L'étau se resserre peu à peu
Désormais en possession des documents transmis par la France, les enquêteurs belges se sont mis au travail. Pendant ce temps, le bâtonnier du barreau de Bruxelles a ouvert une instruction disciplinaire à charge des avocats Afschrift et Jansen.
Publié le 22-01-2020 à 17h43
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Révélés par Paris Match pour ce qui concerne leur versant belge, les «Dubaï Papers» connaissent de nouveaux développements. Ce «leak» financier de grande ampleur porte sur un vaste réseau présumé de fraude fiscale et de blanchiment, au centre duquel on trouve le prince Henri de Croÿ (HdC). Ce dernier, à la tête de la société Helin, implantée à Ras al-Khaimah dans les Émirats arabes, se trouve actuellement dans le collimateur des justices suisse, française et belge. Lui et ses associés sont fortement suspectés d'avoir eu recours à de la fraude grave et organisée de façon à permettre à leurs nombreux clients fortunés (héritiers, entrepreneurs, riches familles…) d'échapper au fisc. C'est du reste ce que corroborent largement nos investigations.
La semaine passée, à la faveur d'une question parlementaire adressée au Ministre de la Justice Koen Geens (CD&V), par le député fédéral Georges Gilkinet (Ecolo), on a appris que les «Dubaï Papers» attendus par les autorités judiciaires belges étaient arrivés à Bruxelles le 27 décembre dernier. En septembre 2019, dans le cadre de l'information ouverte par le parquet fédéral, les pièces du volumineux dossier (160 000 fichiers) ont été demandées par la Belgique au Parquet national financier (PNF) de Paris qui les détient. «Les documents utiles ont été transmis», a donc confirmé le ministre. Et celui-ci d'ajouter que le parquet fédéral les a mis depuis à la disposition de l'OCDEFO (Office central de lutte contre la délinquance économique et financière organisée) avec pour mission de «traiter ce dossier de manière prioritaire». Trois enquêteurs fédéraux vont s'y atteler parmi lesquels un expert informatique de la FCCU (Federal computer crime unit). D'autre part, Koen Geens a également indiqué qu'«une transmission de ces données à l'Inspection spéciale des impôts (ISI) est prévue à très bref délai ».
En revanche, s'agissant de la constitution de partie civile de l'État belge annoncée par le ministre des Finances en novembre dernier, au sujet de laquelle Georges Gilkinet a aussi questionné son homologue à la Justice, il apparaît qu'elle n'a pas encore eu lieu. Pourtant, cette initiative conduirait automatiquement à la désignation d'un juge d'instruction. Le ministère public pourrait cependant en saisir un sans attendre, mais d'après Koen Geens toujours, à ce stade «le dossier reste à l'information afin de permettre à l'OCDEFO ainsi qu'à l'ISI de procéder à l'analyse des données transmises». Affaire à suivre.
L’Institut des experts-comptables saisi d’une plainte
À la mi-décembre, des plaintes déontologiques ont été déposées par l'organisation Attac auprès de l'Ordre francophone du barreau des avocats de Bruxelles. Elles visaient Maîtres Thierry Afschrift et Arnaud Jansen et dénonçaient dans leur chef, sur base des enquêtes de Paris Match, des «manquements déontologiques» et des «faits graves». Le Bâtonnier, Michel Forges, les a jugées recevables et a ouvert une instruction disciplinaire à charge de chacun des intéressés. À l'issue de cette procédure préliminaire, la décision sera prise de les renvoyer ou pas devant le conseil de discipline.
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Et ce n’est pas terminé. Attac planche actuellement sur la constitution d’une nouvelle plainte qui sera cette fois adressée au président de l’IEC (Institut des experts-comptables et des conseils fiscaux). Elle devrait être finalisée très prochainement et ciblera Guy Ollieuz. Ce comptable et fiscaliste apparaît dans notre dernier article consacré aux «Dubaï Papers» où il est question de l’implication de sa fiduciaire louvaniste dans une opération du prince de Croÿ, destinée à blanchir les actifs d’une offshore panaméenne rapatriée en Belgique.
La stratégie suivie par Attac au travers de ces dépôts de plaintes pour cause de violation présumée des règles déontologiques du métier d'avocat et d'expert-comptable, c'est précisément de mettre le projecteur sur le rôle joué par les intermédiaires financiers. Selon Christian Savestre, responsable de la branche bruxelloise du mouvement citoyen, ces derniers «sont le couteau suisse de l'évasion fiscale». «Or», ajoute-t-il, «la plupart du temps, ils sont laissés dans l'ombre et passent à travers les mailles du filet de la Justice tandis que les bénéficiaires directs captent toute l'attention ».