Étions-nous plus heureux avant ?

Ils sont 44 % des 14-17 ans à se décrire comme « éco-anxieux ». Les jeunes veulent une autre société. Mais le système dans lequel nous vivons n’a pas été pensé avec ce paradigme.

"Consommez plus, vous vivrez moins" : les jeunes réclament un changement de société.
"Consommez plus, vous vivrez moins" : les jeunes réclament un changement de société. ©Mehdi Chebil/Polaris

Par Martin Buxant

Ça ne tourne pas rond dans nos têtes, ça cogite et ça s’agite : voyez le chanteur Stromae poursuivi par la dépression, voyez aussi le nombre en grosse augmentation de jeunes qui se placent sous statut social, incapables, disent-ils, de travailler. Voyez encore le nombre d’adolescents (les chiffres sont sortis dans le JDE récemment) qui se disent inquiets quant à leur avenir. Ils sont 44 % des 14-17 ans à se décrire comme « éco-anxieux ». Ça ne va pas fort, et c’est un euphémisme, dans un pays, la Belgique, où la consommation de somnifères et d’antidépresseurs est un sport national. Cela m’amène à me poser, à nous poser la question qui va me faire passer pour le « boomer » de service : étions-nous plus heureux avant ?

Ne remontons pas aux Golden Sixties, je ne les ai pas connues. Les années 1980, c'est déjà bien, mais tous ceux qui les ont traversées, ces années-là, savent que la vie y était plus tranquille, le rythme plus paisible. On y était – forcément – moins tributaire des notifications des groupes WhatsApp : tout juste le téléphone familial sonnait-il une fois par jour dans la cuisine. Moins de pression, moins d'urgence. Le mot « réchauffement climatique » était inconnu au bataillon.

L'insouciance n'était pas totale : il y avait certes quelques vieilles craintes de guerre froide ou de resserrement budgétaire tendance Martens/Dehaene mais, franchement, rien de comparable avec ce qu'on met aujourd'hui sur la casquette des jeunes et la nôtre, entre la planète qui brûle, la pandémie mondiale de Covid et la guerre en Ukraine qui menace de dégénérer en apocalypse nucléaire, le tout relayé à la vitesse d'Instagram et de TikTok. Alors, forcément, comment voulez-vous que ça aille dans la tête de nos ados ?

Je ne suis pas pédagogue, encore moins psychologue, juste journaliste. J’observe, je relaye, je commente, et je note que les jeunes de 2023 veulent, de manière générale, bosser moins dur que ce que nous avons pu faire, nous les enfants des années 1970 et 1980. C’est priorité à la qualité de vie et ils ont certainement raison. Problème, le système dans lequel nous vivons n’a pas été pensé avec ce paradigme : sans force de travail, pas de bien-être à la clé, du coup pression et dépression. La semaine de quinze heures de travail, ça ne marche évidemment pas dans un système où votre voisin va aligner 80 heures de boulot.

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guillement

Attention, Raoul Hedebouw, sors de ce corps ! Je ne dis pas qu'il faut renverser le système, mais nous devons trouver le moyen de redonner de l'enthousiasme à la jeunesse

Attention, Raoul Hedebouw, sors de ce corps ! Je ne dis pas qu’il faut renverser le système, mais il faut à tout le moins trouver le moyen de redonner de l’enthousiasme et de la confiance à notre jeunesse. Si un jeune sur deux est anxieux ou déprimé en Belgique, ça ne peut pas fonctionner. Et on ne peut pas non plus fermer les yeux.

Maintenant, peut-être faut-il expliquer et réexpliquer qu’on n’est pas si mal que cela et mettre l’accent sur ce qui va bien et sur le positif. Regardez le projet européen, par exemple. Comment, en l’espace de quelques années, on a créé une identité, un sentiment, une fierté d’être de Bruxelles, Berlin, Madrid, Athènes ou Paris, mais aussi d’être européen. Quel parcours !

Bien sûr, ce n’est pas un antidote total à la déprime, j’en conviens, mais se retourner et pouvoir se dire « Voilà, je partage des valeurs avec des millions d’autres jeunes, et ensemble on va construire le futur que nous voulons pour ce continent », c’est peut-être un premier pas. Et ça va forcément aider à voir le verre à moitié rempli plutôt qu’à moitié vide.

Mais peut être suis-je un boomer naïf…

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