En Afrique centrale, le commerce illégal d'ivoire aux mains de la Chine
Grâce à un renforcement de la loi et des contrôles, les marchés ouverts d’ivoire disparaissent en Afrique… pour mieux revenir dans la clandestinité, menée par la Chine. C’est ce qui ressort en tout cas de l’étude de l’ONG TRAFFIC, publiée ce jeudi. La première complète sur le commerce illégal en Afrique centrale depuis près de 20 ans.
- Publié le 07-09-2017 à 16h39
- Mis à jour le 07-09-2017 à 16h47
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Le trafic d'ivoire s'internationalise. Spécialisé dans la surveillance du commerce de la faune et flore sauvages, TRAFFIC a publié ce jeudi une étude qui lève le voile sur le commerce illégal dans cinq pays d'Afrique centrale : le Cameroun, la Centrafrique, le Congo, la République démocratique du Congo ainsi que le Gabon. Ce rapport, le premier complet depuis près de 20 ans, révèle que la Chine n'est pas seulement le plus gros acheteur d'ivoire. Elle est également devenue un acteur clé dans le commerce illégal en contrôlant tous ses dispositifs, du fin fond de la forêt africaine à la boutique chinoise.
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Ses trafiquants ont organisé des réseaux criminels qui opèrent dans la sous-région pour contrôler ce marché dévastateur pour les pachydermes. «On estime qu'environ 20 000 éléphants meurent chaque année en raison de leurs défenses en ivoire», rappelle Sone Nkoke, chargé de projet faune sauvage de TRAFFIC en Afrique centrale et auteur principal du rapport. De 2002 à 2011, le nombre des éléphants d'Afrique centrale a même chuté de plus de 60%. Des chiffres alarmants, rapportés par Le Monde, en à peine une décennie. «C'est aussi le temps qu'il a fallu pour que les filières chinoises s'installent en lieu et place des opérateurs locaux».
De 400 à 1 kg vendu…publiquement
La dernière étude importante sur le sujet remontait à 1999, dix ans après l’embargo international sur le commerce de l’ivoire, selon le journal français. Depuis lors, les marchés locaux ouverts où se vendent l’ivoire ont pratiquement disparu en Afrique centrale ou deviennent souterrains, à l’exception de celui de Kinshasa qui comptait 400 kg de produits en ivoire exposés publiquement en 2015. La même année, les enquêteurs de TRAFFIC ont enregistré moins de 1 kg de produits dans les quatre autres pays, contre environ 400 kg en 2007 et plus de 900 kg en 1999.

Les raisons de cette disparition ? Des lois plus sévères,la pression croissante des autorités qui mènent des opérations fréquentes et la concurrence avec les réseaux criminels souterrains. À la place de ces marchés locaux, s'installe un commerce international ultra-organisé qui ne favorise plus aux Africains. «Avant, le trafic de l'ivoire servait un marché domestique qui alimentait une économie locale. Ce n'est plus le cas aujourd'hui où les acteurs africains ont tendance à être court-circuités. La plus-value financière de ce trafic revient certainement davantage aux Asiatiques qu'aux Africains», note Stéphane Ringuet au Monde.
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Ce passage d'un commerce ouvert à souterrain alimente l'exportation d'ivoire brut sur les marchés étrangers, principalement vers l'Asie. Cette exportation a contribué à réduire la disponibilité d'ivoire sur les marchés locaux, ce qui pourrait expliquer la forte augmentation du prix de l'ivoire brut au niveau local au cours des dernières années : selon Le Monde, «le kilo d'ivoire est par exemple passé de 145dollars à 500dollars (121 euros à 418euros) en RDC entre 2009 et 2015».
Corruption et faible pression politique
Si la loi actuelle interdit le commerce domestique de l’ivoire dans tous les pays d’Afrique centrale, à l’exception du Cameroun, l’étude souligne cependant que l’interprétation de la loi dans chaque pays est vague et ambiguë. Non seulement de la part des autorités chargées de l’application de la loi, mais aussi de nombreux autres acteurs. Son application est entravée par le haut niveau de corruption, impliquant souvent des responsables gouvernementaux, des ressources humaines et financières insuffisantes, une mauvaise gestion et un manque de volonté politique.
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«Il est scandaleux que des personnes chargées de protéger ces pays en Afrique centrale – des responsables gouvernementaux, les armées et même des gardiens de la paix de l'ONU – soient complices de la destruction de leurs populations d'éléphants», s'insurge Sone Nkoke. Co-auteur du rapport, Stéphane Ringuet remarque tout de même que le gouvernement chinois a pris l'engagement de mettre fin à son commerce et à sa transformation de l'ivoire d'ici la fin de l'année. 2018, l'année de la protection des éléphants d'Afrique ?