Les Belges vont-ils devoir aller voter anticipativement ?

Le spectacle offert ces derniers jours par les partis du gouvernement est lamentable. L’unité pour sauver le pays est (déjà) bien loin.

Martin Buxant
 Les Italiens de Belgique, y compris binationaux, ont déjà voté pour ces élections générales.
Retour aux urnes prématuré, bien avant le 13 octobre 2024, date des prochaines élections ? Le spectacle offert ces derniers jours le laisse croire. ©New Africa - stock.adobe.com 

Par Martin Buxant

Aux urnes, citoyens? C’est une bonne question au vu du spectacle que nous offrent les responsables politiques depuis le 1er mai : il n’y a plus de respect, ni mesure ni tempérance entre des gens censés gouverner ensemble et incarner l’intérêt collectif belge. Je parle ici du gouvernement fédéral et des sept partis qui le composent. Ou le décomposent, si vous préférez.

Alors, comprenons-nous bien : il n’est écrit nulle part qu’il faut être copains ou partir en vacances ensemble pour diriger un pays. Mais de là à se faire des crocs-en-jambe et se planter des poignards dans le dos en permanence, il y a un fossé. Et devant onze millions de Belges médusés par tant de médiocrité, on ne peut faire qu’une chose : être désolé.

Plusieurs questions méritent d’être examinées. La première est de savoir si les partis du gouvernement ont intérêt à aller vers des élections anticipées. La réponse est clairement non. Tous les sondages d’opinion récents montrent que seuls les partis d’opposition sortiraient vainqueurs d’un scrutin avancé, à l’exception notable des socialistes flamands de Vooruit, emmenés par leur président Conner Rousseau.

Côté francophone, aller voter cet automne, c’est garantir la présence d’une vingtaine de députés PTB, au moins, dans le prochain hémicycle fédéral. Et côté flamand, c’est faire augmenter le quota de parlementaires d’extrême droite. Bref, les partis de la Vivaldi perdront beaucoup de plumes en cas d’élections anticipées.

L’autre grande question est de savoir quel est l’intérêt des Belges dans ce chaos foutraque qu’est devenue la scène politique du Plat Pays.

Un chaos foutraque : voilà ce qu’est devenue la scène politique belge

Aller voter aujourd’hui, outre un «carton» des extrêmes, c’est s’assurer une période de formation gouvernementale XXL. On va battre tous les records de longévité sans exécutif et, pour le dire platement, on va tourner des mois autour de la question de savoir comment marier N-VA et écologistes, libéraux et socialistes, pour avoir une majorité sans PTB et Vlaams Belang. C’est uniquement de cela qu’il s’agira.

Bien sûr, on a déjà fait sans gouvernement fédéral et cela ne s’est pas mal passé. On appelle cela «les affaires courantes». Mais aujourd’hui, c’est impossible à imaginer : l’économie est chancelante, le trou budgétaire et la dette se creusent jour après jour, le climat se réchauffe, les pensions et les soins de santé doivent être réformés. Bref, on ne peut pas se contenter d’une Belgique en affaires courantes pendant des années. Ça ne fonctionnera pas.

Le gouvernement De Croo a subi des modifications (dont le départ de Sophie Wilmès, ici à gauche) depuis le 1er octobre 2020, mais il n’a jamais été autant en danger.
Le gouvernement De Croo a subi des modifications (dont le départ de Sophie Wilmès, ici à gauche) depuis le 1er octobre 2020, mais il n’a jamais été autant en danger. ©POO

L’intérêt des Belges, c’est d’avoir un vrai gouvernement qui décide. Il faut un pilote dans l’avion noir-jaune-rouge.

La première solution serait que les partis actuellement au gouvernement se ressaisissent et fassent primer l’intérêt collectif, en réformant ensemble et en allant au bout de leur mandat. Ce serait l’idéal, mais on a arrêté d’être naïf depuis un bon bout de temps, et cette reprise en main est hautement improbable.

Du coup, doit-on accepter une régionalisation plus poussée des compétences parce que les partis sont incapables de gouverner ensemble? Est-ce cela, la clé? Bizarre, alors que la majorité des Belges ne le souhaitent pas, ne veulent pas d’un détricotage plus poussé de leur pays. Le surréalisme a encore de beaux jours devant lui.

Retour aux urnes prématuré, bien avant le 13 octobre 2024, date des prochaines élections? Le spectacle offert ces derniers jours le laisse croire.

Le gouvernement De Croo a subi des modifications (dont le départ de Sophie Wilmès, ici à gauche) depuis le 1er octobre 2020, mais il n’a jamais été autant en danger.

Vous êtes hors-ligne
Connexion rétablie...