Reportage : Au cœur de la Cop24 avec Céline Fremault
La ministre bruxelloise de l’Environnement, de l’Énergie et du Logement s’est rendue à Katowice en Pologne pour le grand sommet onusien sur le climat. Paris Match l’a accompagnée dans sa mission.
- Publié le 22-12-2018 à 10h11
- Mis à jour le 22-12-2018 à 16h01
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Katowice, en Haute-Silésie. Ses nuages plombés, ses anciens sites industriels reconvertis en centres culturels. Ses charbonnages. Ses shopping malls. Ses bâtiments d'inspiration soviétique. Du 2 au 14 décembre, 200 pays, une trentaine de chefs d'État et une multitude d'ONG s'y sont pressés au chevet de l'urgence climatique. Avec quelques vents contraires. C'est que l'objectif final n'était pas des moindres. Il s'agissait, pour rappel, de faire adopter par la communauté internationale les règles de mise en œuvre de l'Accord de Paris. Celui-ci entend contenir l'élévation de la température moyenne de la planète en-dessous de 2°, voire 1,5°c par rapport à l'ère pré-industrielle. Avant le bouclage de la Cop, samedi 15 décembre, les constats se sont faits souvent dépités. «Prolongation fastidieuse pour un accord sans ambition», pronostiquaient certains, alors même que les conclusions n'avaient pas encore été émises. La communauté internationale approuvera finalement les règles de mise en œuvre de l'Accord de Paris, mais le résultat est globalement insuffisant selon les ONG. L'ambition restera le mot-clé de ce sommet et des suivants, évidemment.

La ville du sud de la Pologne qui accueille cette Cop24 n'est pas exactement un poumon vert. Y vivre reviendrait à fumer passivement 2 500 cigarettes par an, selon l'Organisation mondiale de la santé. Sur une chaîne française, un guide touristique compare la ville et son ambiance à Germinal, version 2018. «On a vingt ans de retard», clament quelques témoins. Mais le passé minier de Katowice n'a pas entamé l'enthousiasme vert des plus éclairés. L'ancienne capitale du charbon serait aujourd'hui en pleine reconversion même si elle dépend toujours de l'or noir polonais. Et elle a relevé le challenge onusien en tâchant d'imposer sa vision d'une transition écologique juste.
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Nature et mémoire
11 décembre. Début du deuxième volet de la conférence : le segment de haut niveau, dit ministériel. Il suit la préparation des textes et propositions faites par des spécialistes, issus des administrations et de la diplomatie. Ici on entre dans la phase politique, celle des échanges et du decision making d'envergure. Dans le taxi qui nous emmène à la Cop, Céline Fremault parle de la Pologne. D'Auschwitz qu'elle a tenu à visiter il y a quelques années. Et qu'elle compte bien montrer à ses enfants.
Le devoir de mémoire dans l'enseignement, l'éducation, c'est un point crucial pour la démocratie rappelle-t-elle. Quelques heures avant ce périple, elle inaugurait un monument hommage aux droits de l'homme dans le parc de Tour & Taxis, près de Molenbeek. Pour les 70 ans de la Déclaration universelle des droits de l'homme, elle a imaginé, avec l'architecte paysagiste belge Bas Smets, un obélisque de 12 mètres, composé de strates colorées portant chacune un article issu de la Déclaration. En mode quadrilingue. Un création qu'elle a voulue exhaustive, donc forcément monumentale. «Savez-vous que Bas Smets a été appelé à réaliser le monument en hommage aux victimes d'Anders Breyvik à Utøya, en Norvège? Sa renommée est mondiale et il est, comme tous les grands, d'une modestie rare.»
Les symboles, les mémoriaux chargés de sens, la ministre en est friande. «Une passion». Elle a également créé avec ce même artiste un lieu de recueillement pour les victimes des attentats du 22 mars à Bruxelles. Il se situe dans la Forêt de Soignes, non loin de l'hippodrome de Boitsfort. Chacun a apporté sa pierre à l'édifice, précise-t-elle, soulignant les collaborations bénévoles qui lui ont permis d'ériger ces monuments à moindre frais. Elle aime «le lien, la transition». Et justifie elle-même cette digression en l'associant à son souci du vert, de l'intégration d'un hommage dans un espace adéquat. «Une question de mesure, de sobriété, de respect.»
Dans la soucoupe volante
Le Spodek qui abrite la grand-messe du climat est un bâtiment en forme de soucoupe volante construit sur une ancienne mine de charbon. C’est un complexe géant comprenant salle omnisports, patinoire, hôtel et parkings. Sous le dôme gris acier, on découvre une fourmilière. Tour de Babel aux accents bureaucratiques, cela va de soi.
Contrôle de sécurité d’abord, selon les normes de l’ONU bien sûr. Avec files kilométriques aux heures de pointe. Un parfum d’AG à New York. Ensuite c’est la dispersion d’allure anarchique dans les couloirs, aux étages. Les télés du monde ont installé leurs plateaux au rez-de-chaussée, non loin des immenses salles de conférences avec traducteurs planqués dans des cages de verre. Les costumes gris côtoient des tenues plus roots, urbaines ou bucoliques. Les hommes d’État rencontrent ici les ONG.

La ministre bruxelloise de l'Environnement entame la journée par une visite au QG de la Belgique. Elle est accompagnée de Julien Guillaume, son conseiller climat au cabinet. Le duo fonctionne montre en main.
Au sein de la COP, les négociations s'entament, s'embourbent parfois. Au finish, non sans quelques retards traditionnels dans les pourparlers, un nouveau texte sera rédigé.
La Belgique par exemple, s'est longtemps enlisée dans des désaccords communautaires. La Flandre a refusé de monter dans le train d'un groupe de pays ambitieux, la «high coalition ambition», composé notamment d'une trentaine de pays européens qui souhaitent accélérer la lutte contre le réchauffement. Et ce malgré l'accord de Bruxelles, de la Wallonie et du fédéral.
Les conférences climat, Céline Fremault les connaît bien. «J'étais la seule ministre belge à être présente à la Cop20, à Lima en 2014», souligne-t-elle. «Les accords de Paris en 2015 qui avaient bénéficié d'un engouement politique fort. En revanche, les années qui ont suivi la conclusion de ces accords ont été marquées par le doute. D'une part parce qu'il y a eu l'annonce du retrait des États-Unis, mais aussi en raison d'un déclin du momentum politique lié à Paris.»
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Belgique «à la traîne»
Le 5 décembre, deux jours après la marche pour le climat, la Belgique s'était notamment abstenue de voter sur une directive européenne concernant les énergies renouvelables, se dissociant des ambitions européennes en matière de climat. Sur cette «Belgique à la traîne» dans la lutte contre le réchauffement, dénoncée notamment par le climatologue Jean-Pascal Van Ypersele ou par le comédien Bouli Lanners dans une vidéo enflammée, sur cette faillite du politique fréquemment pointée du doigt par Écolo et le CDH, les niveaux fédéral et régionaux se renvoient la balle. «La Belgique accumule un certain retard», concède la ministre bruxelloise. «Ce n'est pas évident de trouver les consensus qui peuvent convenir à l'ensemble des entités. »

Ces climato-sceptiques qui «ridiculisent le pays»
Elle évoque deux raisons majeures à cette situation: la fameuse lasagne institutionnelle, cette «multiplication des entités qui ont voix au chapitre», soit quatre acteurs «autour de la table» – fédéral et régions. Et des «majorités asymétriques sur le plan politique avec, au nord du pays, un parti climato-sceptique qui est la N-VA. Il est de notoriété publique que ce parti freine les ambitions qui devraient être les nôtres face aux enjeux internationaux. En 2015, quand j'ai assuré la présidence de la commission nationale climat, j'ai voulu aboutir sur l'accord intra-belge de répartition de l'effort. Les principales difficultés sont venues du parti nationaliste flamand. Ce n'est qu'avec une volonté extrême, un rythme de réunions soutenu et une méthodologie nouvelle que j'ai pu décrocher un accord alors que le dossier était bloqué depuis des années. J'avais déclaré que je n'irais pas à Paris pour la Cop21 si nous n'étions pas capables de régler entre nous ces efforts climatiques intra-belges. Le contexte international de la Cop21 a obligé les plus réticents à mettre l'eau dans leur vin pour éviter de ridiculiser le pays…»

Les femmes africaines au cœur des enjeux
L’esprit win-win de l’économie circulaire, humanisme et efficacité, est illustré par des vidéos. Elles ont été réalisées par des femmes africaines qui montrent l’usage qu’elles ont fait des fonds fournis par la Région bruxelloise. Elles présentent ces vidéos lors d’un «side event» de l’Institut francophone de développement durable (IFDD). C’est un organe subsidiaire de l’Organisation internationale de la francophonie. Il propose une action concertée pour développer le secteur de l’énergie dans les pays membres. Depuis 1996, cette action s’est étendue à l’environnement.
Il y est question de la résilience climatique de l’Afrique où le dérèglement des températures accentue les inégalités. Les secteurs de l’agriculture et de la pêche sont déjà touchés. Six projets pilotes ont été portés par des femmes dans cinq pays – Togo, Bénin, Sénégal, Burundi, RDC – avec le soutien de la Région. Trois d’entre eux ont été prolongés. Au Togo, par exemple, un projet de maraîchage par introduction d’un système d’irrigation goutte à goutte associé à une gestion durable de la fertilité des sols permet de faire face à la sécheresse.
Les images au ton un peu formel, avec des formules parfois compassées, ont l'avantage de montrer la réalité du terrain. Ces femmes qui «font tout à la maison» assurent que leur rendement, avec cet appui extérieur, se trouve amélioré.
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Un petit film évoque un projet réalisé au Sénégal, où la pêche est cruciale pour des raisons économiques et culturelles. À Kayar, ville côtière au nord de Dakar, les femmes participent au changement climatique. Il faut les former à la pisciculture. Le plastique léger des récipients qu’elles utilisent remplace désormais le ciment lourd. Les bacs en plastique résistent mieux à la saison des pluies et facilitent la fermentation. Celle-ci a lieu en deux jours au lieu de trois avec du ciment, et la mise en place de bassins piscicoles augmente aussi le revenu des préposées au traitement des poissons. Elles n’utilisent plus la forêt pour le séchage ou le fumage du poisson. Depuis trois ans, un processus de reboisement est en cours.
Genre et climat
250 000 euros ont été alloués par la Région bruxelloise pour soutenir ces travailleuses, améliorer leur quotidien, leur qualité de vie et, dans la foulée, leur efficacité et rentabilité. C'est un package qui court de 2015 à 2018. «Les femmes sont devenues autonomes, au-delà de la conscientisation du climat. Grâce aux financements climatiques internationaux, en particulier axés sur le genre, ces femmes de pays en voie de développement sont aujourd'hui en mesure de travailler toute l'année alors qu'auparavant, elles ne pouvaient le faire que six mois par an et nourrissaient leur famille difficilement».«Elles ont créé de l'emploi. enfin, des hommes travaillent pour elles… Et puis sans sa femme, un homme ne peut pas fonctionner!», renchérit une participante.
La présence de femmes au sein des sphères de décision est un élément clé du plan d’action «genre» de Céline Fremault. La ministre prend la pose avec les femmes de la délégation. Les hommes se résignent difficilement à quitter le champ.

Le «sexe faible» se révèle en général plus sensible à ces question climatiques, plus prompt à embrayer sur de nouvelles mesures. «Le fait qu'elles portent la vie dans un contexte souvent difficile font que les femmes ont un instinct de survie par rapport au genre humain. Elles vont se battre avec une sensibilité accrue pour préserver le niveau de vie de leurs enfants aujourd'hui menacés. Dans un certain nombre de pays en voie de développement, elles assument une immense part du quotidien de leur famille. Elles sont plus fragiles en termes de précarité et accèdent beaucoup plus difficilement aux organes décisionnels. Il faut leur permettre de contribuer aux politiques climatiques et à leur mise en œuvre. J'ai voulu les soutenir pour améliorer leur quotidien, leur donné un rôle d'actrices entières face à ces défis.»
Fonds pour l’adaptation
Financement climatique international toujours, la ministre bruxelloise embraie sur une rencontre bilatérale avec des représentants du Fonds pour l’adaptation. Parmi eux, un cadre de Washington. Le Fonds a été créé pour épauler les programmes d’adaptation menés par les pays en développement les plus vulnérables, membres du Protocole de Kyoto. La Convention-cadre des Nations-Unies sur les changements climatiques et le Protocole de Kyoto obligent les pays industrialisés à assumer leurs responsabilités. Si ce Fonds devait survivre à la fin du Protocole de Kyoto, prévu en 2020, les modalités devraient être réexaminées. C’est un point chaud parmi les revendications des pays en voie de développement.
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Lors de la Cop21 à Paris, la Belgique, qui s’investit dans cette action depuis plusieurs années, s’est engagée à mobiliser au moins 50 millions d’euros par an pour appuyer les politiques climatiques de ces pays. La répartition des forces entre le fédéral et les trois régions a été établie dans un accord intra-belge sur le Burden Sharing. La Région bruxelloise a accordé, sur la période 2015-2018, 250 000 euros à l’IFDD, pour les projets genre et climat. Et, en 2018, près de 500 000 euros au Fonds pour l’adaptation. Entre 2016 et 2020, l’aide financière de Bruxelles aux pays en voie de développement s’élève à 11 250 000 euros.

À Bruxelles, on planche sur le photovoltaïque et le trafic
La Californie vient de connaître des incendies ravageurs. Un exemple parmi mille autres. Nul n'est épargné par le réchauffement climatique. Et certainement pas la Belgique, comme le rappelait récemment Romain Weikmans, chargé de recherches du FNRS et Maître d'enseignement à l'ULB, évoquant la montée de la mer, certaines inondations en Wallonie etc. Urbanisme et mobilité sont des leviers essentiels dans la résolution de la question environnementale à Bruxelles. «La Région bruxelloise est aussi exposée que les autres régions», confirme Céline Fremault. «Il suffit de voir les menaces qui pèsent sur le biotope de la Forêt de Soignes pour en constater les effets concrets. La hausse des températures l'été dernier dans les villes, à Bruxelles en particulier, témoigne de la nécessité d'une action renforcée. On sait aujourd'hui qu'à Bruxelles, les plus gros responsables du changement climatique sont les émissions de gaz à effet de serre issus des bâtiments et du trafic routier. D'ici 2021, près de 85 000 mètres carrés de panneaux photovoltaïques seront installés sur les toitures bruxelloises. Ça signifie que la puissance photovoltaïque va augmenter de 20% et surtout que 4 500 tonnes de CO2 ne seront plus envoyés annuellement dans l'atmosphère… Depuis novembre 2018, il existe enfin une carte solaire bruxelloise qui permet à chaque habitant de la Région d'évaluer le potentiel photovoltaïque de sa toiture, le montant de l'investissement et le rendement de l'installation.»
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Quant à l'autre levier d'action, celui du trafic routier, la ministre rappelle qu'elle a «mis sur la table» en mai 2018, la sortie du diesel pour 2030 et de l'essence dans une seconde étape. «La mesure la plus forte que j'ai prise durant la législature est la mise en place d'une zone de basse émission à Bruxelles. Je rappelle que 12 000 décès par an sont liés à une qualité de l'air dégradée.»
Pour une agence interfédérale du climat
La présidence bruxelloise de la Commission nationale Climat proposera le lancement d'une étude comparée pour améliorer la gouvernance climatique en Belgique. Derrière pourrait fleurir l'idée d'une agence interfédérale du climat, idée lancée par Céline Fremault. Cette agence, elle l'imagine comme un forum permanent, «avec une idée de transparence. Une participation de la société civile et un input scientifique qui doit guider le débat». À terme, l'objectif serait de simplifier la prise de position belge, de ne faire qu'une voix plus limpide, qui porterait plus rapidement l'idée belge à l'Europe. «Depuis la Cop de Lima en 2014, j'ai pu me plonger dans la complexité institutionnelle des dossiers climatiques. L'agence interfédérale, autonome, fonctionnerait comme l'agence belge pour le commerce extérieur. Elle développerait par ailleurs une expertise en matière climatique à l'échelle belge. Elle passerait au crible les mesures proposées par les différents gouvernements. L'agence pourrait ainsi proposer au CA des positions belges claires permettant au pays de démontrer stabilité, cohérence et ambition dans sa politique climatique.L'agence fonctionnerait en flux continu, pas juste à la veille de conseils européens ou de rendez-vous internationaux. »

La voix belge au sein de l’Union
«Mon rôle est de défendre la position bruxelloise au sein de la coordination belge. La coordination est défendue à son tour dans les conseils européens. Et, dans le cadre des sommets climat comme la Cop24, c'est l'Union européenne qui est le porte-voix de l'ensemble des États et doit s'entendre avec les autres parties à travers le monde.» Dans ce processus où les modes indirects – consensus de consensus – se succèdent, la communication peut perdre en efficacité, pour le dire faiblement. Surtout dans le cas d'un État fédéral comme la Belgique.
Cette idée de plus petit commun dénominateur, a un effet négatif double. «L'inertie qui peut régner, et une diminution de l'ambition. Je prône un changement de paradigme: on doit tous créer de l'ambition, chacun à notre niveau, qu'il soit régional, belge ou international. Exemple: quand Trump sort de l'accord de Paris, ce n'est pas une raison pour en faire moins au sein de l'Union européenne. Au contraire, cela doit pousser l'UE et l'ensemble des États à adopter un rôle de leadership plus marqué.»
Dans le cas du glyphosate, la commission européenne considère que ma décision de l'interdire prend trop en cause le principe de précaution alors que tout le monde est d'accord sur la nocivité majeure de ce produit. (…) Je plaide pour une commission européenne qui soit plus dans la mise en œuvre ambitieuse des décisions du parlement.
La ministre salue l'ambition du parlement européen sur les dossiers environnementaux, au contraire de la commission, qui, dit-elle, «semble souvent freiner les ambitions nécessaires. Voyez par exemple l'interdiction du glyphosate que j'ai fait adopter à Bruxelles, ou l'interdiction de plastiques, les enjeux liés à la sortie du diesel…. Dans le cas du glyphosate, la commission considère que ma décision prend trop en cause le principe de précaution alors que tout le monde est d'accord sur la nocivité majeure de ce produit et que des procès récents, notamment aux États-Unis, ont condamné Monsanto à de lourds dommages et intérêts. Je plaide pour une commission qui soit beaucoup plus dans la mise en œuvre ambitieuse des décisions du parlement.»
Hulot et les dossiers ingrats
Avant de regagner la Belgique, Céline Fremault assiste avec les ministres belges, hollandais et luxembourgeois à la déclaration Talanoa du Benelux. Les caméras se pressent sur un espace réduit, entre deux stands. «Mener un dialogue de Talanoa réussi était le premier objectif de la Cop24. Ce dialogue était l'un des mécanismes principaux de l'Accord de Paris, on l'a dit.»

Les efforts et l'expérience de la diplomatie française ne sont pas étrangers au succès de cet accord maître. Comment la ministre bruxelloise a-t-elle perçu l'abandon de poste de Nicolas Hulot, son retrait du gouvernement Macron, et la position dont il se revendique depuis longtemps, arguant que seule une révolution peut sauver le climat donc le monde? «Le temps de l'utopie est décrété», martelait-il encore, dans l'Émission politique sur France 2, le 22 novembre dernier. Il continue naturellement à vanter l'économie circulaire notamment tout en préconisant une ouverture accrue au changement. «Je ne blâmerai jamais quelqu'un qui vit un problème de conscience», dit Céline Fremault, «mais je m'inscris en faux quand j'entends qualifier de courageuse sa décision de retrait. Oui, les dossiers environnementaux sont souvent ingrats. On peut passer des mois à négocier, à fournir des efforts pour tenter de changer les comportements mais ces changements ne sont possibles qu'à travers l'endurance, la persévérance politique. Avec conviction, énergie et beaucoup de pédagogie, les lignes bougent. Prenons l'exemple du diesel. Qui aurait pu imaginer en début de législature, en 2014 et alors qu'il n'y a pas Écolo au sein de ce gouvernement, que cette nouvelle règle serait actée aujourd'hui?Depuis 2014, j'ai voulu faire de l'écologie inclusive et compréhensible, en insistant au quotidien sur les efforts de tous, là où ils sont. C'est la théorie des petits pas. Tout le monde n'aura pas la capacité demain de pouvoir acheter de l'alimentation bio. Mais chacun sera en mesure demain de comprendre qu'il faut respecter, dans sa consommation, les saisons, les circuits courts, et ne pas gaspiller.»
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Ces voix qui portent
Pierre Rabhi, chantre de l'agroécologie, champion de la «terre promue», pour reprendre une expression de Libé, a marqué le parcours de Céline Fremault, dit-elle. «Ce pionner de la cause environnementale, qui a sensibilisé des générations à la question de la valeur de la terre et de l'agriculture, a certainement inspiré notre stratégie bruxelloise Good Food, le label de l'alimentation durable. J'ai eu l'occasion, au printemps dernier, de visiter Les Amanins, son éco-village en Drôme. Il synthétise concrètement ce qu'il dénomme la sobriété heureuse.»

L'enjeu climatique a eu longtemps une image strictement écolo, plutôt boboïsante. Il est aujourd'hui largement reconnu comme un impératif absolu. Et est même devenu assez «trendy». Le phénomène de mode, de récupération par certaines figures, politiques, médiatiques, du monde de l'entertainment est-il résolument positif à ses yeux ? «Ces personnalités contribuent à conscientiser un large public à la question climatique. Il faut bien sûr éviter le «greenwashing» (éco-blanchiment), tout ce qui est cosmétique. La solution aux enjeux climatiques passe par un changement à tous les niveaux – politique, entrepreneuriat et citoyens. Si la démarche est sincère et crédible, alors il n'y a aucune raison de la mépriser.»