Molenbeek-sur-Djihad. Pleins feux sur trente ans de dérives
Molenbeek, fabrique de djihadistes. Cliché ou réalité?
- Publié le 18-01-2017 à 17h34
- Mis à jour le 19-01-2017 à 15h32
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A la suite des attentats de Paris et de Bruxelles, la commune bruxelloise a été dépeinte dans la presse mondiale comme un véritable nid de terroristes islamistes. Pour en avoir le coeur net et faire la part des choses entre angélisme et diabolisation, Christophe Lamfalussy et Jean-Pierre Martin, respectivement grand reporter à La Libre Belgique et à RTL-TVI, ont mené une enquête de fond. Ils rapportent de leur immersion dans la municipalité, un livre saisissant publié aux Editions Grasset: «Molenbeek-sur-Djihad».
L’enquête, très documentée, menée dans les archives du royaume, auprès des enquêteurs de l’antiterrorisme et des agents de renseignement, dans le landerneau politique, au contact des acteurs de terrain ainsi qu’au ras du bitume molenbeekois, relate trente années de dérives ayant conduit à l’éclosion de l’un des principaux foyers de radicalisme et de djihadisme en Europe. Tout en prenant soin de ne pas intenter un procès injuste à toute une communauté, ni de faire de Molenbeek la matrice de la djihadosphère, les auteurs ne voilent cependant pas le réel.
A les suivre, on comprend qu’une conjugaison de facteurs a conduit la Belgique – Molenbeek singulièrement, qui les réunissait tous -, à se transformer peu à peu en pépinière de djihadistes. Les clefs du culte islamique ont tout d’abord été confiées à l’Arabie Saoudite dans les années soixante, laquelle ne s’est pas privée de l’accommoder à la sauce wahhabite. Sur ce premier terreau du radicalisme ont ensuite proliféré les prêcheurs salafistes, promoteurs au tournant du siècle d’un Islam des caves et des garages. A cela s’ajoutent l’aveuglement du politique face au repli communautaire – sans le rendre seul responsable de tous les maux de sa commune, Lamfalussy et Martin n’épargnent pas l’ancien bourgmestre Philippe Moureaux, qui a tenu les rênes du pouvoir pendant vingt ans et laissé enfler la ghéttoïsation -, associé au désinvestissement dans les services de sécurité et à l’éparpillement des compétences que l’affaiblissement de l’État fédéral, consécutif aux réformes institutionnelles, n’a cessé d’accentuer.
A l’arrivée, rapporté dans l’ouvrage, il y a ce constat ahurissant de Mohamed Abrini, le terroriste rescapé de l’attaque du 22 mars 2016 contre l’aéroport de Zaventem : «Je suis allé à Raqqa en Syrie et j’ai vu que tout Molenbeek y était!».