Élection de Bolsonaro : "Le peuple de Raoni est en danger"

Responsable des programmes d'Amazon Watch, qui travaille avec les peuples autochtones du bassin amazonien, Christian Poirier a répondu à nos questions à l'occasion de l’élection de Jair Bolsonaro à la tête du Brésil.

La Rédaction
Camille Hazard
Le Cacique Raoni, grand chef du peuple kayapo.
Le Cacique Raoni, grand chef du peuple kayapo. ©© Thomas PADILLA

Responsable des programmes d’Amazon Watch, qui travaille avec les peuples autochtones du bassin amazonien, Christian Poirier a répondu à nos questions à l’occasion de l’élection deJair Bolsonaro à la tête du Brésil.

Paris Match. L'élection de Jair Bolsonaro est-elle la pire chose qui soit arrivée aux peuples d'Amazonie ?

Christian Poirier.Oui, le peuple de Raoni – les Kayapo – ainsi que tous les peuples autochtones du Brésil sont en danger, menacés par la future administration de Jair Bolsonaro. On peut même dire que c'est la première fois depuis la fin de la dictature militaire de 1985 qu'ils le sont autant. Tous les projets qu'envisage M. Bolsonaro tendent à réduire à néant l'existence de ces familles. Depuis le début, il n'a cessé de donner des discours ultra-violents à leur égard, de crier des phrases racistes et choquantes. On va assister à une impunité de l'État face aux activités qui pourraient menacer voire détruire les terres indigènes.

Quelles sont les peurs des autochtones ?

Jair Bolsonaro compte supprimer la « Démarcation » des terres indigènes pour les exploiter à des fins industrielles sans même consulter les peuples d'Amazonie. Il a dit qu'il s'y trouvait une immense richesse qu'il fallait à tout prix exploiter (le minerai, ndlr). Avec la suppression de ce droit inscrit à la constitution brésilienne, les terres indigènes vont bientôt être sujettes à de grands projets industriels qui pourraient provoquer de violents conflits entre ses occupants et ses futurs conquérants. Il a également déclaré qu'il souhaitait développer la construction de barrages hydroélectriques sur le même modèle que celui de Belo Monte. Par exemple, sur le fleuve Tapajos, le gouvernement veut bâtir plusieurs centrales sans consulter les peuples Munduruku qui en dépendent. C'est terrible! L'industrie du soja va elle aussi considérablement perturber la vie des autochtones, avec l'arrivée d'hidrovias (l'utilisation des fleuves pour faire passer les paquebots, ndlr), ainsi que la construction de chemins de fer pour transporter les cultures.

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Christian Poirier et le Cacique Raoni. © DR
Christian Poirier et le Cacique Raoni. © DR

Que pourrait légiférer M. Bolsonaro pour déstabiliser les indigènes ?

La constitution de 1988 protège les terres et le mode de vie des autochtones. Cet ensemble pourrait être détruit par un gouvernement qui ne reconnaît pas le droit des peuples, tout comme leurs cultures, leurs terres, leurs ressources. Surtout que Jair Bolsonaro a le pouvoir discrétionnaire. Au niveau politique, il envisage de mettre fin aux battues forestières qui visent à détecter toutes les activités forestières illégales. Il veut aussi fusionner le ministère de l'Environnement avec le ministère de l'Agriculture. Cela va forcément avoir un impact très grave sur les peuples qui vivent dans la forêt amazonienne. Tout le travail de contrôle va disparaître et laisser encore plus de liberté aux mafias de s'implanter.

guillement

Le mouvement autochtone est très puissant au Brésil.

Comment Jair Bolsonaro a-t-il pu être élu avec son étiquette de climatosceptique alors que le Brésil contient sur son territoire les 3/5èmes du poumon vert de la planète, l'Amazonie?

À l'inverse des Américains, les Brésiliens sont conscients de l'existence du changement climatique. Mais les questions environnementales ont peu été abordées dans l'élection. Elles ont été laissées de côté par les débats centrés sur les problèmes économiques et sociétaux du pays. Beaucoup de Brésiliens s'estiment en insécurité. C'est notamment en jouant les Trump sur ce dernier point que M. Bolsonaro a pu séduire ses électeurs tout en continuant à délivrer, sans se cacher, des messages de haine envers les peuples indigènes d'Amazonie.

Des autochtones d’Amazonie. © DR
Des autochtones d’Amazonie. © DR

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