Samusocial : courage et amertume des équipes sur le terrain

Un mois après le scandale de l’affaire « Mayeur-Peraïta », les soldats du Samusocial poursuivent leur mission humanitaire. Sur le terrain, les équipes tentent de garder le moral malgré l’amertume et les remarques du public.

Josephine Christiaens
Malgré la déception générale, poursuivre la lutte contre l’injustice sociale et la pauvreté semble plus important que jamais.
Malgré la déception générale, poursuivre la lutte contre l’injustice sociale et la pauvreté semble plus important que jamais.

« Scandalisés », « choqués », « écoeurés ». Si les termes résonnent en boucle dans les couloirs du Samusocial, preuve d’une amertume généralisée au sein des troupes de l’association, les équipes rencontrées donnent l’impression de réciter un plan de communication savamment mis en place en interne.

Opération «sauve qui peut»

La spontanéité semble avoir cédé une opération de communication «sauve qui peut». C'est que l'enjeu est énorme, puisque la chute des dons met tout simplement les activités – essentielles pour de nombreuses personnes en détresse – du Samusocial en danger de mort. En effet, «chaque jour, un donateur nous appelle pour rompre son engagement auprès de nous»,déclare-t-on dans les bureaux bruxellois de l'association.

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On veut montrer que le travail des équipes sur le terrain est essentiel.

Depuis l’éclatement du scandale financier, environ 200 donateurs ont cessé d’apporter leur contribution aux caisses de l’organisation pour un montant mensuel total de 2 000 euros. Loin d’être une paille quand on sait que les dons sur un mois atteignent à peine 31 000 euros.

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Après avoir dans un premier temps refusé tout contact avec la presse, le Samusocial nous a proposé une rencontreles équipes de terrain. Mais face au discours rodé et aux propos mesurés, tout laisse à penser que les équipes ont été briefées avant de nous recevoir. L'objectif ? Regagner la confiance des déçus et redorer au maximum l'image de l'institution. «Nous avons besoin de montrer concrètement ce que l'on fait sur le terrain pour rappeler en quoi nous sommes essentiels dans le paysage institutionnel des sans-abris», répète le directeur de communication du Samusocial, Christophe Thielens.

La tête haute

Ce mercredi 28 juin, les chiffres officiels sont tombés. Au total, 113 400 euros de jetons de présence pour Pascale Peraïta. Près de 112 980 euros brut perçus par Yvan Mayeur. Après la tempête, un vent glacial continue de souffler sur l’enseigne du Samusocial.

En interne comme en rue, «l'ambiance est tendue et bizarre», décritCristina,assistante sociale au sein de la Maraude. «La première réaction de tout le monde a étéle choc. Plus on a reçu d'informations sur ce qu'il se passait, plus on s'est sentisdégoûtés et trahis», confie-t-elle. D'habitude gratifiés pour leur engagement social et solidaire, les travailleurs sont devenusla cible de critiques et de moqueries. «Encore aujourd'hui, on effectuait notre ronde en camionnette quand des passants nous ont pointé du doigt en ricanant», raconte-t-elle.

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Dans la rue, les gens nous ont insulté de voleurs.

La tête haute, tous poursuivent leur combat sur le terrain. Malgré la déception générale, poursuivre la lutte contrel'injustice sociale et la pauvretésemble plus important que jamais. «Quoiqu'il se passe pour l'instant au niveau de l'administration, il faut continuer àse battre pour ce que l'on fait», déclare-t-on au sein des équipes d'aide. Si le moral des troupes reste solide, l'inquiétude subsiste quant à l'avenir du dispositif opérationnelqui apparaît comme vivement menacé.

Projets en danger

Éclaboussé, le Samusocial voit deux de ses grands projets mis en péril. La «MediHalte», le premier (et unique) centre d’hébergement médicalisé pour les sans-abris en Belgique. Etla «Maraude», le dispositif mobile d’aide qui part à la rencontre directe des sans-abris dans la rue. Si ces deux projets ne sont que partiellement financés par les dons, la perte progressive de soutiensne fait que menacer leur pérennité.

Consultation médicale au centre d’accueil MediHalte. ©Samusocial
Consultation médicale au centre d’accueil MediHalte. ©Samusocial

La «MediHalte», c'est 38 places d'hébergements médicalisés mis à disposition des sans-abris blessés, malades ou en procédure d'hospitalisation. Créé il y a deux ans, le centre compte déjà près de 1 000 admissions et assure une assistance médicale aux personnes les plus démunies. La majorité des frais de fonctionnement étant couverte par la donation privée, «le centre ne pourra pas fonctionneren l'état si nous ne recevons plus de dons», affirme Christophe Thielens. «Nous n'avonsaucune garantie sur la durabilitéde son fonctionnement.»Même sortpour les «maraudes» dont les équipes mobiles – déjà en sous-effectif – peinent à êtresur tous les fronts.

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Laisser disparaître des centres comme ceux-ci, c'est mépriser la situation des sans-abris.

Ce jour-là, Roberto et Cristina effectuent leur tournée journalière. Munis de bouteilles d'eau, de vêtements etde kits d'hygiène, ils sillonnent à bord de leur camionnette la commune d'Anderlecht pour partirà la rencontre des sans-abris. À eux deux, ils gèrent«la maraude du jour», celle du soir estassurée par deux autres collègues. «À nous quatre, on est censéscouvrir les 19 communes bruxelloises», déclareRoberto. «Avant on était davantage mais depuis l'affaire financière et les démissions successives des administrateurs, plusieurs postes ont été déplacés dans d'autres centres d'accueil. Résultat, le personnel des maraudesdiminue progressivement»,explique-t-il. «C'est franchement dommage que toute cette histoire, dont nous ne sommes pas responsables, ait un tel impact sur notre travail et mette en péril les projets essentiels du Samu», ajoute Christina.

Christina et Roberto effectuent leur ronde journalière à Anderlecht. ©J.C.
Christina et Roberto effectuent leur ronde journalière à Anderlecht. ©J.C.

Sur le fil du rasoir

Entachée, l'image du Samusocialest à restaurer. Sur l'avenir de l'institution, les membres de la direction se disent«trèsinquiets»et dubitatifsquant à la possibilité de réparer les dégâts causés. «On comprend que l'image est peut-être de manière irréversible écornée, et ce même à nos yeux», regrette Christophe Thielens. «Mais on essaye d'aller de l'avant en sauvant le maximum de ce qui est possible.»

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Beaucoup de choses risquent de changer et ce mêmejusqu'aunom de l'organisation.

Si au niveau opérationnel, la démarche reste la même,«beaucoup de choses risquent de changer, et ce même jusqu'aunom de l'organisation». «Notre démarche prioritaire est de faire tout ce que l'on peut pour restaurer la confiance des gens qui nous ont toujours soutenus.»

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