"Je m'en bats le clito, c'est un état d'esprit"

Avec près de 270 000 abonnés, Je m'en bats le clito est un compte à succès sur Instagram. Derrière ces publications se trouve Camille, 22 ans, apprentie chef qui a tout plaqué pour gérer ce compte qui libère, avec humour, la parole.

Camille, la créatrice du compte Je m'en bats le clito.
Camille, la créatrice du compte Je m'en bats le clito.

Avec près de 270 000 abonnés, Je m’en bats le clito est un compte à succès sur Instagram. Derrière ces publications se trouve Camille, 22 ans, apprentie chef qui a tout plaqué pour gérer ce compte qui libère la parole avec humour.

Lendemain de soirée arrosée, discussion entre amis et … contre-verités à foison. « Le clitoris change de place en fonction des femmes », cite Camille parmi les phrases qui ont eu un effet déclencheur sur elle pour lancer le compte Instagram Je m'en bats le clito. Créé dans la lignée de ces comptes surla libération de la parole et de l'intime sur Instagram, Je m'en bats le clito a rapidement fait succès avec une identité visuelle forte, développée grâce à une abonnée de la première heure, Flora Mazzaggio, qui a également signé les illustrations du livre. Avec des punchlines courtes, inspirées de ses aventures personnelles, Camille a réussi à créer une importante communauté qui frôle, début juin, les 270 000 abonnés, de l'adolescence à la retraite.

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« Il y a pas mal de tabous à abattre et la première étape est d'en parler. J'ai décidé de faire la chose la plus sans filtre, la plus cash et la plus spontanée du monde, en racontant ce qui m'arrive, ce qui est en partie ce qui «nous» arrive », résume la jeune femme de 22 ans. « Je ne m'attendais pas à un tel succès mais c'est révélateur d'un besoin et d'une nécessité de l'ouvrir, de se reconnaître. Ce sont des petites situations du quotidien, des petites pensées. Je suis ce petit lutin qui va se glisser dans nos têtes… et dans nos culottes !» Aucun sujet n'échappe à Camille. « Sexe, masturbation, règles, inégalité salariale, machos dans la rue, je parle de tout », résume-t-elle. « Ce n'est pas parce qu'on n'en parle pas que ça n'existe pas et ce n'est pas parce que personne n'en parle que ça n'arrive qu'à toi. Il y a besoin de quelqu'un pour se lancer et les autres suivent ». D'où les nombreux « mais toi aussi ? » et remerciements dans les commentaires sous chaque post.

«Sans mes abonnés, le compte ne serait rien»

Depuis qu'elle a créé le compte, à l'été dernier, Camille a changé de vie : elle a abandonné son début de carrière prometteur dans la cuisine – « un milieu super rude où le féminisme n'existe pas, le machisme beaucoup et le sexisme aussi »-, choisissant de se consacrer à temps plein à cette communauté sans cesse en ébullition. « Je n'arrivais plus à gérer les deux. Je travaillais 17 heures par jour en cuisine, j'ai pu dormir quatre heures par jour pendant quelques mois, mais ça n'était plus tenable. Et puis j'en avais envie : si je ne le faisais pas, j'allais le regretter toute ma vie ». Elle a eu raison : un mois après avoir raccroché les couteaux, Camille a signé un contrat avec la maison d'édition Kiwi et a entamé la rédaction du livre portant le nom de son compte.

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Elle y a fait entrer de nombreuses publications, sélectionnées avec soin : « Je n'ai pas choisi celles qui ont le plus plu en nombre de «j'aime», mais ceux qui ont fait le plus réagir », explique-t-elle. Certaines permettent d'ouvrir de véritables débats, qu'elle essaie de garantir sans jugement, dans la bienveillance qu'elle applique à son compte et aux nombreux témoignages qu'elle reçoit. Une trentaine d'entre eux ont d'ailleurs été résumés en « punch », ces petites phrases courtes et souvent drôles dans lesquelles elle dénonce, à travers une anecdote personnelle, une situation profonde. « J'ai pris celles qui me tenaient à coeur. Et il ne fallait pas oublier que, sans mes abonnés, le compte ne serait rien ». Elle a donc fait appel à ses abonnés pour nourrir le livre de publications sur des sujets qu'elle n'abordait pas et les invite à « le compléter pour qu'il soit unique ».

Après la préface de Noémie de Lattre, Camille s'ouvre également et se livre sans fard sur son enfance, son parcours, ses goûts, ses convictions personnelles. « Plus je donne, plus je me livre et plus ça peut toucher les gens. Je me mets à nu, jusqu'à dessiner mon sexe et mes seins », raconte-t-elle. Elle propose en effet aux lectrices de dessiner les leurs : « J'entends tellement de témoignages de femmes qui complexent… Ça touche à l'acceptation de soi, ce qui fait partie de Je m'en bats le clito ».

«Tout le monde sait dessiner un pénis mais personne ne sait dessiner un clitoris»

Et cette philosophie Je m'en bats le clito se… porte. Camille a créé une marque de prêt-à-porter qu'elle revendique écoféministe : « C'est facile de lâcher un like, d'acheter un livre en cachette ou de lire des publications sans être abonné. Il n'y a pas plus assumé que de porter dans la rue quelque chose que tout le monde va voir, sans se sentir mal et en assumant de le porter », assure la jeune femme. « C'est clito à gogo », s'amuse-t-elle des dessins de clitoris imprimés sur des tshirts et des tote bags, « made in France, en coton bio issu du commerce équitable ». Elle est la première à porter ses tshirts humoristiques, dont certains ont été personnalisés par des illustratrices, se moquant du manque d'informations : « Personne ne sait à quoi ressemble un clitoris ! En 2019, tout le monde sait dessiner un pénis mais personne ne sait dessiner un clitoris. On en a tellement peu parlé, on l'a tellement caché, blessé, que j'ai envie de le mettre en avant à fond, parce que c'est nécessaire ».

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Une façon pour elle de proclamer haut et fort que Je m'en bats le clito est là pour durer : « Ce n'est pas un compte, c'est un état d'esprit. Le but à terme est de pouvoir dire «Je m'en bats le clito» sans que les gens rient, alors que tout le monde dit sans sourciller «Je m'en bats les couilles» ». L'égalité jusque dans le vocabulaire.

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