Attentats : une pilule pour combattre le trauma des victimes
Un chercheur canadien pense pouvoir guérir le mal qui ronge les victimes d’attentat : le stress post-traumatique. Explications.
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- Publié le 14-09-2017 à 12h04
- Mis à jour le 14-09-2017 à 14h47
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Non, vous n’êtes pas dans un épisode de Black Mirror ou dans toute autre dystopie. Il existe bien une pilule capable de supprimer les terribles souvenirs des victimes d’attentats. Alain Brunet, un chercheur canadien qui a pourtant toute sa tête, a mis au point ce remède. Il cible le stress post-traumatique des accidentés de Paris ou de Nice. Sa méthode inédite est l’objet d’un reportage d’«Envoyé Spécial» diffusé ce soir sur France 2.
Le stress post-traumatique, la vie après un attentat
La vie des victimes d’un événement aussi tragique et fort émotionnellement qu’un attentat est changée à jamais. Elles sont sujettes à un stress décuplé et uneanxiété aiguë. C’est ce qu’on appelle communément le stress post-traumatique. Les personnes qui étaient allées voir le concert des Eagles of Death Metal le soir du 13 novembre 2015, les voyageurs présent à l’aéroport de Zaventem le 22 mars, ou celles qui vu ont la course meurtrière du camion sur la Promenade des Anglais le 14 juillet 2016 ne le savent que trop bien.
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Mais ces souvenirs gravés à jamais, qui entraînent aussi dépression et troubles du sommeil, pourraient pourtant être neutralisés. Alain Brunet, spécialiste du traumatisme à l’université McGill de Montréal, a mis au point un remède en France.
L’union d’un médicament et de la psychothérapie
«On fait en sorte que le souvenir traumatique devienne un simple mauvais souvenir… Un peu comme le souvenir d'un ex-petit ami», expliquait déjà Alain Brunet dans Le Parisien en 2016. Pour se faire, sa méthode repose sur deux piliers: la prise de propranolol, un bêtabloquant, et des séances de psychothérapie.
«On fait en sorte que le souvenir traumatique devienne un simple mauvais souvenir»
Le propranolol est un médicament qui sert habituellement à combattre les migraines. Dans le cadre du stress post-traumatique, «il atténue la force émotionnelle d'un souvenir», résume Alain Brunet. Le Canadien a compris son efficacité en observant les recherches de Larry Cahill et Jim Mccaugh en 1997. Cet antimigraineux parvient à enrayer la reconsolidation d'un souvenir traumatique. Les équipes de Brunet profitent de la fragilité de ce processus pour adoucir les souvenirs des victimes.
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La prise de propranolol est accompagnée de six séances avec un psychologue, une fois par semaine. «Le patient prend le médicament, il le laisse agir pendant une heure puis on lui demande d'écrire le souvenir traumatique en employant le temps présent et le recours au «je»», détaille le chercheur. Par étapes, le souvenir devient moins intense et le patient en subit moins le poids lorsqu'il en parle avec un spécialiste.
Des résultats concluants
Alain Brunet teste sa méthode en France depuis le printemps 2016 avec le soutien de l'Assistance publique-Hôpitaux de Paris. À ce jour, ce sont 175 victimes d'attentats qui ont suivi cet incroyable traitement dans une vingtaine d'hôpitaux de France et de Navarre. Le chercheur canadien se félicite des résultats obtenus depuis deux années. «On a montré que cela fonctionnait bien sur environ deux tiers des patients, c'est-à-dire 65-70% des personnes prises en charge», avoue-t-il àfranceinfo.

Sur base du volontariat, les survivants d'attentats peuvent demander à participer à cet essai clinique. Essai qui ne s'arrêtera que lorsque 300 à 400 personnes auront été traitées. 150 cliniciens français ont été formés. Alain Brunet, confiant dans ses recherches, assure au Point qu'il n'a pas observé d'effets secondaires majeurs à ce jour. «Nous n'observons pas de troubles de la mémoire chez les personnes traitées», dit-il. Si cette méthode inédite semble déjà porter ses fruits, nous ne savons pas encore si son efficacité est durable dans le temps.
Bientôt enBelgique ?
Le protocole mis au point par Alain Brunet n'est pas encore disponible dans les hôpitaux belges. Pourtant, il s'agit d'un enjeu majeur de santé publique. Interrogé par Paris Match Belgique, le chercheur nous explique qu'il ne s'agit que d'un «concours de circonstances» et tend la main à ses collègues belges. «Je reste à leur disposition en attendant qu'un désir de collaboration se manifeste», nous dit-il.