Conflit au Yémen : Le calvaire des personnes en situation de handicap

Au Yémen,les 4,5 millions, au moins, de personnes en situation de handicapsont parmi les populations les plus exclues dans le cadre de ce que les Nations unies ont qualifié de pire crise humanitaire au monde.

Un Yéméni en fauteuil roulant dans les décombres d'un bâtiment.
Un Yéméni en fauteuil roulant dans les décombres d'un bâtiment. ©AFP or licensors

Quelque 4,5 millions de personnes en situation de handicap au Yémen subissent «négligence et abandon» face à des difficultés accrues dans un pays pauvre et ravagé par cinq ans de guerre civile, dénonce Amnesty International dans un rapport publié mardi pour la Journée internationale des personnes handicapées. «La guerre au Yémen se caractérise par des déplacements et des bombardements illégaux, ainsi qu'une pénurie de services de première nécessité, qui rendent la survie très difficile pour d'innombrables personnes. L'aide humanitaire est sollicitée à l'extrême, mais les personnes en situation de handicap, qui font déjà partie des populations les plus vulnérables en cas de conflit armé, ne devraient pas avoir encore plus de difficulté que les autres à avoir accès à une aide indispensable», affirme Rawya Rageh, conseillère principale sur la situation de crise à Amnesty.

Au Yémen, pays le plus pauvre de la péninsule arabique et dévasté par la guerre, les personnes en situation de handicap reçoivent un «soutien insuffisant» face à des difficultés accrues notamment pour échapper à la violence, souligne l'ONG. Amnesty évoque notamment des «déplacements épuisants sans fauteuil roulant, ni béquilles»pour les personnes à mobilité réduite. Ce fut le cas pour Migdad Ali Abdullah, un jeune homme de 18 ans : «Le voyage a été extrêmement pénible. On m'a transporté de bus en bus, au total dans quatre bus. Ce sont mes voisins qui m'ont porté.» Aujourd'hui, il vit dans le camp deMishqafa, avec sa mère. Mais les difficultés ne sont finies. Dans les camps de personnes déplacées, les installations n'ont pas été conçues pour les personnes en situation de handicap. Migdad est même incapable de les utiliser, car il devraitramper pour utiliser les latrines sur un sol où les personnes urinent à proximité. L'emplacement des points de distribution de l'aide prive également ces personnes handicapées de leur indépendance et de leur dignité en les forçant à demander de l'aide à leurs proches ou à des tiers.

Lors d’une visite au camp Sabr de Lahj le 12 juin 2019, Amnesty International a constaté à quel point les latrines étaient inaccessibles pour les personnes en situation de handicap. © Amnesty International
Lors d’une visite au camp Sabr de Lahj le 12 juin 2019, Amnesty International a constaté à quel point les latrines étaient inaccessibles pour les personnes en situation de handicap. Amnesty International

D'autres personnes n'ont même pas atteint les camps, abandonnées quand les familles ont fui, car elles ont été séparées«dans le chaos qui accompagne la fuite». Quand elles sont parvenues à s'échapper, «les déplacements ont souvent entraîné une détérioration supplémentaire de leur santé ou de leur handicap», souligne Amnesty.

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RawyaRageh a appelé à «davantage» d'efforts de la part des «donateurs internationaux, de l'ONU et des organisations humanitaires travaillant avec les autorités yéménites (…) pour surmonter les obstacles qui empêchent les personnes handicapées de satisfaire leurs besoins élémentaires».

La pire crise humanitaire au monde

Le rapport de l'ONG est le fruit de six mois de recherches avec des «visites dans trois gouvernorats du Sud», contrôlé par le gouvernement, et une centaine d'entretiens. Amnesty rappelle également dans son rapport que le Yémen dispose de lois visant à protéger les personnes en situation de handicap qui représentent au moins 15% de la population. «Au moins», car il est difficile d'obtenir des statistiques fiables. Compte tenu des conséquences du conflit en cours, certains experts estiment que ces chiffres sont en réalité plus élevés. Effectivement, des Yéménites sont devenus handicapésparce que les belligérants ont lancé de nombreuses attaques ayant des répercussions sur les civils.

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Le conflit au Yémen, qui oppose depuis 2015 les forces du gouvernement appuyées par une coalition militaire sous commandement de l’Arabie saoudite aux rebelles Houthis soutenus par l’Iran, a provoqué la pire crise humanitaire au monde, selon l’ONU.Environ 3,3 millions de personnes ont été déplacées par la guerre et 24,1 millions, soit plus des deux tiers de la population yéménite, ont besoin d’assistance, selon les Nations unies. Le conflit a tué, selon diverses organisations humanitaires, des dizaines de milliers de personnes, essentiellement des civils.

En septembre, des experts de l'ONU ont fait état dans un rapport de la «multitude de crimes de guerre» qui auraient été commis par les diverses parties depuis le début du conflit. En juin, le Conseil de sécurité de l'ONU a adopté, à l'unanimité, sa première résolution sur la protection des personnes handicapées en période de conflit armé.

Avec Belga

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