Pourquoi sommes-nous tellement tentés de croire à l'astrologie ?
L’astrologie n’est pas une science exacte et l’horoscope des magazines lui fait souvent mauvaise publicité. Pourtant, depuis des siècles, la discipline a des arguments à faire valoir.
Publié le 16-01-2018 à 17h47 - Mis à jour le 20-01-2018 à 09h11
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Quand il s'agit de prévoir, souvent, «tous les moyens sont bons».Certains se contenteront de s'informer des prévisions météo du jour pour choisir «quel pantalon piocher dans la garde-robe ?». D'autres, plus ambitieux (ou plus «paumés», selon les autres), iront consulter un astrologue. Pour quelle raison un adulte consentant payerait-il pour une prévision dont il n'a aucune certitude qu'elle se réalisera ? Au moins, la météo, elle, reste un pari vraiment gratuit sur le futur… Existe-t-il une raison connue pour laquelle certains y croient et… sont traités de «pigeons» par le reste de l'humanité ?Et si se laisser tenter par une petite prévision astro était d'une certaine façon plus utile que de ne pas vouloir y croire ?
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Dans un premier temps, chez l'astrologue, Bobby (prénom fictif) est venu tenter de comprendre puis mettre des mots, des étoiles et des systèmes sur les événements qui lui arrivent depuis son arrivée sur Terre. Avec une date (le 27 février 1987), une heure (9 heures 13′) et un lieu de naissance (Villers-la-Ville), l'astrologue a préparé son thème natal. Ce dernier s'est aidé d'un ordinateur et de modèles mathématiques pour visualiser la carte du ciel de ce jour-là. En croisant la ligne tracée par la trajectoire du soleil (appelée l'écliptique), avec la ligne d'horizon de la Terre au moment précis de la naissance de Bobby, l'ordinateur fournit à l'astrologue énormément de données: positions des planètes, «maisons », signes du zodiaque, aspects… Et une carte. Dessus, chaque planète correspond à une divinité de l'Olympe, selon les mythes ancestraux de notre société. «Pour certains, Arès et Aphrodite seront dans une forme d'harmonie, main dans la main, explique l'astrologue à Bobby. Pour d'autres, selon leur alignement ou non, ces planètes seront en conflit. L'important est de prendre conscience de qui nous sommes. Si une situation se répète souvent: par exemple, si quelqu'un se dit qu'il se fait toujours quitter comme une vieille chaussette au bout d'un temps, ou s'il a constamment des problèmes de communication avec ses collègues, c'est probablement qu'il y a un mécanisme de fonctionnement qui est figé. L'astrologie lui ouvrira les yeux sur le fait que ce fonctionnement est bien à modifier en lui, et pas à l'extérieur. La personne pourra ainsi apporter les changement nécessaires à une vie plus harmonieuse en connaissance de cause».
L’astrologie, une science… humaine
Pourtant, malgré l'usage d'outils techniques précis (l'ordinateur de notre astrologue) et l'observation de réalités astronomiques (description exacte du ciel), il est impossible de classer l'astrologie dans les sciences exactes. Car le discours, la lecture qu'en fait l'astrologue n'est pas sujet à des observations reproductibles. À ce propos, dans un article intitulé «L'Astrologie: une science humaine ?», Bernard Stellato, ethnologue, s'exprime : «Certes, l'astrologie n'est pas une science exacte. Mais qui prétend que l'ethnologie en est une ?» Personne. Effectivement, on la classe dans les sciences humaines (et non les sciences exactes) et ce n'est pas pour autant qu'on ne prend pas les travaux de Claude-Lévi Strauss au sérieux…
Les sceptiques seront confondus (ou pas?)
Les détracteurs de l'astrologie ont plus d'un tour dans leur sac. Entre autres études étranges mais également articles consciencieux, ils ont joué la carte de» l'effet Barnum» ou «effet Forer», et elle a «de quoi convaincre». En 1948, un psychologue, Betram Forer, avait soumis les étudiants de sa classe à un test psychologique de personnalité. Par la suite, il avait distribué à chacun les résultats du test…qui étaient en fait tous identiques. De type: «Vous êtes quelqu'un qui a besoin d'attention. Mais le respect de votre espace personnel est aussi très essentiel à votre bien-être, etc. »Forer avait alors demandé à ses cobayes de noter la description de leur personnalité selon leur appréciation. La moyenne des résultats avait atteint un pic impressionant de grande satisfaction (87%). La grande majorité des étudiants se retrouvaient totalement dans la description (fausse) de leur personnalité !
Foi au possible
Il y a que l'astrologie et ses éléments narratifs sont ancrés en nous. «Tout le monde a besoin d'amour, est à la recherche de reconnaissance, ou veut se sentir utile à la société, explique Nima Ferdowsi, astrologue évolutif et coach. Ce n'est pas pour autant que les enjeux se situeront ou se développeront de la même manière, aux mêmes moments et aux mêmes endroits». À force de nous raconter et d'entendre ou de lire des histoires au quotidien, nous serions tant habitués à vivre dans un univers narratif (contes, bulletins météo, culture mythologique, astrologique, stories insta…), que ce qui ne cadre pas avec cet univers nous semblerait ne déceler que peu d'intérêt pour participer à notre réalité. Au 4ème siècle avant J.-C. déjà, Aristote, dans la Poétique, plaçait les arts narratifs à un niveau plus élevé que l'histoire car les premiers touchent au possible et à ce qui pourrait arriver, quand la seconde traite de ce qui s'est produit. Selon lui, la vraisemblance ou la nécessité des actions racontées donnent «foi au possible ». Et c'est exactement ce qui se produit avec la grammaire narrative astrologique. On y croit, parce qu'on y reconnaît une vision du monde que l'on partage depuis des siècles avec le reste de l'humanité (ou du moins la partie de l'humanité qui ose en parler, voire s'y fier). Il en irait de même avec la psychanalyse, ou tout discours sur nous-même en lequel nous avons confiance, même s'il n'est pas fondamentalement scientifique.
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Alors, qu'est-ce qui fait qu'une partie de nous ne veut surtout pas entendre parler d'une séance d'astro ? Eh bien, tout d'abord car comme dans toute pratique non régulée, il y a beaucoup de charlatans. Ensuite, car selon Bernard Williams, philosophe anglais, nous expérimentons au quotidien un «refus d'être dupe », un «souci de ne pas nous laisser abuser ». Et ce depuis toujours. Les humains ne pouvant individuellement tout voir pour tout apprendre, ils échangent et se divisent les tâches. Dans une telle configuration, le mensonge ou les fake news sont généralement mal vus.
Que cela soit au travers de romans, de journaux ou de la lecture d’un thème natal, les récits nous relient au monde que nous partageons avec nos semblables. Ces histoires sont à la fois la monnaie mais aussi la devise de notre culture commune. Elles la véhiculent et la transforment.
Après, «tout est question de goûts ».