50 ans après l’Incendie de l’Innovation, nous avons retrouvé la « dame au sac »
50 ans après l’Incendie de l’Innovation, nous avons retrouvé la « dame au sac »
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- Publié le 04-05-2017 à 12h31
- Mis à jour le 04-05-2017 à 12h43
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La photo de cette femme qui avait sauté du toit de l’immeuble avait fait le tour du monde. Elle n’a rien oublié.
Bruxelles, rue Neuve, le 22 mai 1967. Le grand magasin «A l’Innovation» est la proie des flammes. Une tragédie en plein de cœur de l’artère commerçante de la capitale belge. Les clients et le personnel sont pris au piège. Les victimes sont très nombreuses: 251 morts (pas 323, comme on l’écrit souvent) et 62 blessés. A l’époque, tout le monde s’identifie à ces malheureux qui faisaient leurs courses, mangeaient au restaurant, travaillaient… Tout a été très vite, quelques minutes à peine. Un piège infernal. Le drame connaît un retentissement international. Il fait la couverture de Paris Match le 26 mai 1967. Des photos font le tour du monde. Notamment celles prises par le photographe belge Alain Pierrard, d’une femme sur le toit du grand magasin s’apprêtant à se jeter dans le vide. Elle saute finalement en gardant son sac à main. Cinquante ans après, notre journaliste Michel Bouffioux a retrouvé la « dame au sac ». Agée de 82 ans, Monique Lenssens reste très marquée par cette tragédie qui hante encore ses nuits. Pour elle, comme pour les autres témoins qui s’expriment dans le reportage de 16 pages publié dans Paris Match Belgique cette semaine, les flammes de l’incendie ne se sont jamais éteintes.

Cette enquête de Paris Match Belgique revient aussi sur le causes et les responsabilités dans ce dossier tragique. Une instruction judiciaire avait été conclue par un non-lieu en 1970 mais, après avoir eu accès au dossier répressif, l’historien Siegfried Evens est assez perplexe: «Aujourd’hui, je suis persuadé qu’un tel dossier ne déboucherait pas sur un non-lieu. Probablement a-t-on estimé, en 1970, alors que toutes les victimes avaient été indemnisées et que la polémique autour de l’Innovation était retombée, qu’il n’y avait pas lieu de souffler sur les braises.»
Ce chercheur qui va publier dans quelques jours un livre en néerlandais sur l'incendie explique aussi les raisons probables de la tragédie, excluant la thèse d'un acte criminel: «En raison d'une toute petite fuite, du gaz de ville s'est accumulé sous les faux plafonds. Le 22 mai 1967, la défaillance d'un tube luminescent a produit l'étincelle fatale.» Selon Siegfried Evens, «certaines mesures préventives auraient pu limiter l'impact de l'incendie. On a souvent parlé des sprinklers qui n'étaient pas présents mais, à l'époque, ce n'était pas encore une obligation légale. Se pose aussi la question des alarmes. Il y a eu une possible confusion entre l'alarme annonçant la fin de la pause repas et l'alarme incendie. Cette dernière, qui n'a pas fonctionné ou qui a mal fonctionné, était peut-être défaillante. A moins qu'elle n'ait été rapidement endommagée par l'incendie lui-même. C'est une question qu'il n'a pas été possible de trancher. S'ajoute à cela le fait que les faux plafonds n'étaient pas ininflammables. De plus, il n'y avait pas assez de sorties de secours, comme en témoigne le fait que des gens ont essayé de sortir par des fenêtres.»
«Ce qui m’a le plus interpellé en lisant le dossier judiciaire», dit encore l’historien, «c’est la question des panneaux d’aluminium qui avaient été placés en devanture du magasin, côté rue Neuve, avec l’enseigne. Le permis de bâtir obligeait l’Innovation à prévoir une sortie de secours de ce côté-là en rendant amovibles certains de ces panneaux. Cela n’a pas été fait et la Ville de Bruxelles, à l’époque, n’a pas exercé son rôle de contrôleur. Après l’incendie, les corps de 14 victimes ont été retrouvés derrières ces panneaux. »

Des ex-cadres de l’Innovation rencontrés dans le cadre de cette enquête de Paris Match Belgique excluent le thèse d’un défaut de prévoyance du grand magasin. Marguerite Lixon (82 ans), ancienne responsable du service comparaisons déclare : « On n’a jamais eu de sentiment d’insécurité. Tous les six mois, il y avait des exercices d’évacuation et cela fonctionnait très bien. » Claude Richez (77 ans), un ex-directeur, ajoute : « Nous avions nos pompiers à nous qui veillaient. La sécurité était une réelle préoccupation. »
On signalera que les propriétaires actuels de «Galeria Inno» actifs en Belgique depuis 2001, n’ont évidemment aucune responsabilité dans cette tragédie qui s’est produite il y a 50 ans. De plus, cette tragédie a conduit à un accroissement considérable des mesures de prévention incendie dans les grandes surfaces en Belgique.