Vaccination obligatoire : l'avis circonspect de Marius Gilbert
Combien de temps le coronavirus va-t-il encore impacter nos vies? Comme le détaille Marius Gilbert, la réponse n’est pas aisée. Nombre d’incertitudes demeurent. Avec circonspection, l’épidémiologiste évoque aussi le grand débat qui occupera les politiques dans les semaines à venir, celui de la vaccination obligatoire.
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- Publié le 24-01-2022 à 07h35
- Mis à jour le 24-01-2022 à 07h43
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Paris Match. Nous sommes actuellement en pleine vague Omicron. Va-t-on aller jusqu’à Omega ? La crise sanitaire qui se prolonge va-t-elle épuiser toutes les lettres de l’alphabet grec ?
Marius Gilbert. La question de la durée probable de la pandémie, c'est vraiment le Graal des épidémiologistes ! Tout dépendra de l'efficacité dans le temps de la protection immunitaire que nous offriront à la fois les vaccins et les infections successives dans la population. On peut cependant oser cette note positive : en termes immunitaires, la population vivant aujourd'hui en Belgique n'a plus rien à voir avec celle du début de l'épidémie. Elle est désormais majoritairement vaccinée et, pour une part significative, a connu au moins un épisode de contamination par le SARS-CoV-2. Dans le prolongement de ce constat, on peut envisager que la vague Omicron renforcera encore la réponse immunitaire collective car, dans les semaines à venir, il n'y aura vraiment plus grand-monde qui n'aura pas été vacciné, ou infecté, ou les deux. Cela va provoquer un accroissement des anticorps neutralisants, qui sont une protection de première ligne contre les infections. Mais cela devrait aussi renforcer la protection de deuxième ligne par les lymphocytes B et les lymphocytes T, qui jouent un rôle important dans la prévention des formes sévères de la maladie après une contamination. Ainsi pourrait se développer un « socle de protection » collectif qui permettrait de limiter l'impact du coronavirus pour les infectés de demain, quels que soient les variants.
Ce qui fait dire à certains qu’Omicron nous dirige vers la porte de sortie de la crise sanitaire ?
C’est une possibilité mais ce « socle de protection » pourrait aussi faiblir avec le temps, et on ne peut exclure que de nouveaux variants plus virulents puissent encore nous surprendre. Il faut se souvenir de ce qu’on a vécu avec le variant Delta qui, au fil du temps, a pu franchir la barrière immunitaire des vaccinés, avec des conséquences en termes d’hospitalisation pour les personnes à risque.
Mais si on parvenait à conserver ce « socle de protection »…
Alors, on pourrait envisager de vivre avec le SARS-CoV-2 comme avec le virus de la grippe, c’est-à-dire avec des rappels de vaccination pour les personnes à risque. Dans cette hypothèse, l’épidémie se sera transformée en endémie : le virus sera toujours là et contaminera toujours un certain nombre de personnes chaque année, mais sans que cela ait un impact catastrophique en termes de mortalité et de surcharge hospitalière. Cependant, il ne faut pas encore crier victoire, car nous sommes devant une équation à plusieurs inconnues. Outre les questions quant à la durée de l’immunité et aux nouveaux variants, il y a aussi cette évidence : notre connaissance d’Omicron, le variant qui domine actuellement, est encore floue.
« À ce stade de notre (mé)connaissance, il serait bien imprudent de considérer Omicron comme le gentil virus qu’on peut laisser circuler sans risque»
Le précédent de l’Afrique du Sud, où l’explosion des cas Omicron n’a pas été suivie par une augmentation proportionnelle des hospitalisations, n’est-il pas encourageant ?
Sans doute, mais on constate actuellement une augmentation du nombre de décès dans ce pays. En réalité, des informations divergentes nous proviennent de différentes régions du monde. Dans certaines villes d’Amérique du Nord, les hospitalisations et la mortalité redécollent avec la vague Omicron. Des pays comme le Danemark et l’Angleterre en souffrent aussi, avec des décès en augmentation. En Belgique, les personnes de plus de 65 ans et les personnes immunodéprimées semblent bénéficier d’une meilleure résistance aux formes sévères, sans doute grâce au boost procuré par la troisième dose de vaccin. Pour autant, cela ne doit pas nous faire baisser la garde. À ce stade de notre (mé)connaissance, il serait bien imprudent de considérer Omicron comme le gentil virus qu’on peut laisser circuler sans risque. S’il est vrai que les symptômes d’une primo-infection par Omicron peuvent paraître assez faibles, surtout quand on dispose d’une bonne protection immunitaire, nous n’avons pas encore une vue complète des dégâts qu’il peut provoquer dans le corps humain. À cet égard, on se souviendra que les variants précédents touchaient de très nombreux organes, ceux dans lesquels il y a des récepteurs ACE2. À vrai dire, il reste bien des inconnues sur les effets à long terme des infections par le SARS-CoV-2, et a fortiori par Omicron.

Va-t-on finir par éradiquer ce virus ?
Ce virus est entré dans la communauté humaine et il y a peu de chance qu’il disparaisse. Pour cela, il faudrait un niveau de coordination internationale majeur, avec un vaccin qui permettrait d’empêcher l’infection et la transmission de manière plus durable. On se dirige plus vraisemblablement vers un temps où nous vivrons avec lui sans qu’il nous préoccupe particulièrement.
La vie « normale », sans distanciation sociale, sans masque, c’est pour quand ?
Tout dépendra de la durée de la protection immunitaire et de l’apparition possible de nouveaux variants. Ces deux ou trois prochaines années, nous allons probablement être amenés à utiliser le masque à certains moments clés, en particulier pendant la période hivernale, qui est plus propice à la transmission. Pour nous donner le plus de chance de préserver notre qualité de vie collective, il est essentiel d’enfin envisager une stratégie à long terme qui nous permettra de mieux cohabiter avec le virus. À l’avenir, il ne s’agira pas que de faire des campagnes de vaccination successives.
Que faire d’autre ?
Mettre enfin en chantier un plan ambitieux pour améliorer la qualité de l’air dans tous les lieux où se rassemblent les gens (commerces, salles de spectacle, administrations, entreprises, écoles…). C’est un défi colossal et sans doute est-il compliqué pour les décideurs politiques de mener cette réflexion à long terme dans le contexte de la gestion quotidienne d’une longue pandémie. De plus, dans l’esprit de certains, il y a cette idée que la crise pourrait n’être bientôt qu’un souvenir grâce aux vaccins et aux nouvelles possibilités thérapeutiques. Que l’on pourra passer à autre chose en ayant fait l’économie de ces investissements à long terme visant à l’amélioration des lieux publics par la ventilation, mais aussi des structures de prise en charge, des conditions de travail dans les hôpitaux…
« Il faut investir dans la qualité de l’air comme on a investi dans la qualité de l’eau il y a plus d’un siècle »
Une erreur, alors que le SARS-CoV-2 sera toujours là en embuscade et que l’on pourrait être confrontés à d’autres virus respiratoires à l’avenir ?
Oui. Ce manque d’anticipation serait une erreur manifeste. Le coronavirus est aussi une sonnette d’alarme qui nous rappelle que la voie aérienne est un des mécanismes de transmission important de nombre de virus pandémiques parmi les plus dangereux. Dès lors, socialement, les investissements dans la qualité de l’air sont aussi justifiés que ceux qu’on fait dans le domaine de la sécurité incendie. Personne ne conteste qu’on ne puisse pas ouvrir un lieu public sans que soit mis en place tout un dispositif de prévention du feu et d’évacuation des personnes. En revanche, on hésite sur les investissements à long terme pour limiter des infections respiratoires qui, chaque année, tuent bien plus que le feu… Et qui affectent encore plus notre société quand des épidémies se déclenchent, telle celle que nous connaissons et celles que nous verrons sans doute encore dans le futur, avec l’apparition potentielle de nouveaux pathogènes aériens.
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Quand des personnes meurent en quelques minutes dans un incendie, cela nous terrifie tous. Les caméras débarquent pour filmer les flammes. Peut-être que les morts liées aux infections respiratoires sont plus discrètes ? Vingt, trente, quarante personnes meurent chaque jour du coronavirus, les voit-on encore ?
Cela m’a toujours frappé : il y a des morts qui semblent compter plus que d’autres. Même avant la pandémie, j’étais stupéfait du silence qui entoure l’impact de la pollution atmosphérique en termes d’espérance de vie. Voilà d’autres morts que l’on ne voit pas. Ils ne disparaissent pas de manière spectaculaire mais dans un flux continu, sur la durée.
Inconsciemment, peut-être que les morts du coronavirus nous dérangent. Car si on voulait viser le « zéro mort », il y aurait un prix que nous ne voulons pas payer. Personne en Belgique ne manifeste pour réclamer des épisodes de confinement stricts à la chinoise…
C’est là que l’exemple de la ventilation est intéressant, parce que c’est un investissement qui permet de diminuer les risques d’infection respiratoire sans pénaliser notre vie collective. De plus, cela ne nous préserve pas que des virus et des bactéries, c’est aussi un moyen de limiter l’impact des particules fines. Il faut donc investir dans la qualité de l’air comme on a investi dans la qualité de l’eau il y a plus d’un siècle. Cela implique l’amélioration des normes de construction et de rénovation visant à limiter le risque sanitaire dans les lieux de vie communs. Cette vision d’avenir est présente dans les discours de certains décideurs politiques, mais un grand débat sur cet enjeu peine à démarrer.
Le grand débat des prochaines semaines, ce sera plutôt celui de la vaccination obligatoire. À ce propos, Emmanuel André a twitté : « Combien de temps accepterons-nous encore que, pour protéger des personnes qui refusent le vaccin, nous fermions encore des théâtres, des écoles, des entreprises ? Que l’on rende la vaccination obligatoire ! » Votre avis sur cette question de société est-il aussi tranché ?
Il est plus nuancé. Je pense qu'il y a une vraie difficulté, pour le moment, à se positionner dans ce débat autour de l'obligation vaccinale et qu'à cet égard, les échanges d'arguments qui auront lieu dans l'enceinte parlementaire seront bien utiles. (NDLR : Pour la bonne forme, précisons que cet entretien a été réalisé avant le désignation de Marius Gilbert comme l'un des experts qui devra éclairé les députés dans leur discussion sur la vaccination obligatoire).Je vois une première difficulté évidente, laquelle rejoint le propos que je tenais au début de notre conversation : nous ne nous pouvons pas encore préjuger d'un éventuel changement de donne que pourrait provoquer la vague Omicron. Autrement dit, notre pensée reste très influencée par les situations épidémiques causées par les variants précédents, alors que nous sommes peut-être à un moment charnière de l'épidémie. En plus, il m'apparaît difficile d'avoir un avis tranché sans avoir une vision plus précise et quantifiée de « l'hésitation vaccinale », laquelle permettrait de prendre une option vraiment efficiente pour le bien commun. Grosso modo, on sait qu'il y trois types de non-vaccinés. D'abord, il y a des personnes qui sont radicalement opposées à la vaccination et qui collectent toutes les informations qui pourraient leur servir d'argument. Celles-là, je pense qu'elles préféreront payer une amende plutôt que de se faire vacciner ; l'obligation va juste les braquer un peu plus. Un deuxième public est constitué de personnes précarisées qui ont perdu tout contact avec la médecine. Est-ce qu'une amende va vraiment les aider, ou bien les enfoncer encore plus ? Et puis il y a tous ceux qui ne sont pas forcément opposés, mais qui n'ont pas pris la peine de se faire vacciner. Pour eux, la vaccination obligatoire pourrait aider à franchir le pas.
« La vaccination obligatoire n’est pas une question sur laquelle on peut avancer en aveugle ou qu’on va régler à coup de slogans qui opposent les gens »
Il s’agirait donc de définir l’importance relative de ces trois publics avant d’armer le bazooka de l’obligation vaccinale ?
C’est une évaluation que l’on doit faire, en effet. En Flandre, vu le taux de vaccination fort élevé, on sait que le nombre de « convertibles est faible. En Wallonie, sans doute l’est-il un peu moins. Et c’est sans doute à Bruxelles qu’il y a un réservoir de personnes que l’on pourrait « récupérer » par la vaccination obligatoire. Mais s’agit-il d’un nombre suffisant pour influer sur le problème de la surcharge des soins intensifs ? Alors qu’Omicron semble moins conduire vers l’hôpital ? Et alors que des personnes infectées sont aussi des vaccinés ? Le débat est bien plus complexe qu’il n’y paraît. Il faudra bien mesurer le gain collectif d’une vaccination obligatoire en tenant compte également de ce que cela va coûter en termes politiques, en termes de division de la société, de renforcement de certains sentiments de révolte qu’il faudra aussi gérer.

Cela veut dire que vous êtes plutôt contre l’idée d’une obligation ?
Non, je dis qu’il faudra bien réfléchir collectivement au choix de société que nous allons poser. Ce n’est pas une question sur laquelle on peut avancer en aveugle ou que l’on va régler à coup de slogans qui opposent les gens.
L’une des questions clés n’est-elle pas de savoir si les non-vaccinés représentent un danger en termes de santé publique ?
En réalité, les non-vaccinés représentent d’abord et essentiellement un danger pour eux-mêmes : pour chacun d’entre eux, le risque de développer des formes sévères est nettement plus important, c’est incontestable. Mais en même temps, ils forment un groupe qui ne représente que 12 % de la population et, vu qu’on a bien dû déplorer un certain échappement vaccinal, ils ne représentent pas la majorité des hospitalisations en chiffres absolus. De plus, vu la baisse d’efficacité des vaccins, les non-vaccinés et les vaccinés « deux doses » participent dans une proportion comparable à la transmission, et ce pour toutes les catégories d’âge. Seuls ceux qui ont fait le « boost » ont des incidences plus faibles. Dans ce contexte très nuancé, opposer les uns et les autres a-t-il du sens ?
À vous suivre dans ce raisonnement, on pourrait conclure que la vaccination obligatoire serait une fausse bonne idée ?
Ce serait mal me comprendre. Je donne quelques arguments de ce débat pour montrer qu’il est en réalité très complexe. De l’autre côté de la balance, je souligne encore une fois ce point : les personnes non vaccinées sont moins protégées des formes sévères.
C’est donc plus pour leur bien que pour leur capacité à protéger la société que l’on pourrait forcer ces personnes à se faire vacciner ?
Pour moi, c’est clair : la vaccination obligatoire doit être envisagée sous l’angle de la protection des personnes, pas comme un outil de gestion de la pandémie qui permettrait de faire l’économie d’autres mesures structurelles. Par analogie, quand on a décidé de rendre la ceinture obligatoire, c’était avant tout pour protéger les personnes. On leur a imposé une contrainte pour leur bien et cela n’a pas empêché d’améliorer considérablement les aménagements routiers pour diminuer le risque d’accident. C’est dans cet esprit que devrait se situer la motivation centrale d’une éventuelle obligation vaccinale. À Bruxelles, un tiers des plus de 65 ans ne sont pas vaccinés. Cela représente des milliers de personnes qui sont particulièrement à risque de se retrouver aux soins intensifs si elles sont infectées. Avec un virus qui circule plus, leur exposition va encore augmenter. En voyant les choses sous l’angle de l’État qui se doit de protéger ses citoyens, il y a une légitimité à soutenir une obligation vaccinale pour ces personnes- là. Mais là encore, il faudra prendre en compte deux choses : la part des non-vaccinés qui disposent d’une protection immunitaire par les infections naturelles, et la nouvelle donne éventuelle qu’apporterait un Omicron potentiellement moins virulent. On devra aussi discuter de la définition d’une personne à risque. S’agit-il, comme le suggèrent certains, de tout individu de plus de 50 ans ? Pour des segments de la population, on pourrait considérer que l’obligation se justifie pleinement, mais pour d’autres, il pourrait y avoir discussion.
D’évidence, le débat sera cornélien. Ne serait-ce pas mettre le ver dans le fruit que de chercher à créer des catégories ?
C’est aussi un élément de la discussion.
Au regard de certaines déclarations politiques fortes, on croit comprendre que l’obligation vaccinale est le sésame pour sortir de cette crise sanitaire ?
Croire que, par ce biais, la question de la surcharge hospitalière serait réglée et qu’on pourrait se passer des autres mesures, c’est un leurre. En d’autres termes, l’obligation vaccinale ne mettrait pas fin à la crise sanitaire. Un nombre significatif de personnes vaccinées continueraient à être hospitalisées. De plus, il y aurait toujours un certain nombre d’irréductibles. On n’arriverait jamais à 100 %.
Mais on allégerait un peu la charge hospitalière ?
Sur la base des données du variant Delta, on aurait pu espérer une réduction de 20 % des hospitalisations. Mais nous sommes aujourd’hui dans la vague Omicron. La situation est trop mouvante pour formuler des avis définitifs. Avec Omicron, on pourrait constater dans les semaines à venir des risques d’hospitalisation et de soins intensifs plus faibles pour tout le monde, même si les non-vaccinés demeureront plus à risque que les vaccinés. Mais il faudra aussi jauger l’effet de la diminution dans le temps de la protection immunitaire et l’impact des nouveaux variants éventuels.
Les personnes qui refusent le vaccin invoquent leur liberté de choix. Mais dans la mesure où elles prennent volontairement le risque de tomber plus gravement malades, cet argument est-il tout à fait recevable ? La liberté individuelle qui cause un problème à la collectivité ne doit-elle pas être limitée ? Au Canada, par exemple, on envisage de taxer les non-vaccinés.
Si on rentre dans cette logique, ne risque-t-on pas de mettre à mal des principes fondamentaux de santé publique ? Ne serait-ce pas le premier pas vers une « responsabilisation » des patients qui conduirait vers une sécurité sociale qui ne couvrirait plus les « comportements à risques ». Jusqu’où pourrait-on alors aller ? Ne plus couvrir les cancers du poumon, les maladies liées à la consommation d’alcool, supprimer l’intervention de la collectivité pour les accidentés de la route qui auraient été en excès de vitesse ? On s’arrête où ?
« Il faut que les non-vaccinés s’en rendent compte : ils bénéficient de l’effort qu’ont fait les vaccinés pour eux-mêmes, mais aussi en tant que membres solidaires de la collectivité »
Chaque non-vacciné ne devrait-il pas réfléchir au coût pour la collectivité du choix qu’il pose ?
Comme je l’ai détaillé, ce coût réel doit faire l’objet d’une évaluation et, quoi qu’il en soit, il ne faut pas désigner les non-vaccinés comme des moutons noirs. En même temps, il faut que les non-vaccinés se rendent compte qu’ils bénéficient de l’effort qu’ont fait les vaccinés pour eux-mêmes, mais aussi en tant que membres solidaires de la collectivité. Sans ces derniers, la situation sanitaire serait beaucoup plus grave. Autrement dit, s’il y a encore de la place dans les hôpitaux pour les non-vaccinés mais aussi pour faire face à l’ensemble des urgences médicales, c’est grâce au succès de la campagne de vaccination, qui a permis la diminution des formes sévères.
En quelque sorte, les vaccinés ont fait le job ?
Voilà ! C’est une manière positive de présenter les choses. Ma conviction est qu’il y a un avantage individuel et collectif de la vaccination mais, en même temps, les jugements moraux sur les uns et les autres ne nous mènent nulle part. Quand on entre sur cette voie, c’est sans fin. Est-ce qu’une personne vaccinée qui a une empreinte écologique gigantesque par ses comportements est plus vertueuse en termes de santé publique qu’une personne qui a fait le choix de ne pas se faire vacciner mais qui respecte scrupuleusement les gestes barrières et est relativement frugale en termes de contribution à l’émission de gaz à effet de serre ? Si on commence à poser des jugements moraux sur l’impact indirect des comportements de chacun en matière sanitaire, on ne va pas en sortir.
Le virus ne contamine-t-il pas autant la société que les individus, en favorisant conflits et polarisation ?
C’est à la fois le virus et la manière dont on le gère. Je pense que les mesures qui divisent la société sont des mesures de court terme dont on paie le prix à long terme. Elles devraient donc être utilisées avec énormément de parcimonie.