Présidentielle française : le résumé du débat inédit entre les 11 candidats

Après près de 4 heures d'échanges, la rédaction de Paris Match vous résume le deuxième débat de la présidentielle, diffusé mardi soir sur CNews et BFMTV.

La Rédaction
Mariana Grépinet
Eric Hacquemand
Bruno Jeudy
Virginie Le Guay
Yannick Vely
Ce mardi 4 avril était diffusé un débat télévisé réunissant les onze candidats à la présidentielle.
Ce mardi 4 avril était diffusé un débat télévisé réunissant les onze candidats à la présidentielle.

Les onze candidats à la présidentielle française ont échangé pendant près de quatre heures. Résumé du débat diffusé mardi soirsur BFMTV et CNews.

Difficile de résumer en quelques lignes les heures de débat qui ont opposé mardi soir les candidats à l’élection présidentielle, sur CNews et BFMTV. Les journalistes du service politique de Paris Match ont néanmoins tenté de dégager ceux des candidats qui ont su tirer leur épingle du jeu au terme de cette deuxième confrontation, à moins de 20 jours du premier tour.

Le podium de Bruno Jeudy, rédacteur en chef politique et économie

Jean-Luc Mélenchon : Il a introduit d'emblée «Le Grand débat» avec la bonne dose de gravité. N'a pas cherché, cette fois ci, à se mettre au centre du débat mais est monté au créneau au bon moment contre Marine Le Pen sur la défense de la laïcité. S'est défendu contre Benoît Hamon lorsqu'il a essuyé une critique sur ses propositions sur l'Europe. Le candidat de la France insoumise confirme qu'il maîtrise cet art du débat y compris dans un match à 11, forcément plus compliqué.

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François Fillon : Il a commencé avec précision, démontrant une stature présidentielle, se plaçant ainsi à la bonne hauteur. Ensuite, il n'a pas cherché à répondre à toutes les attaques, préférant des réponses chirurgicales notamment contre Nicolas Dupont-Aignan, très agressif contre lui. Il a riposté en lui rappelant son passage au cabinet de François Bayrou. Un scud efficace à droite. Il a tenté quelques attaques contre «madame Le Pen» avec plus ou moins de réussite. Ensuite, il a laissé passer «l'orage» sur les affaires avec quelques maladresses de langage comme l'emploi du mot «interrogatoire» adressé aux journalistes, à plusieurs reprises.

De gauche à droite : François Fillon (Les Républicains), Jean-Luc Mélenchon (La France insoumise) et Jean Lassalle (Résistons).
De gauche à droite : François Fillon (Les Républicains), Jean-Luc Mélenchon (La France insoumise) et Jean Lassalle (Résistons). ©AFP or Licensors

Emmanuel Macron : Le favori n'a pas été étincelant mais n'a pas commis de faute. Après une introduction brouillonne, il a voulu répondre à tout le monde. Il s'est fait mettre dans les cordes par François Asselineau. Ensuite, il a fait profil bas. Il a courageusement défendu ses positions pro-Europe et confirmé sa loi de moralisation de la politique. Une des conditions posées par son allié François Bayrou pour le rallier.

Mention spéciale à Nathalie Arthaud. Parmi les «petits», la candidate de Lutte Ouvrière est celle qui est restée concentrée sur ses propositions. Dans son couloir, la défenseure des «travailleurs, travailleuses» n'a pas cherché à faire le show (façon Jean Lassalle), ni surjoué le je m'enfoutisme (comme Philippe Poutou) ou encore étalé sa connaissance de tous les règlements et constitutions de la planète dans le style de François Asselineau, ni enfin ne s'est plainte de l'absence d'un troisième débat le 20 avril, à la manière de Nicolas Dupont-Aignan.

Le podium de Yannick Vely, rédacteur en chef délégué de ParisMatch.com

Jean-Luc Mélenchon : Il avait remporté le premier débat selon le sondage réalisé par l'Ifop. Le candidat de la France insoumise a encore démontré qu'il était le meilleur tribun des onze candidats. Précis sur ses propositions sur la VIe République, il a détaillé son projet de constituante et veut «donner le droit de révoquer un élu». La VIe République «ne peut pas, ne doit pas être octroyée par un groupe de personnes (…) comme en 1958», a-t-il ajouté sur le sujet. Sur la question de l'Europe, Jean-Luc Mélenchon a même surpris, déclarant : «Il faut parler avec les autres, les Allemands ne sont pas nos ennemis».

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Benoît Hamon : En retrait lors du premier débat –il avait été mis en difficulté sur sa mesure du revenu universel -, le vainqueur de la primaire de la belle alliance populaire a été beaucoup plus mordant lors du deuxième débat, s'opposant à Jean-Luc Mélenchon sur l'Europe et à François Fillon sur la question de la dette et de la fonction publique. Benoît Hamon a surtout fait preuve d'un certain lyrisme lors de sa conclusion, évoquant la transition écologique, mais aussi les Côtes d'Amor et les rives du fleuve Sénégal.

Emmanuel Macron : Favori des sondages, le leader d'En Marche! a répondu du tac au tac aux différentes attaques portées contre lui. Il s'est notamment opposé à Jean-Luc Mélenchon sur la question des travailleurs détachés, assumant sa position pro-européenne. Mieux, il a combattu Marine Le Pen sur ce sujet, faisant référence –sans le citer- à François Mitterrand qui fustigea «le nationalisme qui mène à la guerre». «Vous ressortez les mensonges qu'on entendait dans la bouche de votre père», a-t-il ajouté à l'adresse la fille de Jean-Marie Le Pen. Emmanuel Macron a également déroulé son programme sur le renouvellement de la classe politique et a annoncé une meilleure évaluation des lois prises par le Parlement s'il est élu président de la République.

Mention spéciale à Philippe Poutou. Bien sûr, il y a la forme «originale» du candidat, son refus un brin puéril de refuser d'apparaître sur la photo «officielle». Mais son sens de la répartie a fait mouche, notamment quand il a attaqué bille en tête François Fillon et Marine Le Pen sur la question de la moralisation de la vie politique. «François Fillon, plus on fouille plus on sent la corruption, la triche, ce sont des bonhommes qui nous expliquent qu'il faut la rigueur, l'austérité alors qu'ils piquent dans les caisses», a d'abord attaqué le candidat trotskiste, avant de s'en prendre à Marine Le Pen : «Pour quelqu'un d'anti-européen, ça ne la gêne pas de piquer dans les caisses de l'Europe». Son «je n'ai pas une immunité ouvrière» marquera ce débat.

Le podium de Mariana Grépinet, journaliste politique

Jean-Luc Mélenchon : Le candidat de la France insoumise s'impose à nouveau dans ce second débat. Clair et pédago, à l'aise dans cet exercice (y compris face à dix autres candidats), Jean-Luc Mélenchon a réussi à développer ses thèmes de campagne. Il s'en est pris à plusieurs reprises à François Fillon, dont il n'est plus qu'à quelques points dans les sondages. Et à Marine Le Pen, qu'il a repris et interpellé plusieurs fois, pointant ses contradictions et ses imprécisions. «Le moment est venu pour le pays de retrouver le goût du bonheur», a-t-il conclu.

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Philippe Poutou : Le candidat du NPA a été le premier à attaquer François Fillon et Marine Le Pen sur leurs affaires lorsque la question de la moralisation de la vie politique a été abordée. Philippe Poutou, qui a pris l'habitude de parler très vite lors de ses interviews télévisés, s'était préparé. Il attaqué Fillon, et, dans un langage fleuri et applaudi par le public, Poutou, qui n'avait rien à perdre, s'en est pris aussi à la candidate du Front National. «Le FN qui se dit anti-système ne se fait pas chier avec les lois du système pour ne pas se rendre aux convocations de la police (…) Quand nous on est convoqué par la police, on n'a pas d'immunité ouvrière, on y va.» Une sortie qui restera comme une des punchlines de la soirée.

De gauche à droite : Nathalie Arthaud (Lutte Ouvrière), Marine Le Pen (Front National), Benoît Hamon (Parti Socialiste), Jacques Cheminade (Solidarité et Progrès).
De gauche à droite : Nathalie Arthaud (Lutte Ouvrière), Marine Le Pen (Front National), Benoît Hamon (Parti Socialiste), Jacques Cheminade (Solidarité et Progrès). ©AFP or Licensors

Benoît Hamon : Effacé pendant la première partie du débat, Benoît Hamon a repris la main dans une longue séquence de défense des services publics. «Je vous le dis les yeux dans les yeux Monsieur Fillon, moi j'aime la fonction publique», a t-il lancé au candidat LR qui venait de proposer de réduire le nombre de fonctionnaires. Et d'insister : «Je suis pour qu'on nomme les personnes dont on veut supprimer les postes. Qui ne voit pas que la plupart de nos grands services publics sont à l'os? Là où il y a le plus de burn-out, c'est dans l'hôpital, à l'école, dans les commissariats.» Il a conclu dans une tirade lyrique : «Seul sans doute nous irons plus vite. Ensemble, nous pouvons aller loin.»

Mention spéciale à François Fillon, qui a montré qu'il maîtrisait ses dossiers, notamment sur les questions internationales et que son programme était précis et chiffré. Il a aussi été un des seuls à aborder la question de la dette. Un sujet compliqué à aborder pour lui. Cerné par les affaires, il a osé reprendre l'anaphore «Moi président» de François Hollande. A la question «Qu'est-ce que c'est qu'un président exemplaire?», il s'est lancé : «C'est un président qui dit aux Français la vérité sur la réalité du pays. C'est un président qui met en oeuvre ses engagements. C'est un président qui respecte son Premier ministre et le gouvernement. C'est un président qui ne se sert pas des moyens de l'Etat pour affaiblir ses adversaires.» Et dans un ultime tacle au chef de l'Etat, il a conclu : «Un président exemplaire, c'est un président qui ne se confie pas aux journalistes.»

Le podium de Virginie Le Guay, journaliste politique

Emmanuel Macron : Alerte, percutant, il s'est montré tout au long de la soirée très offensif. «Je n'accepte pas que l'on déforme la réalité.» Une façon de couper court aux critiques de ses adversaires qui l'accusent d'être alternativement «d'accord avec tout le monde». Le candidat d'En Marche! s'est vivement opposé à la volonté de Marine Le Pen de sortir de l'euro. «Cela entraînera des destructions d'emploi et une baisse du pouvoir d'achat.» Plus généralement, il a accusé la candidate du Front national de reprendre à son compte les «mensonges» proférés par son père pendant quarante ans. Evoquant les affaires qui ont éclaboussé la campagne, il a estimé qu'il n'y avait pas lieu d'invoquer une quelconque «trêve judiciaire». Il a promis de «tourner la page» avec un gouvernement «progressiste» resserré et paritaire.

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François Fillon : Plus retenu, ila misé sur son expérience et sa solidité. «Il faut de la force pour présider la France. Cette force, je l'ai», a affirmé, d'emblée le candidat de la droite et du centre qui a annoncé «une réforme de la fiscalité du capital trop imposé actuellement». A propos de la lutte contre le terrorisme, «un combat de longue haleine», l'ancien Premier ministre de Nicolas Sarkozy a prôné une «alliance mondiale» avec d'autres pays européens et la Russie. Mis directement en cause par Philippe Poutou qui l'a accusé d'avoir «piqué dans la caisse», le candidat des Républicains, actuellement mis en examen, a invoqué la présomption d'innocence. «On a voulu me faire taire, m'éliminer de la compétition politique mais je suis toujours là.»

Jean-Luc Mélenchon : Moins détendu que lors du précédent débat, il a joué la carte de la crédibilité. A propos de la moralisation de la vie publique il envisage de nommer «un haut commissaire à la lutte contre la corruption» : il faut «récurer les écuries d'Augias». Hostile à l'Europe, partisan d'une VIe République («Le pays doit se refonder compte tenu de son état de dislocation»), le candidat de la France insoumise a revendiqué sa «stratégie révolutionnaire».

Mention spéciale à Nathalie Arthaud, spontanée, sincère; elle a usé d'un langage simple et net. Très véhémente lorsqu'elle a dénoncé les licenciements dans les banques ou les entreprises bénéficiaires qu'elle interdira, la candidate de Lutte Ouvrière a également dénoncé «la politique impérialiste» dictée «par les grands groupes capitalistes». A propos de la sécurité des Français, elle a rejeté «tout amalgame» entre les terroristes et les migrants.

Le podium d’Eric Hacquemand, journaliste politique

Jean-Luc Mélenchon : La recette est la même que celle utilisée le 20 mars dernier sur TF1, un mélange d'offensive, de pédagogie et, parfois, d'un peu d'humour. C'est donc lui qui lance les hostilités en début d'émission face à François Fillon (qui le devance encore dans les sondages) en matière d'emploi : «Il n'y aura pas un code du travail par entreprise.» Son engagement choc: «Si je suis élu, il n'y aura plus de travailleurs détachés.» Un bel effort pour être resté au côté de Jean Lassalle pendant plus de trois heures, sans jamais s'effondrer de rire…

Emmanuel Macron : La cible de la soirée (avec Marine Le Pen). Tour-à-tour visé par Nicolas Dupont-Aignan (sur son passé de banquier chez Rothschild), Marine Le Pen, Jean-Luc Mélenchon et finalement presque tous les invités, Emmanuel Macron a su résister. Le favori de cette élection a ainsi riposté à Marine Le Pen lui reprochant de «parler comme son père». En étant plus tranché que sur TF1. «Je n'ai pas l'Europe naïve», juge-t-il en promettant de réformer la directive européenne sur les travailleurs détachés «mais sans tout jeter par la fenêtre».

François Fillon : Ainsi François Fillon a-t-il pris un virage protectionniste sur BFM… L'ancien Premier ministre s'est ainsi dit favorable à la nationalisation des chantiers navals STX de Saint-Nazaire (Loire- Atlantique). Une façon de corriger légèrementson image de candidat libéral. Mis sur le gril en matière d'exemplarité, il a osé l'anaphore et l'allusion directe à Francois Hollande dans le livre «Un Président ne devrait pas dire ça». Moins endormi que le 20 mars sur TF1 et souvent agacé quand Poutou lui reproche «d'avoir piqué dans les caisses».

Mention spéciale pour «le couple» Arthaud-Poutou,les Bonnie and Clyde de l'extrême gauche : un même débit qui les rend parfois inintelligibles, une même cible (les capitalistes) et une même sincérité lorsque l'ouvrier de chez Ford et l'enseignante évoquent le décalage entre «le monde politique et celui du travail». Conseillé par ses soutiens présents derrière lui dans le public, c'est au candidat du Nouveau parti anticapitaliste (NPA) que l'on doit la punchline de la soirée face une Marine Le Pen complètement séchée : «Nous on n'a pas d'immunité ouvrière quand on est convoqué par la police!» Il a fait mouche.

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