Un bracelet anti-rapprochement pour protéger les femmes victimes de violences conjugales
Le cdH a déposé en octobre une proposition de loi concernant l’instauration d’un bracelet anti-rapprochement à l’encontre des auteurs de violences intrafamiliales afin desécuriser les victimes.Cette proposition sera examinée jeudi à la Chambre. Le bracelet anti-rapprochement est déjà instauré en Espagne et devrait l’être pour 2020 en France. L’occasion de s’interroger sur ce nouveau dispositif.
- Publié le 04-11-2019 à 18h12
- Mis à jour le 04-11-2019 à 18h29
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Les violences conjugales sont la principale cause de mortalité et d’invalidité pour les femmes de 16 à 44 ans, avant le cancer ou les accidents de la route. L’actualité récente a relancé le débat sur la protection des femmes victimes de violences et de féminicides. En Belgique, tous les dix jours, une femme serait tuée sous les coups d’un homme. Dans le monde, on estime à 80 le nombre de femmes tuées chaque jour par leur compagnon ou ex-compagnon. En Belgique, nous ne possédons pas de statistiques officielles, tout simplement parce que le terme de féminicide (le meurtre d’une femme parce qu’elle est une femme) n’existe pas juridiquement.
Si nous ne disposons pas d'un chiffre officiel sur le nombre de féminicides commis en Belgique, certaines organisations telles que la pateforme Mirabal Belgium, tentent de créer un recensement en se basant sur la couverture de la presse écrite et en ligne. Il y aurait ainsi eu 37 femmes victimes de féminicides en 2018 en Belgique. Au-delà du débat sur la reconnaissance pénale du féminicide (considéré pour l'instant comme une circonstance aggravante et non comme une infraction autonome) qui permettrait selon certains une véritable protection pour les femmes, des questions sur les moyens concrets de protéger les femmes victimes de violences est au coeur des discussions aujourd'hui.
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L’une des technologies évoquée pour tenter de protéger les femmes victimes de violences est le bracelet anti-rapprochement. Ce dernier a été soutenu quasi-unanimement par les députés en France. Le texte doit désormais être transmis au Sénat en procédure accélérée. Le dispositif a déjà fait ses preuves en Espagne où il est instauré depuis plus de 10 ans et porté par plus de 1150 hommes qui n’ont pas récidivé depuis. Il permet de géolocaliser et de tenir à distance un conjoint ou ex-conjoint violent grâce au déclenchement d’un signal en cas de dépassement du périmètre d’éloignement fixé par le juge.Concrètement, le conjoint violent porte un bracelet électronique inamovible, connecté aurécepteur porté par la femme. Dès qu’un rapprochement est détecté, les forces de l’ordre sont prévenues pour agir.
Le Parlement français avait déjà voté à plusieurs reprises le principe d’expérimentations de ce dispositif, sans jamais le mettre en oeuvre. Cette fois, le bracelet doit être autorisé aussi bien au pénal qu’au civil. Cependant, au civil, le consentement des deux conjoints est nécessaire pour éviter le risque d’inconstitutionnalité. En cas de refus, le juge aux affaires familiales pourra en aviser immédiatement le procureur de la République.Au pénal, le conjoint ou ex-conjoint violent sera incité à l’accepter pour éviter la détention préventive ou bénéficier d’un aménagement de peine s’il est déjà condamné.
Aprèsl'assassinat d'Aurélie Montchéry par son ancien compagnon qui était censé ne pas s'approcher d'elleaprès une remise en liberté par le juge sous cette condition, la question de la mise en place d'un bracelet anti-rapprochement s'est aussi posée en Belgique.La députée cdH Vanessa Matz a expliqué au micro de Bel RTL la proposition de loi qu'elle a déposée :«Dès qu'il y a un fait qui se passe, le juge pourrait déjà imposer un bracelet avant qu'il n'y ait condamnation. Il pourrait également l'imposer comme alternative à une détention. Plutôt que le mettre en prison en se disant qu'il est dangereux pour son ex-compagne mais qu'il ne l'est peut-être pas pour le reste de la société.»
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Maxime Prévot, député cdH également à l'initiative de ce projet de loi, était l'invité politique de Bel RTL ce matin et a enchéri : «Avec la pose de ce bracelet qui impose le maintien à une certaine distance, on aurait probablement pu éviter ce cas dramatiqued'Aurélie Montchéry. (…) Il faut pouvoir changer de culture à la lumière des dramesqui se succèdent les uns après les autres.» Le député a égalementannoncé vouloir«refinancer la Justice qui était probablement le parent pauvre de ces dernières décennies. Ils en ont cruellement besoin. Sinon on ne fait que développer un sentiment dramatique d'injustice auprès de la population qui, lorsqu'il y a des faits qui sont commis, ne comprend pas qu'il n'y ait pas une justice qui soit exécutée.» En France, le coût de l'installation de ce système est estimé entre 5 et 6 millions d'euros.
En attendant que ces mesures voient le jour en Belgique, on peut s'interroger sur l'efficacité concrète de ce dispositif, notamment sur la question du consentement du conjoint violent. Certains expriment également le stress engendré par ce dispositif sur les femmes :"Ce bracelet a tendance à la fois à rassurer les femmes victimes de violences, mais aussi à engendrer chez elle une très grande anxiété car chacun garde l'autre en permanence en tête. Ce qui perpétue l'emprise. Or l'objectif premier, en cas de violences, c'est de travailler à la séparation, de couper définitivement les ponts,» a expliqué Ernestine Ronai, qui gère l'observatoire départemental de Seine-Saint-Denis des violences envers les femmes, dans Le Parisien.
Céline Caudron, coordinatrice chez Vie Féminine et responsable de la plateforme Stop féminicide, a quant à elle déclaré à Moustique :"La justice manque de moyens pour appliquer les mesures d'éloignement qui existent dans la loi de 2012 mais aussi les magistrats manquent de connaissance sur ce que sont ces violences. Ils ne repèrent pas quand il faut ordonner l'éloignement de l'auteur par rapport à la victime". Cette dernière réclame donc plutôt un plan global qui permette de gérer les urgences mais surtout de faire de la vraie prévention en éduquant au respect et à l'égalité.Une manifestation contre les violences faites aux femmes se tiendra ce 24 novembre à Bruxelles.