L' "affaire Sanda Dia" a traumatisé la Flandre... La faute à qui ?
Le jugement provoque un véritable traumatisme en Flandre, au point de faire l’objet d’une interpellation du ministre de la Justice en séance plénière de la Chambre.
- Publié le 09-06-2023 à 15h30
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Sanda Dia était un jeune étudiant universitaire de 18 ans, d’origine mauritanienne, décédé en 2018 des suites du bizutage horrible que lui ont fait subir les membres d’un club pour étudiants aisés appelé le «Reuzegom», affilié à l’Université catholique de Leuven. Il est mort et avait enduré auparavant des insultes et humiliations à caractère raciste. Son décès avait suscité une immense vague d’émotion en Flandre.
Le jugement qui a été rendu la semaine dernière n’a certainement pas contribué à l’apaisement. Aucun des dix-huit prévenus n’a été condamné à la moindre peine de prison, juste des travaux d’intérêt général et des amendes d’un montant de l’ordre de 400 euros, même pour les étudiants qui étaient physiquement présents lorsque Sanda Dia est mort de froid dans un trou. Il n’y aura même pas la moindre inscription des faits dans leur casier judiciaire.
On peut donc dire que ces peines prononcées par la justice sont légères: c’est un fait. Elles alimentent assez naturellement le soupçon d’une justice de classe, qui aurait la main lourde avec les faibles mais qui, lorsqu’elle se retrouve face à des riches et des puissants, montre davantage de mansuétude.
La colère, surtout chez les jeunes en Flandre, est telle, par rapport au jugement, que certains youtubeurs et stars des réseaux sociaux se sont mis au doxxing, le fait de balancer sur la place publique les données personnelles confidentielles d’une personne. C’est ce qui s’est produit notamment avec le youtubeur Acid : il a jeté en pâture, à la Flandre entière, le nom et les coordonnées de plusieurs des étudiants du club Reuzegom, de leurs parents ou même de leurs avocats. Et ce qui devait arriver arriva : une avalanche de menaces, d’insultes et de harcèlement pour ces citoyens. Certains ont dû fermer leur restaurant tellement ils étaient assaillis de commentaires négatifs liés à «l’affaire Sanda Dia».
L’émotion a rebondi en séance plénière de la Chambre lorsque Raoul Hedebouw a essayé de s’engouffrer dans la brèche en dénonçant cette justice trop clémente envers les riches. Le ministre de la Justice lui a répondu que la justice, ce n’est pas TikTok et qu’un jugement de plus de 100 pages avait été rendu dans cette affaire.
Alors, on peut – on doit, même – être horrifié par ce qui est arrivé à Sanda Dia. Il n’y a pas de mots pour décrire ce que ses bourreaux lui ont fait subir et le fait qu’ils l’ont laissé mourir comme une bête. Mais on ne peut pas constamment douter du glaive de la Justice. C’est le fondement même de notre État de droit et la fierté de notre démocratie. Des magistrats, des femmes et des hommes compétents ont examiné un dossier en profondeur et ont rendu un jugement.
C’est un jeu très dangereux que de faire croire que la justice n’aurait pas été rendue de la même manière dans d’autres circonstances. Un jeu dangereux qui porte un nom : le populisme. M. B.