François Berléand : "La France m'énerve au plus haut point"

Paris Match. Vous allez fêter vos 71 ans. Pas de peur de vieillir ?

François Berléand. Pour l'instant, tout va bien. Je touche du bois, car ça peut partir en vrille très facilement. En plus, je sens que je prends de l'âge. J'ai tout le côté droit qui a été cassé suite à des chutes de ski ou autres. Des fois, au réveil, j'ai des douleurs assez fortes. Quand la météo change, je déguste.

Les temps sont difficiles. Vieillir dignement est de plus en plus compliqué ?

Ma grand-mère avait de l'argent. Une dame s'est occupée d'elle. J'allais la voir deux fois par semaine. C'était beaucoup, car je travaillais tout le temps. Mon frère y allait aussi, comme son fils. Elle est morte entourée. Mais quand on n'a pas d'argent, c'est compliqué. J'aime bien les pays d'Afrique où les gens vivent avec les vieux. Chez nous, on les met dans des maisons de retraite et c'est horrible. Je peux comprendre ce choix pour des gens qui habitent dans un deux-pièces. Mais les bourgeois…

Que pensez-vous du débat sur les retraites qui enflamme la France ?

On a la retraite à 62 ans. La France est l'un des pays d'Europe, et même du monde, où l'on arrête aussi tôt de travailler. Mais il n'y a plus d'argent. Qui va payer ?

Comment jugez-vous ces grèves à répétition ?

À un moment, il faut arrêter. On est le pays où l'on bosse le moins d'heures par semaine. Et on est à la retraite le plus tôt possible. Malgré cela, il y a encore des grèves. Que voulez-vous que je vous dise ?

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La France dite « joyeuse » n'existe plus ?

Pas vraiment. Et je ne suis pas sûr qu'on la retrouvera. Hélas, je pense qu'il nous faudrait une petite dictature, une petite guerre, pour qu'on retrouve les Trente Glorieuses. Mais, très sincèrement, je ne le souhaite pas. Nous vivons dans une société tellement individualiste… Tout est fait pour qu'on ne pense qu'à sa pomme. Par exemple, je prends souvent le métro pour me déplacer à Paris. Tout le monde est sur son téléphone. Tout le wagon. Il y a quand même autre chose que le portable dans la vie ! Une photo a fait le tour du monde : on y voit des jeunes dans un musée, ils regardent leur téléphone, pas les tableaux !

Vous dites : « Ma tension descend lorsqu'on me fout la paix. » Est-ce vraiment le cas ?

J'ai une tension impeccable. Elle ne bouge pas depuis mes 20 ans. Elle est toujours à 13/6 (rires).

Donc, il est difficile de vous énerver ?

Non. Lorsqu'on manque de discernement, de bon sens, de respect, de politesse… En ce moment, ce qui se passe en France m'énerve au plus haut point. Je ne sors pas de mes gonds, mais la politique m'exaspère.

Auriez-vous aimé avoir 20 ans aujourd'hui ?

Je suis bien heureux de ne pas les avoir. Pour les jeunes, c'est dur. Ce qui se passe est violent. En plus, ils ont un rapport à l'image qui est très étrange. Ils se filment. Ils sont sur TikTok. Ils ne sont pas très curieux. Par contre, ils ingurgitent un nombre colossal d'images. Nous, nous n'avions pas tout ça. Nos images, on les inventait ou on les voyait au cinéma.

Que reprochez-vous à la société ?

Tout n'est plus que business. La seule chose qui compte, c'est de gagner du fric. Idem pour les entreprises. Je me souviens de ma grand-mère qui avait une machine à laver. Une des premières machines à linge qui existait ! Elle me l'a donnée Et je l'ai donnée à ma fille. Elle marche toujours. Juste une fois, une pièce s'est cassée. Son mari, qui est manuel, l'a réparée. Cette machine fonctionne depuis 70 ans ! Achetez une nouvelle et vous verrez combien de temps vous la garderez.