Pourquoi la méditation n'est pas sans danger

Ultra-tendance, la méditation ne cesse de faire des adeptes et infiltre les clubs de gym, les hôpitaux, les entreprises, et même les écoles. Mais cette discipline n’est pas anodine. Analyse.

Les 7 piliers de la méditation : La simplicité. La présence corporelle. La respiration. La présence mentale. La bienveillance. Vivre au présent. Se sentir vivant.
Les 7 piliers de la méditation : La simplicité. La présence corporelle. La respiration. La présence mentale. La bienveillance. Vivre au présent. Se sentir vivant.

Ultra-tendance, la méditation ne cesse de faire des adeptes et infiltre les clubs de gym, les hôpitaux, les entreprises, et même les écoles. Mais cette discipline n’est pas anodine. Analyse.

Elle puise ses origines en Inde, se pratique dans quasiment toutes les religions et, depuis quelques années, une de ses versions laïques connaît un essor considérable en Occident. En France, le philosophe Fabrice Midal fonde en 2006 l'Ecole occidentale de méditation et, depuis, des spécialistes comme Christophe André contribuent à la populariser. Connue sous le nom de « pleine conscience », « Mindfulness » en anglais, elle se constitue du b.a.-ba de la méditation bouddhiste et invite à atteindre, comme l'étymologie du terme anglo-saxon l'illustre, un état de pleine attention. Le principe ? D'après Joachim Vallet, professeur de yoga et de méditation à Paris, il repose sur cet exercice : « S'asseoir, accepter de penser, se rendre compte de cet état de fait, se poser et tenter de se décrisper de toute chose à faire ».

Lire aussi > Faire du yoga nu : Que se cache-t-il derrière cette nouvelle tendance Instagram?

Méditer ne mène pas d’emblée au calme

Les bienfaits sont si nombreux que méditer devient une injonction dans toutes les strates de la société. Via son Smartphone, au bureau ou lors de séances collectives, la pratique se généralise, galvanise les urbains stressés mais déconcerte aussi. En effet, certains ont des difficultés à s’y adonner, tandis que d’autres y parviennent facilement mais connaissent des déconvenues. Logique, car la discipline n’est pas si accessible et si banale que cela.

Les néophytes curieux s'y mettent en douceur par des vidéos sur YouTube ou des applications comme Petit BamBou qui proposent des exercices simples de respiration et de relaxation. Quant aux plus investis, ils se tournent vers des cours collectifs ou des retraites menées par des enseignants. Mais pour Yasmine Liénard, psychiatre, ancienne chef de clinique et initiatrice des groupes de pleine conscience à l'hôpital Sainte-Anne, aucun protocole n'est inoffensif. Elle explique : « La méditation, c'est apprendre à accueillir sa vulnérabilité, apprivoiser ses émotions et se délivrer de ses souffrances. Du coup, on lâche ses défenses psychiques et cela peut réactiver des traumas, des souvenirs enfouis. Ce n'est pas forcément mauvais, mais c'est un passage délicat ». Cette expérience d'état de conscience modifié, beaucoup l'ont endurée et n'en sont pas ressortis indemnes. « Parfois, il est trop difficile d'affronter cette résurgence (maltraitance, viol…), alors la personne peut opérer une dissociation et sortir de son corps pour la fuir ».

Lire aussi > Destination Rishikesh : le yoga, la clé du bien-être

Patrik Giardino / Paris Match
Patrik Giardino / Paris Match

L’importance d’être bien accompagné

Il est nécessaire de trouver un enseignant qui apporte une traduction occidentale de la méditation bouddhiste. Car les différences culturelles sont importantes et peuvent freiner l'apprentissage. Par exemple, certaines postures sont difficiles à réaliser pour des Occidentaux, l'utilisation de gongs peut déstabiliser, tout comme le port de l'uniforme, qui vise à gommer l'individualité. Ensuite, il faut commencer par répondre à la question : pourquoi je veux méditer ? Est-ce que je souhaite me sentir plus libre ? Mieux me connaître ? Me libérer de certaines souffrances ? Lorsqu'on a la réponse, on essaie de rencontrer le formateur qui dispense la méthode adéquate. Selon le Dr Liénard, « un bon professeur est quelqu'un à qui l'on peut poser toutes les questions (sur sa vision, sa technique, son parcours) et qui est capable de se remettre en question ». Enfin, si l'on souffre de pathologies (anxiété, phobies, schizophrénie, troubles dissociatifs…), il est impératif de se tourner vers des médecins qui proposent des séances adaptées.

Lire aussi >En Birmanie, le climbing yoga marie l’escalade et la zenitude

Porosité des frontières entre psychothérapie et spiritualité

Depuis le début des années 2000, des scientifiques ont prouvé que la méditation pouvait aider à lutter contre la dépression et ses rechutes. Le but pour les médecins est d'apporter aux patients une approche complémentaire, un autre outil de guérison, en parallèle des antidépresseurs. Mais est-ce que cela fonctionne vraiment ? « Oui, mais pas pour tout le monde », témoigne Cyril Tarquinio, professeur en psychologie de la santé à l'université de Lorraine, et directeur du laboratoire de psychologie de la santé. Il précise : « On a trop vendu la méditation comme la thériaque dans l'Antiquité, cet antipoison qui faisait office de remède à tous les maux. Elle est utile dans certains cas mais doit être évitée à tout prix dans d'autres. Surtout, il faut garder à l'esprit qu'elle reste une approche complémentaire et pas alternative ! » D'où, là encore, l'importance de trouver un praticien compétent qui propose une méthode sur mesure et accompagne les patients pour leur éviter des situations périlleuses.

Flickr/BabDesFab
Flickr/BabDesFab

Et si on se perdait dans la recherche exacerbée de spiritualité ?

Il y a vingt ans déjà, Alain Ehrenberg évoquait, dans son livre « La fatigue d'être soi », les maux d'une société devenue trop compétitive, narcissique et égocentrique, et dans laquelle les humains se tournent vers la spiritualité pour trouver un sens à leur vie. Plus récemment, Daniel Pink, essayiste et ancien conseiller d'Al Gore, expliquait qu'il fallait désormais développer des capacités intellectuelles nouvelles pour survivre dans un monde qui demande trop aux individus. Plus qu'un effet de mode, la méditation représenterait-elle un changement culturel ? « Oui, répond le Dr Liénard, sans doute que dans quelques années on ne pourra plus vivre sans, mais, d'ici là, il ne faut surtout pas se forcer à méditer, et rester libre face à cette pratique ». Pour Joachim Vallet, il est nécessaire de rester vigilant face aux dérives : « On apprend même aux enfants, à l'école, à respirer sereinement, à se poser. À priori, pas de danger, mais c'est assez délirant de leur inculquer des techniques pour être encore plus calmes alors qu'ils sont déjà assis huit heures par jour en classe ! Quant aux entreprises qui font méditer leurs cadres afin de les rendre plus performants, n'y a-t-il pas un risque de burn-out si, malgré la pratique, ils ne parviennent pas à remplir leurs objectifs ? » À méditer pour ne pas transformer une quête spirituelle en une apologie du capitalisme ou en promotion de l'individualité.

© 2023 Paris-Match France. Tous droits de reproduction et de représentation réservés. Toutes les informations reproduites dans cette rubrique (dépêches, photos, logos) sont protégées par des droits de propriété intellectuelle détenus par Paris-Match France. Par conséquent, aucune de ces informations ne peut être reproduite, modifiée, rediffusée, traduite, exploitée commercialement ou réutilisée de quelque manière que ce soit sans l'accord préalable écrit de Paris-Match France.

Vous êtes hors-ligne
Connexion rétablie...