Allergies saisonnières : "C'est le prix à payer pour une vie plus longue"
Attention pollens en masse dans l’air ! Le nez qui coule, les yeux qui piquent, éternuements intempestifs… Qu’elles soient respiratoires ou alimentaires, les allergies touchent de plus en plus de personnes. Si elles peuvent nous empoisonner la vie, elles ont pu également la prolonger.
Publié le 19-05-2022 à 12h11 - Mis à jour le 09-06-2022 à 10h33
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L'arrivée du printemps signifie, pour certains, les premiers barbecues, les premiers pique-niques dans le parc, les premières balades entourées de fleurs. Pour d'autres, l'arrivée du beau temps est synonyme d'enfer. Éternuements intempestifs, obstruction nasale continue, conjonctivite qui rend parfois la vision très difficile… L'allergie au pollen dérange, fatigue et touche surtout de plus en plus de personnes.
Pour Olivier Michel, responsable de la clinique d'Immuno-allergologie du Centre hospitalier universitaire Brugmann, l'allergie, «en particulier au pollen», se présente comme «une vraie épidémie». Pas dans le sens infectieux du terme, mais parce que ce sont «des maladies dont l'augmentation au cours du temps est rapide ». Mais pourquoi une telle propagation ? Les personnes allergiques peuvent en vouloir à leur mode de vie occidental.
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Immaturité immunitaire
Pour comprendre cette «épidémie», il faut retourner à la fin du 19e siècle avec les premiers cas de pollinose décrits par le clinicien anglais Bostock. «Il avait constaté que ces allergies polliniques, qu'il a appelées 'le rhume des foins', étaient présentes uniquement dans les classes sociales extrêmement privilégiées en Angleterre», explique le professeur. «Au cours du siècle passé, on a vu cette maladie s'étendre progressivement vers des classes sociales d'abord moyennes, puis défavorisées ». Pour Olivier Michel, la conclusion est simple : «plus on vit dans une atmosphère propre, hygiénique et de type occidental, plus on a de risques de développer des maladies allergiques».
Le système immunitaire, il doit apprendre !Et le problème, c'est que dans le monde dans lequel on vit aujourd'hui, il n'a pas l'occasion d'avoir des rencontres avec des microbes adéquats ou des parasites.
Tout est finalement une question d'exposition et lié au développement du système immunitaire. «Si la personne est confrontée après la naissance à des situations plus stressantes au niveau infectieux, le système immunitaire va se développer différemment dans l'enfance : il va échapper au risque de maladies allergiques», explique le spécialiste. Ces dernières sont, selon lui, «un peu le témoin d'une sorte d'immaturité immunitaire». Un agriculteur aura donc moins de chance de développer des maladies allergiques qu'un employé vivant dans un appartement en plein centre-ville.

Plus agressifs avec la pollution
Avec une pollution atmosphérique plus importante dans les villes qu'à la campagne, le lien entre les allergies et l'air pollué que nous respirons semble logique. Pourtant, pour Olivier Michel, la pollution n'est pas associée au risque de développer des maladies allergiques dans une population donnée. «C'est plutôt l'inverse», précise-t-il. C'est en comparant l'Allemagne de l'Est et de celle de l'Ouest, avant et après la réunification, que cela fait sens. «Les indices de pollution à l'est étaient beaucoup plus mauvais qu'à l'ouest avant 1989. Et pourtant, c'était à l'ouest qu'on trouvait le maximum de patients allergiques», explique l'allergologue. «Après la réunification, des villes à l'est se sont modernisées et ont vu le nombre d'allergies exploser. Cela démontre bien que c'est le mode de vie occidental qui est associé à ce risque».
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Mais Olivier Michel souligne que ses propos doivent être nuancés. «Il semble bien que certains secteurs de pollution puissent rendre les pollens plus allergisants. Mais ce n'est pas pour cela qu'il y aura plus de patients allergiques ». En effet, le nombre d'allergiques n'augmentera pas, mais ceux qui le sont déjà risquent d'avoir «des manifestations plus sévères«. «En gros, les pollens deviennent plus agressifs », conclut-il.
Allergies tardive et disparue
Le manque d'exposition aux allergènes explique également le développement d'une maladie allergique plus tardive. «Le système immunitaire, il doit apprendre !», souligne Olivier Michel. «Et le problème, c'est que dans le monde dans lequel on vit aujourd'hui, il n'a pas l'occasion d'avoir des rencontres avec des microbes adéquats ou des parasites». Mais pour le responsable au CHU Brugmann, le développement d'une allergie tardive peut également être dû à l'agressivité de l'allergène. «Pour les aliments, on suspecte que les conservateurs et les additifs modifient les allergènes alimentaires et les rendent plus méchants et allergisants».

À l'inverse, il est également possible, dans certains cas, de ne plus être allergique. Un enfant allergique au lait de vache pourra le tolérer plus tard, même si, selon Olivier Michel, il faut tout d'abord distinguer allergie et intolérance. La première présentera des manifestations digestives, comme l'intolérance, mais aussi plus périphériques : eczéma, asthme, poussée d'urticaire… La deuxième provoquera «seulement» la nausée, des vomissements, de la diarrhée. «L'allergie au lait de vache est fréquente chez les enfants jusqu'à 5 ans, mais elle concerne 10 à 15% d'entre eux. Ce qui est déjà pas mal », explique Olivier Michel avant d'ajouter que «chez l'adulte, on constate qu'il y a moins de 1% qui sont allergiques au lait de vache».
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L'explication est simple : «ils ont guéri spontanément, (…) ils finissent par le tolérer». «Même s'ils en sont allergiques, les enfants seront exposés au lait de vache. C'est un allergène qui est quasi impossible à supprimer totalement», souligne le professeur. Cette exposition va induire «une sorte de désensibilisation naturelle» qui va s'installer chez les plus grands enfants. Si cette tolérance progressive est valable pour le lait et les oeufs, ce n'est pas le cas pour les arachides, une allergie «plus irréversible».

Mode de vie bouleversant
Lorsqu'on compare notre univers actuel surprotégé et l'époque où certaines personnes vivaient «avec un kilo de verres dans l'intestin», Olivier Michel évoque «un bouleversement radical de notre mode de vie». Citant une étude parue il y a plusieurs années, le professeur à l'ULB explique que les allergies sont «le prix à payer pour la longévité et le bien-être social». «Ce sont des maladies que nous payons, mais en échange l'espérance de vie a augmenté de 25 ans, on a une qualité de vie incomparable (…) Le tout est de voir si on préfère mourir de la peste ou avoir le rhume des foins ?»