, relayée par les parents de Sanda, défendus avec brio par l’avocat Sven Mary, est qu’il y a eu un acharnement particulier contre lui en raison de la couleur de sa peau. Un homicide aggravé par des circonstances à caractère raciste.

Dans une Flandre où le Vlaams Belang fait plus de 30 % d’intentions de votes dans les derniers sondages, l’affaire ne laisse pas indifférent, d’autant que le procès a été délocalisé d’Anvers à Hasselt pour éviter des interférences de la part de magistrats trop proches du cercle Reuzegom.

Dans un éditorial qu’il a récemment consacré à l’affaire, le New York Times a pointé cette affaire comme exemplative de l’intolérance et du racisme qui monte en Flandre et en Belgique. On ferait bien de se regarder dans le miroir que nous tend le NYT. L’image renvoyée est d’une tristesse infinie.

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