Qui sera le prochain patron de la Belgique ?

Après le passage en force espéré par Bart De Wever pour tuer le pays, voici Paul Magnette qui veut devenir Premier ministre après les élections de 2024. La campagne est bien lancée.

25 janvier. Paul Magnette et Elio Di Rupo lors de la visite du centre universitaire Zénobe Gramme. Le premier porte l’écharpe nationale. Mais il en veut plus. Le second, lui, a déjà été Premier Ministre !
25 janvier. Paul Magnette et Elio Di Rupo lors de la visite du centre universitaire Zénobe Gramme. Le premier porte l’écharpe nationale. Mais il en veut plus. Le second, lui, a déjà été Premier Ministre ! ©DLE

Par Martin Buxant

Ça se bouscule pour entrer au 16 rue de la Loi et devenir le prochain Premier ministre belge. À un an et demi des élections, certains sonnent l’offensive, sachant qu’en cyclisme comme en politique, il est rare que les longues échappées solitaires ne soient pas rattrapées par le peloton ou un groupe de poursuivants avant la ligne d’arrivée électorale. Ceci étant, il est réjouissant de voir que, dans un pays qu’on dit en plein délitement régionaliste, le poste de Premier ministre fédéral suscite encore autant d’intérêt et de convoitise. C’est sans doute la preuve qu’il n’est pas tout à fait inutile.

Pour reprendre la métaphore cycliste, Paul Magnette, le président du PS, a mis le premier coup de pédale en se déclarant ouvertement candidat. Si on était moqueur, on dirait qu’il a pris sa dose d’EPO un peu tôt, tant il a surpris ses concurrents et les a laissés sur place au démarrage. En 2019, le Carolo, patron du plus grand parti de la Vivaldi, s’est effacé pour offrir le maillot jaune à Alexander De Croo(*). Il est bilingue et intelligent. Mais a-t-il le profil besogneux de faiseur de compromis que nécessite la fonction de Premier ministre ? À voir.

Personnellement, je l'aurais plutôt vu comme commissaire européen, l'Europe étant sa vraie passion. Là, il serait plus en phase avec ses aspirations profondes. On est davantage ici dans le positionnement tactique visant à dire : « C'est moi et c'est seulement moi le patron en Belgique. »

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En cyclisme comme en politique, il est rare que les longues échappées solitaires ne soient pas rattrapées par un groupe de poursuivants avant la ligne d'arrivée électorale

S'il y en a un à qui cette échappée n'a pas plu, c'est Bart De Wever, l'inévitable président de la N-VA. Immédiatement, il est monté en danseuse et a appuyé sur ses pédales. « C'est un gros non ! » a-t-il lancé. Mais qu'a-t-il à offrir à la place ? Son confédéralisme dont personne ne veut vraiment, à part lui et le Vlaams Belang ? Bonne chance pour aller chercher une majorité des deux tiers et le poste de Premier ministre avec son désormais célèbre « passage en force ». On ne peut pas dire non plus que la vitrine que lui offre actuellement la ville d'Anvers soit réellement valorisante et donne envie de faire de l'homme politique un Premier ministre.

Comme son ami Bart De Wever, Theo Francken est très clair concernant les envies de Paul Magnette : « Si on nous donne le confédéralisme, pourquoi pas ? Les francophones peuvent faire ce qu’ils veulent avec les résidus. Donnez-nous notre autonomie et pas de problème pour moi. Si nous avons le confédéralisme en Flandre, tout le monde peut devenir Premier ministre de la Belgique, ça ne m’intéresse plus. » ©Anthony Dehez © Photo News
Comme son ami Bart De Wever, Theo Francken est très clair concernant les envies de Paul Magnette : « Si on nous donne le confédéralisme, pourquoi pas ? Les francophones peuvent faire ce qu’ils veulent avec les résidus. Donnez-nous notre autonomie et pas de problème pour moi. Si nous avons le confédéralisme en Flandre, tout le monde peut devenir Premier ministre de la Belgique, ça ne m’intéresse plus. » ©Anthony Dehez © Photo News

Mais, dans le peloton, il y en a d’autres qui ont les mollets qui démangent. On citera surtout le team bleu avec les coureurs Alexander De Croo, tenant du titre, et Georges-Louis Bouchez, spécialiste des contre-la-montre, puisque c’est avant tout contre lui-même qu’il se bat. A-t-il une personnalité suffisamment ronde pour accéder au 16 rue de la Loi ?

Notre vie politique n'est pas encore le Tour de France, mais on enregistre déjà des attaques, des coups de fatigue, des cols à franchir – pensez à cette réforme fiscale qu'on attend toujours – et des spectateurs qui critiquent mais ne font rien. Là, je pense au PTB.

Il n'y a pas de doute, on va se régaler !

(*) Même Alexander De Croo, qui entretient effectivement de bonnes relations avec Paul Magnette, n'a pas trouvé amusante la volonté de ce dernier de devenir Premier ministre. « Nous sommes à un peu moins de 500 jours des élections. Apparemment, M. Magnette travaille là-dessus. Si j'étais lui, je travaillerais sur le gigantesque écart – qui ne cesse de se creuser – entre le nombre de travailleurs en Flandre et le nombre de chômeurs en Wallonie ». Et toc ! « Peut-être que chacun devrait faire son travail », a conclu le Premier ministre sur le plateau du VTM Nieuws dimanche dernier. « Peut-être devrions-nous faire ce qu'on attend d'un politique. »

LA MARGARET THATCHER 2.0

Zuhal Demir, un sacré personnage au 16 rue de la Loi ? ©Bert Van Den Broucke / Photonews
Zuhal Demir, un sacré personnage au 16 rue de la Loi ? ©Bert Van Den Broucke / Photonews ©BVB

Puisque Paul Magnette en a fait un sujet d’actualité en posant sa candidature (alors que les élections ne sont prévues qu’en mai ou juin 2024), d’autres noms circulent pour ce futur poste de Premier ministre. Conner Rousseau (patron des socialistes flamands de Vooruit) et Georges-Louis Bouchez, en tête, n’ont jamais caché leurs intentions de devenir chef du gouvernement, d’autant les sondages prédisent que leurs partis seront incontournables en 2024.

Une femme aussi se dégage du lot : Zuhal Demir. Actuelle ministre flamande de l’Environnement, cette figure de la N-VA est davantage connue en Wallonie pour ses photos en tenue légère au Parlement lorsqu’elle était secrétaire d’État. Mais le feuilleton de l’aéroport de Bruxelles-National la ramène dans une autre lumière, comme l’explique Martin Buxant : « Ce dossier est une véritable saga à laquelle on aura droit durant plusieurs mois. Et si vous avez aimé la saison 1 avec l’aéroport de Liège, vous allez adorer la saison 2 consacrée à Bruxelles-National. Elle risque de faire beaucoup plus de bruit. À titre de comparaison, l’aéroport de Liège concerne 10 000 emplois.

Brussels Airport, c’est 60 000 emplois directs et indirects. Cela vous donne un ordre de grandeur des problèmes qui arrivent et de leurs conséquences. Tous les ingrédients sont réunis ici pour une série explosive : une ministre star, des disputes entre politiques, et même des cochons ! Le point de tension, c’est le fait que le permis d’environnement de l’aéroport arrive à expiration le 8 juillet prochain. Sans celui-ci, délivré par la Flandre – même si l’aéroport appartient pour 25 % à l’État fédéral, il est bien situé dans la commune flamande de Zaventem –, aucun avion ne décollera ni n’atterrira à Bruxelles-National à partir du 9 juillet. Vous imaginez la catastrophe pour un aéroport qui, chaque année, voit passer environ 25 millions de passagers ? Et qui doit délivrer ce permis ? Zuhal Demir.

La ministre star de la N-VA en charge de l’environnement au gouvernement flamand, c’est la Margaret Thatcher 2.0 : une intransigeance énorme et un vrai sens politique aiguisé. Mais l’intéressée traîne comme un boulet le fait qu’elle n’arrive pas à dégager un grand accord-cadre sur la pollution à l’azote au niveau flamand, notamment parce qu’elle se heurte aux éleveurs de porcs, très puissants en Flandre. Eux sont protégés et soutenus par le CD&V. Les porcs, en Flandre, ça pèse. C’est un secteur très lourd. Or l’aéroport de BXL est lui aussi un gros émetteur de pollution à l’azote et Demir, qui n’a pas froid aux yeux, fait du chantage : si le CD&V n’accepte pas son plan de réduction de pollution et n’abandonne pas les éleveurs de porcs, elle ne délivrera pas le permis d’environnement pour l’aéroport. Dura lex, sed lex : la loi est dure, mais elle s’applique à tous. Alors, crédible, Demir ? À voir.

Quand l’économie flamande, qui marche sur deux jambes, le port d’Anvers et l’aéroport de Zaventem, va se rendre compte que la ministre veut lui en supprimer une, ça va faire très mal. Mon pronostic : jamais la ministre N-VA n’osera aller au bout de son raisonnement et de ses menaces. »

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